tw : cancer
@Ottis Heimann Ce léger sourire qui se dessine sur tes lèvres, tu ne le retiens pas. Tu restes quelques secondes cependant à réfléchir, avant de te souvenir de la dernière fois. La dernière fois où t'as tant arrêté de cogiter, où tu t'es juste laissé aller, où vous vous étiez endormis ensemble et que tout s'était bien passé. Pourquoi aujourd'hui est-ce que cela ne pourrait pas se dérouler de la même manière ? Tu te redresses, croises ton reflet dans le miroir au dessus de l'évier, avant de plonger tes mains dans ta trousse de toilettes à la recherche d'un élastique pour tes cheveux. Ses mots se hâtent, son ton t'inquiète et tu tournes la tête, les sourcils froncés lorsque tu constates qu'il vient de tirer sur le bouchon pour faire vider la baignoire. Tes pupilles s'agitent, cherchent à voir, savoir, comprendre. Au début tu réalises pas, vois une couleur plus foncée malgré la mousse blanche, et comprends ensuite qu'il s'agit d'une petite mèche de cheveux. "oh." T'as le cœur qui s'accélère, une boule qui te remonte dans la gorge et tes lèvres qui se mettent à trembler doucement alors que tu tentes de faire bonne figure. La réalité soudaine du cancer te frappe du plein fouet et tes phalanges se ressentent si fort sur le bord de l'évier que t'en a même mal aux mains. Dans la panique de l'instant, débordée par les émotions, tu veux attraper une serviette pour la lui tendre mais ta main butte contre l'assiette qui vient s'écraser et se casser en mille morceaux sur le carrelage dans un bouquant pas possible. "c'est pas vrai…" Tu dois te calmer, tu dois vraiment te calmer, parce que c'est déjà assez difficile comme ça pour lui, pour en plus avoir à regarder s'agiter la tornade que tu peux être. "viens sors." T'attends qu'il s'exécute, te forces à ne plus t'agiter d'inquiétude et mords fort dans ta lèvre pour retenir les larmes qui menacent. Une fois qu'il est bien couvert et au chaud sous les serviettes, tu tires sur son avant-bras et le fais s'asseoir sur ton lit, venant en face de lui, les jambes de nouveau sur le côté. Tu passes tes bras par dessus ses épaules, le tires doucement et te penches pour l'étreindre, une larme que tu ne sais plus retenir roulant sur ta joue. La réalité est bel et bien présente depuis quelques mois, mais ce soir elle n'a jamais pesé aussi lourd. T'as mal au cœur, t'as mal à la tête, t'as mal dans chacune des parcelles de ton corps. La vérité, plus encore que tout ce qu'elle a déjà détruit, elle est en train de le détruire lui. L'une de tes mains glissent dans sa nuque, t'as pas trouvé les mots alors t'as adopté les gestes avec cette étreinte. Pourtant maintenant tu recules doucement le visage et tes lèvres se retrouvent proches de son oreille, près de laquelle tu murmures faiblement "ça va aller." tu veux y croire. Qu'il s'en convainque, que tu t'en convainque, que vous puissiez vous en convaincre ensemble.
(Katalia Borgia)