Make it harder (libre)

Dans la nuit du 13 au 14 décembre, Raven s'est battue lors de combats illégaux. Elle est bien amochée et on peut encore lire la rage dans son regard, parce que c'est une lionne encore dans sa trance, dans sa colère. Elle ne comprend pas pourquoi elle éprouve des sentiments pour quelqu'un qu'elle ne devrait pas, pourquoi elle ressent cette sensation désagréable qu'est la jalousie. Raven, c'est peut-être une surdouée, mais relationnellement parlant, c'est une inculte. Et son problème, c'est qu'elle n'est pas du genre à se confier. Jusqu'à ce soir, dans son état physique pitoyable.

Je suis là, assise sur ce banc, mouchoir ensanglanté pour contenir le liquide qui sort encore de ma lèvre ouverte. J'avais pas conscience que ces combats pouvaient être aussi intenses, moi qui ai l'habitude de me battre de manière plus safe en compétition. Là, ça ressemblait à du marche ou crève, et clairement, j'en avais besoin. Je renifle, quand une silhouette s'arrête à ma hauteur. Je ne sais pas si j'ai envie de découvrir le visage de mon interlocuteur pour le moment, il prendrait sans doute peur en me voyant dans cet état, se demanderait sans doute pourquoi je suis dans cet état. Je pousse mon sac du banc, le pose à même le sol pour qu'il y prenne place.

J'ai la tête ailleurs. Si bien que je ne sais même plus ce que m'a dit Alexis avant que je ne monte sur le ring pour en découdre avec cette rage qui débordait de moi. Ca faisait huit ans que ça n'était pas arrivé, ces excès de colère. Depuis l'enlèvement de ma mère, et après ça, la mort de mon frère. Je faisais toujours en sorte de garder le contrôle, parce que c'est de cette manière que je ne coulais pas. Et là, j'étais submergée, au point de craquer plus que de raison.
Bien que je ne fume pas, je garde toujours un briquet sur moi, pour les rares occasions où ça arrive. Il m'arrive de griller une cigarette en soirée, quand l'alcool a coulé à flot, mais c'est le genre de chose qui se compte à peine sur les doigts de la main. La dernière fois, remonte à ma soirée retrouvailles avec Lana, après un nombre incalculable de John Collins au Nephilim et à la continuité de la soirée chez moi. Je fouillais donc dans mon sac, pour tendre le briquet à l'homme qui venait se poser à mes côtés, sans le regarder. « Vous avez une clope en échange ? » Là, comme ça, en pleine sobriété, la question traverse mes lèvres, signe que je suis vraiment au plus mal, et je m'en rends compte. Effrayant constat de sentiments puissants qui ont éclaté avec violence dans ma face, d'un coup. Finalement, je regarde mon interlocuteur, après avoir enfoui le mouchoir sanglant dans ma poche.

Je déteste m'imbriquer dans la vie des gens, mais là, je n'avais pas d'autre choix que de m'immiscer, de rompre le silence de la nuit et de ses paroles solitaires. Une question simple qui trouvait une réponse aussi simple. Le briquet était désormais tendu dans sa direction et j'attendais la tige de nicotine en échange. Quand j'entends la surprise qui l'anime quand il voit mon visage, je comprends que le combat de ce soir a été rude et que les dégâts se marquent de plus en plus sur mon visage. Pourtant, je ris doucement. Il est plutôt proche de la réalité, si on y pense bien. Des gens qui se battent de façon animale, pour laisser exploser la rage ou pour l'appât du gain. « Plus ou moins, ouais. Si vous voyez l'état des lions, vous me trouveriez moins flippante. » m'amusais-je à répliquer, après ces victoires consécutives, malgré la douleur ressentie au niveau des phalanges. « Merci pour la clope, au fait. »