undrunk (libre - currier only)

Les fêtes de fin d'année, c'est plus vraiment quelque chose que tu fêtes, parce que t'es plus vraiment un membre du clan Killbane, et t'as pas envie de toquer à la porte de ton frère puisqu'il se lance dans un silence radio depuis ton retour en ville, et t'as pas envie d'aller te réfugier avec Nephtys. Cette année, tu préfères ta propre compagnie de toute façon. T'as une bonne partie de tes potes qui sont partis dans leurs familles déjà, comme Eowyn ou Andréa, et tu sais que dans deux jours, les gens encore présents seront là pour te bizuter, encore une fois. Y'a trois mois de ça, c'était toi qui te chargeait des nouveaux aspirants, mais c'était le prix à payer de ton absence.

T'es dans le grand salon, t'as ta guitare dans les mains, tu grattes les cordes, pensive, t'as pas de mélodie précise en tête. T'es affalée dans le canapé, tu fais gaffe à rien. Puis machinalement, tes idées posent la mélodie de Champagne Supernova d'Oasis. Tu fredonnes, le regard dans le vague. T'es ailleurs.

Noël était pas encore là mais de toute façon, je restais sur Boston pour les fêtes. Pas le choix quand on est pauvre, on se paye pas un avion aller-retour pour NYC à chaque occasion. De toute façon, dans 2 jours, c'était le bizutage, je devais y participer. C'est comme ça que ça marche. Je devais prouver que je méritais ma place. Mais pour l'instant, je devais juste me reposer quelques temps. J'avais plus d'exam et ça c'est pas trop mal quand on y pense.

Je voulais voir du monde juste histoire de papoter. J'espérais que Flor soit dans le grand salon, juste histoire de pas avoir à me fatiguer à parler mais c'est Lana que je  voyais. Elle était là, comme toujours.

"Tiens tiens. Toujours une guitare à la main à ce que je vois (quand c'est pas une manette)." lançais-je en riant.

Quand t'entends la voix de Jessie qui vient à tes oreilles, tu ris doucement. T'avais quitté la chambre il y a moins d'une heure et le voilà devant toi, à te charrier parce que t'as les mains occupées. « A défaut de pouvoir toucher une jolie fille, j'm'occupe sur ma guitare. J'te manquais ou t'as envie de t'faire battre à Need for Speed ? » que tu lances en plaisantant, te redressant un peu dans le sofa. Tes doigts courent encore sur le manche, histoire de faire une musique d'ambiance dans ce grand salon. « T'as croisé personne dans les couloirs ? » T'avais envie de te sociabiliser un peu, aujourd'hui, une fois n'est pas coutume.

T'avais peut-être envie de retrouver tes marques au sein de la maison, ou peut-être que tu voulais faire taire le vacarme de ta tête avec des éclats de voix, de rires et pourquoi pas, se lancer dans un moment de partage musical. Et le plus étrange dans ton ça, c'est que t'as envie de vivre ça en pleine sobriété.

"Ca reste compréhensible. J'avoue que je dirais pas non pour une jolie fille non plus. Et clairement pas, je me suis assez fait humilié pour la semaine, je vais m'entrainer un peu avant de rejouer avec toi" lui avais-je répondu. En même temps, sur 8 courses, elle en avait gagné 7 et ça, c'était intolérable.

"Pour être honnête, je me demandais si Flor n'était pas là mais visiblement, c'est pas le cas. Je reviens dans cinq secondes."
Parti aussi vite qu'arrivé, je fonce dans ma chambre récupérer un de mes objets préférés. En descendant, je jette un autre coup d'œil au cas où un membre de la currier n'aurait pas envie de nous rejoindre. Mais c'était désert. En même temps, c'était Noël ... ou presque.

"Et me revoilà". Essoufflé, je tendais ma propre guitare vers Lana qui se redressa. "Un vieux cadeau." C'était soit un appareil photo soit une guitare et entre les deux, une guitare d'occasion était moins cher donc je me suis retrouvé avec ce joli bijou. Mon sourire. Je le sentais sur mes joue. J'avais le même sourire le jour où ma mère me l'avait offert. C'est le seul objet qui me rend un sincère sourire en toute circonstance. Lana m'observait, perplexe pourtant toujours en train de gratter quelques cordes. "Quoi ? Qui a dit que les sourds n'étaient pas doué en musique ?" Bon ok, je dirais pas que je suis doué mais pour quelqu'un qui ne se souvient pas du son, je me débrouille !

Il t'arrache un sourire moqueur. C'est vrai que tu l'as largement humilié le pauvre Jessie, à sa place, t'aurais pas envie d'une défaite supplémentaire, ne serait-ce que par fierté. « T'as une jolie fille dans le viseur, le séducteur ? T'as raison, vas t'entraîner un peu plus avant de lancer la prochaine course. Essaie de battre Raven quand elle revient. » dis-tu en riant, alors qu'elle aussi tu l'as fumée l'autre soir sur ce jeu de courses.
Tu haussais les épaules quand il parlait de Flor. T'avais vu personne depuis un moment, et tu commençais même à te demander si t'étais pas toute seule dans la maison qui t'abrite. T'es dubitative quand tu le vois s'enfuir de nouveau dans les étages aussi rapidement, mais tes doigts continuent de jouer ce rythme que tu connais par coeur. Tu te souviens même de cette première soirée de Summer Camp où tu l'as chantée devant une foule d'inconnue, de la fille avec qui tu flirtais, ta collègue de boulot et ton ex. T'as un sourire qui se pointe à cette pensée quand tu vois débarquer ton coloc avec sa guitare. Tu dis rien, tu le regardes avec ton sourcil levé. Finalement, tu qouris à sa remarque sur sa surdité. « Pourquoi tant d'à priori sur le sujet, franchement ? Allez, surprends moi, Ludwig von Hendrix. » Tu arrêtes de gratter tes cordes, prête à écouter.

"D'abord, c'est Ludwig von Tan." Avais-je répondu à la belle blonde avant de pouffer de rire et de m'installer dans un fauteuil en face d'elle.
"Ca fait un moment que j'y ai pas retouché. J'aime pas trop jouer devant du monde mais bon, disons que je fais une exception pour toi".

Je regarde Lana. Pose mes jambes en tailleur, mon dos se raidit un peu avant de se détendre. Mes yeux, se posent quant à eux sur l'objet entre mes mains qui elles-mêmes se positionnèrent sur l'instrument. Je ne pouvais quitter des yeux les cordes. Elles bougeaient en rythme, dictées par mes mouvements de doigts. C'était le but en même temps. C'est comme ça que la guitare produit son son. Son que je n'entendais pas, certes, mais j'aimais voir le regard des autres après quelques morceaux. C'était agréable et puis je me rendis compte que mes phalanges n'étaient pas trop rouillées. Du moins, pas autant que je ne le pensais.

"Tu devrais connaitre ces quelques morceaux" annonçais-je après la première musique.

« Acceptez mes excuses, Ludwig von Tan. » laisses-tu échapper dans un rire, mimant les gestes d'usage dont on use pour présenter ses plus plates excuses. Tu le regardes s'installer face à toi, si bien que tu poses ton précieux instrument qui te suit presque partout désormais. « J'suis l'exception de beaucoup de personnes pour diverses raisons on dirait. » songes-tu à voix haute, avec le sourire de rigueur. Le jeune homme a tout un process avant de se lancer, que tu regardes avant de te concentrer sur les morceaux qu'il allait te jouer. T'es au taquet là-dessus aussi. Tu esquisses un sourire sur Blur, tu balances du pied sur Pain, tu t'exaltes sur Rammstein, tu attrapes ta guitare pour le rejoindre sur Green Day, et toutes celles qui suivent. Il est doué Jessie, t'avais aucune idée de tout ça, comme quoi il cachait bien son jeu. Tu te mets à chanter sur Nothing Else Matter, ton classique par excellence. T'as un sale sourire qui se dessine aussi. T'es pas comme l'autre nuit, dans l'antre du Loup, sombre et fragilisée. T'es bien. A la fin de cette session, tu lui lances un sourire. « Merci, mec. J'comprends pas pourquoi on a pas une foule en délire qui débarque dans cette histoire. » Toi et ta fausse modestie, c'est tout un art.

Finalement, nous n'étions que deux mais nous étions deux entités presque complémentaire. Plus le temps passait et plus j'appréciais la compagnie de Lana malgré le fait qu'elle était absolument sans pitié sur chaque jeux vidéo auxquels on a pu jouer. Bon au moins, j'étais sûr qu'elle a de bons goûts musicaux et ça, ça reste non-négligeable. Elle avait apprécié, elle m'avait rejoint et elle avait chanté. Des fois, je regrette de ne pas bien entendre la tonalité du son. Juste pour ces moments de joie où l'on se met à chanter, pour ceux où on se met à danser et pour le moment où la musique est tout.  Ce qui était le cas à ce moment là.

"Honnêtement, je vais finir par faire des concerts pour avoir de l'argent pour acheter une énorme enceinte bluetooth du tur-fu que je vais mettre au milieu du campus pour qu'on joue depuis un banc et là, à ce moment là, on aura une foule en délire". Elle ria à cette annonce. Oui, bien évidemment, ce n'était pas vraiment possible mais les rêves sont là pour nous bercer d'illusions agréables.

"Et toi ? C'est quoi ton rêve ?"

T'avais besoin de ça, d'un instant hors du temps comme celui-là. Des classiques maitrisés, deux guitares, lâcher prise. Tu t'es sentie plus libérée qu'en étant seule, t'as même retrouvé ton sourire, plus franc. Tu regrettes presque que ça se soit terminé si tôt, que vous n'ayez rien trouvé de plus pour combler les blancs. T'es pas du genre à t'émouvoir, mais là, t'en avais presque envie. Tu ris à l'idée de Jessie, parce qu'il a de la suite dans les idées, que ça pourrait marcher son plan, quand on y pense. Puis il te pose cette question qui te fait réfléchir, qui te travaille un peu. Parce que t'as plus jamais songé à tes rêves et tes aspirations pour le futur depuis que tu t'es retrouvée enfermée dans le manoir. Tu ne lâches pas ta guitare, t'as le regard dans le vague et pourtant, t'as ton demi-sourire qui commence à se dessiner. « J'veux créer une scène ouverte, là où tous les artistes de cette ville peuvent se rencontrer, communier, s'associer.. quels que soient leurs horizons. J'veux voir des gens monter sur scène et y monter aussi. Et pourquoi pas m'dire que j'y étais un peu pour quelque chose si ils sont découverts. » Ton regard s'illumine, parce que tu te rends compte que cette idée, tu l'as eue en commun avec un de tes voisins de cellule et qu'aujourd'hui, t'as toutes les clés en main pour que ça arrive. Tu te dresses d'un bond, laissant ta guitare sur le canapé et tu vas chercher deux verres et une bouteille que vous aviez taxée dans le manoir quelques soirs avant, et tu vous sers. « Et ce projet, il verra le jour, putain. J'veux qu'il voit le jour. » dis-tu en levant ton verre, avant de l'avaler cul sec.

Lana me conta son rêve. Plutôt réaliste comme rêve. J'en avais peut-être plus d'un moi. Après tout, je n'avais pas appris à jouer de la guitare uniquement pour moi. Mais c'était compliqué et quelque part je n'oserais pas parler d'elle sans être complètement soul.

Une grande scène ouverte, avec plein de gens différents qui partageraient des intérêts communs. C'était une partie d'un rêve commun avec une amie. Certes, ce n'était pas sur l'art dans toutes ses formes mais plutôt sur un communautarisme d'handicapés comme moi. Et mes pensées se perdirent alors que Lana alla chercher quelques choses. Et je pensais à elle, encore la même fille. Mais quel idiot suis-je pour toujours penser aux personnes qu'il ne faut pas ? Et mes doigts gesticulèrent sur les cordes de mon instrument, frénétiquement, instinctivement. Et je trouvais cela profondément stupide de ma part dans la mesure ou je n'entendrais jamais le son que je produisais.

Elle revint, posant bruyamment deux verres qu'elle remplie d'un liquide que je reconnu. C'était une des bouteille qu'on avait volé. Avait-elle lu dans mon esprit ? Je devrais me méfier. Je suis sourd mais pas aveugle et ce genre de coïncidence n'arrive jamais. Nous étions peut-être juste fait pareil. Et je pris un verre entre mes doigts "A ce projet génialissime alors" répondis-je en faisant tinter mon verre contre le sien, souriant béatement. Et nous priment une gorgée. Un peu fort mais ce n'était pas imbuvable non plus. Et je posais ma guitare sur le sol juste avant que Lana ne me pose une question.