ZEPHYR BLACKWELL ► Finn Wolfhard

     C’était un jour comme les autres à Glasgow en Ecosse, il pleuvait et un léger vent soufflait et faisait virevolter les feuilles des arbres les laissant se poser au bord de la Clyde. C’est non loin de cette rivière que tu es né, on ne t’attendait pas si tôt mais tu as décidé que tu voulais naître aujourd’hui et pas un autre jour. Ton père et moi étions au restaurant ce jour-là, c’était notre jour de repos, le premier depuis bien longtemps. Assis aux bord de la rivière, on se racontait nos expéditions, notre rencontre, que de bons souvenirs. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à avoir des contractions, tu étais sur ton chemin. ton père était paniqué, il ne savait pas quoi faire, mais dans sa panique il a réussi à appeler une ambulance. Tu n’étais pas décidé à attendre toi par contre. Et n’écoute pas ton père il te dira qu’il était serein et qu’il le savait mais ne le crois pas, j’ai cru qu’il allait s’évanouir quand tu es arrivé. Tu sais Zéphyr, l’ambulance n’as pas eu le temps d’arriver à l’Hôpital que tu étais déjà là, tu pleurais tout ce que tu pouvais et tu étais minuscule. Mais pour ton père et moi c'était comme si on nous tendait un miracle, tu est notre précieux miracle, n’en doute jamais, on t’aime de tout notre coeur et ce depuis toujours Zéphyr. D’ailleurs, ton nom on te l’a donné quand tu est né, on n’y avait pas vraiment réfléchi et on ne savait même pas de quel sexe tu serais. Ton nom vient du Dieu grec du vent de l’ouest, Zéphyr, en rapport avec le vent léger et doux qui soufflait ce jour-là. Je ne sais pas si tu l’aimes, pour nous en tout cas ça paraissait comme une évidence. C’est un jour qu’il nous sera impossible d’oublier et ce grâce à toi, merci d’avoir fait de ce jour pluvieux et venteux un jour si spécial à nos yeux.

      Les parents du jeune homme sont des vagabonds dans l’âme et ne passaient que quelques années dans le même pays et ce à cause en partie de leur travail. Le petit Zéphyr a pu admirer tant de merveilles et tant de pays au travers des voyages et de la passion de ses parents. Il a aussi connu un bon nombre d'écoles : Glasgow en maternelle et début primaire, ensuite la France, la Grèce, l’Egypte pour finir par Toronto au Canada pour ses années de collège. Il était heureux de faire tous ces voyages mais il en pâtit car il n’arrivait pas ou peu à créer des liens et à garder contact avec les gens qu’il côtoyait. Il finit donc par s’enfermer dans sa bulle et à refuser qu’on l’approche car il savait pertinemment que cela ne servait à rien. Il s’isola encore plus quand, pour le lycée, ses parents décidèrent de faire l’école à la maison car ils se rendirent compte que ces changements d’écoles fréquents le faisait souffrir.

     Zéphyr n’avait donc plus de contacts avec l’extérieur et restait enfermé dans sa chambre devant son ordinateur ou plongé dans ses livres du matin au soir et parfois pendant des nuits entières. Il n’en perdit pas pour autant son sourire éclatant et émerveillé mais, il n’était plus le même, il ne se souciait plus des relations humaines, ce n’était pas important. Mais contrairement à ce qu’il laissait paraître, sur les réseaux sociaux il rencontrait et devenait ami avec des gens et sans grande difficulté. Il renouait peu à peu avec l’extérieur au travers de son écran.

      Pourquoi, pourquoi il a fallu que ça arrive, pourquoi ? J’étais comme toujours dans ma chambre enfin dans mon endroit de vie (sûrement pour pas très longtemps) à en apprendre plus sur des reliques anciennes quand, en retirant mon casque, j’entendis le bruit strident d’une ambulance en approche. Je me suis dis sûrement un accident de la route, ou un voisin qui avait un malaise, je n’y fit pas attention et remit mon casque pour m’isoler de ce vacarme assourdissant. J’ai regretté, j’ai amèrement regretté mon indifférence, je m’en veux toujours au point de faire des crise de panique quand j’entend une ambulance. Je n’avait aucune idée de ce qu’il avait pu se passer à cet instant, je n’étais qu’un gamin idiot et lassé du monde extérieur. Ce monde, ce monde dans lequel je vis, dans lequel mon corps vit. Mon âme, elle,  parcourt les civilisations des temps anciens au gré de mes recherches, j’explore donc continuellement dans le passé alors que mon existence est rattachée au présent.

     Je ne pensais donc pas tant que ça lié avec le monde présent, je n’y avait aucune attache, et c’est aujourd’hui, avec du recul, que je me dis que j’étais un sombre idiot de penser ça. Ce jour-là j’ai failli perdre l’une des personnes qui compte le plus à mes yeux, j’ai cru la perdre à jamais. Alors que j’entendais le bruit sourd de l'ambulance, mon père bondit en sueur dans ma chambre, pris de panique. “Zéphyr, enlève ce casque et viens de suite avec moi c’est ta mère, ça ne va pas, viens dépêche toi”. Pris de peur et dans précipitation je quittais mon jeu, récupéra mes affaires et couru vers la voiture avec mon père. J’ai cru que le monde s'effondrait autour de moi, et que je ne pouvais rien faire, je ne bougeait plus, je ne respirait quasiment pas, et je distinguait à peine le son de la voix de mon père, je ne comprenait pas un traître mot de ce qu’il me disait. On a couru aussi vite que l’on a pu dans l’Hôpital jusqu'à trouver quelqu’un qui sait ce qui arrive à ma mère. Un médecin vient à notre rencontre. “Vous devez être le mari et le fils de Madame Blackwell, je vais vous expliquer la situation.” Cet homme nous expliqua que ma mère avait du mal à respirer et des douleurs violentes au niveau de l’abdomen et que ceci était dû à un cancer de l'ovaire. Le choc était tel que mon père tomba de tout son poids pour s'effondrer en larmes tandis que moi j’étais trop perturbé pour faire ou dire quoi que ce soit. J'ai seulement pu bégayer “Elle ne va pas mourir hein?”. Il me certifie que l’on pouvait la soigner mais que ça allait être un traitement long et difficile mais qu’elle n’allait pas mourir.

     Au bout de longue heure d’attente et d’angoisse on a pu la voir, j’étais si soulagé, j’ai vraiment cru que tout allait s’effondrer mais ce n’est pas pour aujourd’hui. C’est sûrement le miracle dont parlait ma mère, si vous m’entendez, faites que le miracle dure encore un peu. J’ai regardé ma mère avec un grand sourire sans rien dire, elle m’en rendit un encore plus beau, malgré la fatigue, c’est comme elle me disais que ce jour restera gravé dans ma mémoire, car ce jour-là, tu t’es battue pour ne pas nous quitter.

     Avec les problèmes de santé de ma mère et mon admission à Harvard mes parents ont décidé un peu à contrecœur de se poser aux Etats-Unis. Il va s’en dire que mon père continue à vadrouiller pour travailler, il n'a pas trop le choix et ma mère doit rester à la maison mais continue à travailler de son domicile en aidant comme elle le peut. Je m’en veux car je ne peux pas être à ses côtés, je suis à Boston pour mes études, dans un appart, cette fois je suis entièrement seul. En soit ça ne me dérange pas tant que ça mais je m’en voudrais si l’état de ma mère se dégradait et qu’elle… qu’elle disparaisse durant mon absence. Je vais tout faire pour la rendre fière, et pour poursuivre ce qu’elle a déjà entrepris. Je vais devenir le miracle que tu as toujours vu en moi.