bravons les interdictions

Ces derniers jours n’étaient guère aisés. Depuis que j’avais passé cet accord avec la Mafia, tout était en train de me bouffer. Je sombrais lentement, mais sûrement dans ce tunnel de l’Enfer qui avait su me rendre fou et me pousser à quitter l’Italie par le passé. J’avais eu un client samedi. Des heures dans une chambre avec cet étranger qui avait le droit de faire ce qu’il voulait parce que c’était ma place et que je devais me taire. Des heures dans cette chambre d’hôtel à subir et à me faire marquer de nouveau. La marque dans mon cou commençait tout juste à s’effacer, mais il avait fallu que ce client me la refasse. Comme pour me rappeler que je n’étais plus libre. Au-delà de trouver une excuse à mon absence à l’appartement samedi soir, il avait fallu que j’apprenne une nouvelle parade pour cette marque ornant mon cou. Je ne pouvais plus prendre l’excuse du chat qui m’avait griffé. Cela ne pouvait pas arriver deux fois en produisant la même marque. Depuis samedi, j’utilisais du fond de teint pour la masquer. Ça fonctionnait même si je n’étais pas certain que ça puisse fonctionner indéfiniment. Ma fuite des contacts et mes sursauts trop présents n’avaient pas échappé à mon copain. Soupirant, je jetais un œil à mon reflet. Mes prunelles s’arrêtaient sur cette marque rouge un instant. Je m’en détournais bien vite avant de repartir dans l’Enfer de ma tête. J’étais attendu ce soir.

Je retrouvais Aaron pour une soirée juste lui et moi. Une soirée que nous n’avions pas eu depuis un moment. Enfilant un boxer, un jean moulant, un tank top et une veste en jean, je mettais ce font de teint dans mon cou avant de passer mes doigts dans mes cheveux pour les coiffer. De retour dans la chambre, je déposais mes lèvres sur celles de Lukas soufflant que je ne savais pas à quelle heure je rentrais et je me faufilais à l’extérieur prêt à grimper sur ma moto pour rejoindre l’appartement d’Aaron. Le trajet fut rapide. Sans doute parce que j’étais perdu dans ma tête à imaginer les scénarios possibles pour ce soir. Des scénarios tous trop chauds et déplacés… Les joues rouges, j’arrivais devant l’appartement. J’inspirais un coup pour me donner du courage avant de sonner. Un sourire se façonnait sur mon visage. Sourire vrai parce que j’étais heureux de le retrouver. Sourire faux parce que je n’arrivais plus à me sentir bien depuis des jours. La porte s’ouvrait sur le jeune homme qui m’accueillait avec ce sourire charmeur qui me faisait tomber. Ce sourire charmeur qui entraînait l’agrandissement du mien. Plus sincère. Tout irait bien. La salutation tombait. Et, comme un abruti, je ne savais pas retenir le léger mouvement de recul lorsqu’Aaron s’approcha pour déposer ses lèvres près des miennes. F*ck. Je n’étais qu’un incapable. Baissant les yeux pour ne pas croiser son regard, je sentais mon cœur cogner plus fort dans ma poitrine. Angoisse ? Désir ? Je ne savais pas. Je ne voulais pas fouiller. Relevant les yeux, j’offrais un sourire au jeune homme en répondant « Coucou Baby » avant de pénétrer dans cet appartement que je connaissais trop bien. Il m’annonçait le programme et j’acquiesçais enfonçant mes mains dans les poches de ma veste. J’étais tendu. Beaucoup trop tendu et je détestais ça. Alors, comme pour me pousser à me calmer, je reprenais la parole soufflant « T’as commandé quoi ? T’as des bières au frigo ? » M’occuper l’esprit de choses futiles loin des contacts étaient une bonne idée. Puis boire m’aiderait sûrement à me détendre.

Pourquoi avait-il fallu que je recule lorsqu’Aaron s’était approché de moi ? Je ne risquais rien. Le jeune homme ne me ferait pas de mal je le savais. Tout ce qu’il provoquait en moi était envie et plaisir. Rien de douloureux. Pourtant, je n’étais pas capable de me contrôler. C’était comme si mon corps réagissait avant ma tête. Cela avait pris quelques jours après la première fois pour que mon copain puisse me toucher sans que je sursaute… Le problème n’était même pas entièrement résolu puisqu’apparemment, je sursautais dès lors qu’il s’approchait de moi la nuit. Cela faisait des semaines que je n’avais pas vu Aaron. Des semaines que je n’avais pas eu le moindre contact physique avec lui. Et, même si j’en crevais d’envie comme le sous-entendait les messages que nous avions pu échanger, même s’il me manquait, je me sentais obligé d’être sur mes gardes. Je n’étais plus que ce fichu gamin un peu trop détruit par son existence qui ne savait pas se contrôler. J’avais eu ce recul alors que les lèvres d’Aaron si proche des miennes m’enflammaient agréablement. J’avais envie de plus. J’étais effrayé de plus. Gosse trop perdu dans le tourbillon des sensations. Je pénétrais dans l’appartement m’empressant de demander ce qu’il avait commandé et cherchant à savoir s’il y avait des bières. Il fallait que je m’occupe. Il fallait que je boive. Il fallait que je me détende. Je voulais juste profiter de cette soirée.

Le jeune homme me répondait et il m’invitait à aller récupérer les bières dans le frigo ce que je faisais sans perdre de temps me faufilant dans la cuisine comme si je me trouvais dans mon appartement. De retour dans l’entrée avec les bières, la sonnette retentissait et Aaron me soufflait d’aller dans sa chambre. J’empruntais alors le chemin que je connaissais si bien. Ce chemin que j’avais emprunté plus d’une fois pour des moments plus ou moins chaud en compagnie du jeune homme. Et ce soir qu’en serait-il ? La température allait-elle monter dans les extrêmes ? Je n’en savais foutrement rien. Une part de moi en avait follement envie. Une autre part de moi était juste trop effrayée parce qu’elle savait que je ne me laissais plus faire. J’attachais. Je contrôlais. J’ordonnais. Je dominais. Et ça… Ça ce n’était pas possible avec Aaron. Pénétrant dans la chambre, je retirais mes chaussures que je poussais dans un coin de la chambre. Je retirais également ma veste me mettant un peu plus à l’aise et me foutant d’afficher les traces autour de mes poignets. Ces foutus traces de lien dû à mon client de samedi. Déposant ma veste sur la chaise, je posais les bières sur la table de nuit avant d’en ouvrir une que je portais à mes lèvres sans attendre. Une gorgée pour tenter d’apaiser cette tension en moi. Une gorgée pour tenter d’effacer cette angoisse qui n’avait rien à faire là. Je me laissais tomber sur le lit lorsqu’Aaron arriva dans la chambre refermant derrière lui. Un rire m’échappa à son commentaire et, tandis que je me redressais sur le lit, je rétorquais « Ça sent toujours bon les pizzas bébé » avec un grand sourire. C’était vrai quoi. Les pizzas vous donnaient toujours faim avec leur délicieuse odeur. Buvant une nouvelle gorgée de ma bière, je la déposais sur la table de nuit avant de me rallonger correctement sur le lit. Fermant les yeux, je soufflais à l’attention d’Aaron un « Tu m’as manqué… » comme une confession que je ne savais pas retenir. Je tournais la tête avant d’ouvrir de nouveau les yeux pour planter mes prunelles dans les siennes et lui offrir un doux sourire. Ouais il m’avait manqué. J’étais heureux de le retrouver ce soir.

Je me retrouvais dans cette chambre que je connaissais parfaitement. Cette chambre au sein de laquelle j’avais passé des heures si délicieuses. Cette chambre au sein de laquelle je m’étais abandonné tant de nuits. Cette chambre où la température avait souvent été trop élevée. Parce que c’était ça Aaron et moi. Nous avions été deux sexfriend pas foutu de se contrôler dès lors que l’on se retrouvait dans la chambre du jeune homme. Nous avions été ces deux amis qui appréciaient de pouvoir se faire du bien sans avoir toutes les emmerdes qui allaient de pair avec le statut de couple. Juste jouir de notre relation telle qu’elle était sans en chercher plus. Cependant, je devais bien vous avouer que ça me faisait étranger de revenir au sein de cette chambre. Je n’avais pas vu Aaron depuis des semaines. Nous n’avions plus couché ensemble depuis des mois maintenant parce que nous étions devenus deux potes. Juste deux amis et ça fonctionnait bien. Ok, il y avait encore des gestes qu’il ne devait pas y avoir entre amis. Et il y avait encore cette jalousie et cette possessivité qui pulsaient entre nous par moment. Cependant, la majorité du temps, tout allait bien dans notre statut d’amis. Ce soir, nous étions censés partager une pizza et regarder un film avant que je ne rentre sagement à mon appartement. Est-ce que les choses allaient vraiment se dérouler de cette manière ? Est-ce qu’Aaron allait voir la marque dans mon cou ? Cette signature qui représentait un R et qui laissait entendre que mon corps appartenait à quelqu’un ? Et s’il voyait cette marque, s’en foutrait-il ou voudrait-il simplement l’effacer ? Oh bordel… Tant de questions et pas la moindre réponse ne s’imposait. Je me laissais tomber sur le lit après avoir bu une gorgée de ma bière. Une gorgée pour me détendre et mieux appréhender cette soirée. Une gorgée pour effacer cette angoisse qui pulsait à l’idée de me retrouver seul avec lui. Aaron débarquait dans la chambre et je riais à son commentaire. Me redressant à peine, je rétorquais riant de nouveau en entendant sa remarque. Je marmonnais un « Ventre sur pattes va… » dans un léger rire avant de me rallonger sur le lit en fermant les yeux.

La confession passait entre mes lèvres. Aaron m’avait manqué. Ce n’était pas possible qu’il en soit autrement. Je l’observais avec un doux sourire tandis qu’il ramenait les pizzas et son pc sur le lit pour débuter notre soirée. Je savais d’avance que le pc ne saurait guère capter mon attention ce soir. Je ne saurais pas me perdre dans un film alors que l’Enfer était si présent dans ma vie. Aaron s’installait à mes côtés et l’angoisse remontait. Mon corps se tendait. Mon cœur cognait plus fort dans ma poitrine. Lorsque le jeune homme souffla que je lui avais manqué aussi, je ne lui offrais qu’un sourire. Habituellement, j’aurai sauté sur cette occasion pour le provoquer. Cependant, ce soir, je n’étais pas capable de ça et je me détournais de son visage l’observant ouvrir les cartons de pizzas. Mon plat favori. Je ne me jetais pourtant pas dessus, pas certain d’avoir faim. Je restais allongé dans ce lit dans lequel je me sentais si bien. La voix d’Aaron me poussa à poser mon regard sur lui. Est-ce que j’étais sûr que tout allait bien ? Mes sourcils se fronçaient comme pour montrer que j’avais du mal à comprendre ce que cette question venait faire là ou peut-être que j’avais juste du mal à savoir quelle réponse j’étais censé lui fournir. Je restais silencieux l’observant se servir une part de pizza avant de se caler dans le lit sans jamais me quitter du regard dans l’attente des mots qui viendraient emplir la pièce pour répondre. Soupirant, je me redressais dans le lit pour m’asseoir avant de marmonner « J’fais aller… C’rien… Ça ira… » Menteur Neal, menteur. Ce n’était pas rien et ça n’irait pas. Je le savais. Tout empirait au fil des semaines. Inconsciemment, je venais frotter la marque dans mon cou pendant quelques secondes. Comme pour changer la donne et ne pas s’attarder sur ce sujet, je finissais par agir. Après tout, si j’agissais, je me sentais moins en danger. Je me rapprochais d’Aaron venant peut-être me coller un peu trop à lui. J’enfouissais ma tête dans son cou laissant ma main se déposer sur son ventre. Mes yeux se fermaient et je restais quelques secondes immobile comme pour laisser le temps à ma tête de tout analyser. Je contrôlais. Je menais la danse. Je provoquais le rapprochement. J’avais le dessus. Tout allait bien. Mes lèvres se promenaient dans le cou du jeune homme. Mes dents venaient mordiller la peau. Quelques secondes. Quelques minutes. Juste pour effacer ces dernières paroles. Et finalement, déposant ma tête sur l’épaule de mon ami, je tournais les yeux vers le pc en soufflant « On regarde quoi ce soir ? » Changer de sujet pour ne pas s’attarder. Ne plus agir pour ne pas le laisser dominer. Je venais même retirer ma main de son ventre la ramenant contre moi.