Moi être indic ? Honnêtement, ce n’était pas impossible. J’étais discret et observateur. Je savais me faufiler dans n’importe quel endroit et faire comme si j’y avais parfaitement ma place. J’étais également digne de confiance au point qu’on pouvait être sûr et certain que je rapporterais les informations demandées. Cependant, moi être indic pour Rob ? C’était hors de question. C’était inenvisageable. J’avais quitté la Mafia parce qu’ils m’avaient totalement détruit. Je n’étais qu’un gamin un peu trop usé et naïf qui avait cru pouvoir être sauvé et aimé. Je n’étais qu’un gosse qui s’était réfugié dans une organisation qui lui avait tendu les bras. Une organisation qui avait pris un malin plaisir à me faire souffrir jour après jour. Ils m’avaient foutu en l’air. Mentalement. Physiquement. À cause d’eux, la vie normale semblait me fuir. Il était donc hors de question que j’en vienne à les aider dans quoi que ce soit. Il était hors de question que je fasse de nouveau parti de la Mafia. Néanmoins, comme le dernier des idiots, je soufflais cette remarque sur la qualité du travail que je pourrais faire et Rob réagissait au quart de tour m’invitant presque à le faire tandis qu’il me soufflait que je savais qui il cherchait. D’ailleurs, la question de la localisation de Côme tombait et je riais froidement. Sans attendre plus longtemps, je soufflais « Bien sûr que je sais qui tu cherches Rob… Et ouais je sais peut-être bien où il se trouve… Mais, tu sais aussi bien que moi que je ne le livrerai pas… Jamais… Pas lui… Même sous la torture… » Ouais, Rob le savait sans le moindre doute. Il savait à quel point je tenais parole lorsque je promettais quelque chose. Je m’étais promis de protéger Côme et je comptais honorer cette promesse faite à moi-même. Rob devait savoir que je ne révélerai rien parce qu’il l’avait vécu. J’avais toujours refusé de révéler quoi que ce soit sur les conneries qu’il commettait dans le dos d’Antonio. J’étais interrogé par Antonio. Souvent. Et je ne trahissais pas Rob. Jamais. Autant vous dire que je n’allais donc certainement pas le faire avec Côme qui comptait encore plus que Rob pour moi. Rob… J’aurai pu ne jamais le trahir lui aussi… Si je n’avais pas perdu le privilège de son intérêt. Si je n’étais pas devenu la pute de son père. Cela n’avait pas été mon choix et je le faisais entendre haut et fort à l’homme qui s’était barré loin de moi. Il s’était barré laissant l’oisillon se faire bouffer. Et les mots de Rob tombaient. Réels. Douloureux. Bordel ouais je savais. Je savais comment ça fonctionnait. Je savais qu’il n’avait pas réellement eu le choix de son départ. Pourtant, malgré moi, je murmurais « Tu… Tu aurais pu m’emmener avec toi… » J’aurai aimé lui souffler qu’il aurait dû m’emmener avec lui, mais je n’osais pas utiliser de tels propos qui pourraient peut-être éveiller sa colère. Je ne voulais pas le foutre en rogne. Merde, j’aurai tant aimé qu’il m’entraîne avec lui au sein de cette aventure. Ma vie n’aurait peut-être pas été un tel cauchemar. Heureusement pour moi, je n’avais pas le temps d’imaginer ça et le sujet déviait sur la véritable raison de mon appel. Elie. J’intervenais dans cette histoire pour négocier et éviter les morts probables. Mes mots faisaient rire Rob qui ne prenait rien au sérieux. Il se mettait même à souffler des mots qui me faisaient douter. Des mots sur Côme qui poignardaient mon cœur tandis que je bredouillais qu’il avait tord sans être certain. Rob continuait enfonçant la lame un peu plus profondément dans mon corps. L’hypothèse passait et je fermais les yeux refusant la réalité. Je babillais « Je… Tu… Arrêtes… Il ne pouvait pas… » Non. Côme ne pouvait pas prendre le risque de partir à ma suite lorsque j’avais quitté la Mafia. Pas avec son père. Rob le savait. Je le savais. Je ne voulais plus parler de ça. Je refusais de laisser Rob abattre mon bouclier alors je lançais la négociation et les règles glissaient. Je les listais silencieusement. Elles ressemblaient tellement aux règles que son père m’avait imposées. Honnêtement, j’avais envie de lui souffler qu’il ressemblait beaucoup trop à son père. Néanmoins, je me tenais sagement refusant de réveiller le monstre. Il n’y avait qu’une nouveauté dans ce nouveau contrat : celle de la caméra. Et ça… Ça c’était effrayant. C’était déstabilisant. Serrant les poings, je fermais les yeux avant de jurer dans ma tête. Je voulais refuser. Là. Tout de suite. Je voulais lui dire d’aller se faire voir. Pourtant, ces mots ne glissèrent pas entre mes lèvres « Je ne garde rien… Ils te paient toi… Tu choisis les clients… Je refuse rien, j’obéis, je me tais, je suis filmé… Et je… J’suis sage… Je serai sage… » Je m’écrasais totalement. Gamin à jamais dominé. J’étais là pour négocier et je savais que je n’obtiendrais pas mieux. Dès le moment où j’avais porté le téléphone à mon oreille, j’avais su… J’avais su que je risquais de signer de nouveau ce pacte alors, à cet instant, je m’effaçais acceptant tout sans la moindre hésitation. Ma langue glissa sur mes lèvres et je me demandais « Est-ce que tu… Est-ce que tu en seras un une fois… ? » La curiosité avait pris le dessus. Je désirais savoir si, un jour, je risquais de me retrouver face à Rob dans une chambre. Je désirais savoir si, un jour, ce serait lui qui me posséderait le temps de quelques heures. Peut-être qu’il ne répondrait pas à ma question, mais au moins elle était posée. Et, après cette première négociation, la seconde condition tombait. Il voulait Côme. Il m’offrait deux choix et je sifflais un « Non ». C’était sans appel. Je ne céderai pas sur ce point et Rob allait rapidement le comprendre. Je reprenais la parole pour détailler « Tu n’auras pas Côme. Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais. Mais, tu le sais déjà ça n’est-ce pas ? » Bien sûr qu’il le savait. Il me connaissait si bien. Il savait que je ne franchirais jamais cette ligne. Il avait osé lancer la condition tout en sachant qu’elle ne passerait pas. Que cherchait-il à faire ? Me bloquer ? Obtenir quelque chose d’autre ? Je n’en savais foutrement rien. Mais, je reprenais déjà la parole « Je ne le livrerai pas. Je ne le tuerai pas. Mais je… J’peux tuer d’autres personnes s’il le faut… » La proposition glissait. Offre inattendue. Offre si réelle. Personne ne pouvait imaginer ça de moi le gamin soumis et obéissant. Mais, j’avais déjà tué une fois. Rob ne le savait pas. Il ne le saurait jamais. Cependant, ce soir, j’osais lancer cette proposition comme un gosse trop fou qui était prêt à tout pour détourner le chemin de Côme. Je voulais juste écarter Côme du danger. Et je savais que je pouvais tuer. Rob en douterait sans doute parce qu’il ne connaissait pas toute cette histoire. Je me perdais dans le passé… J’osais même souffler des mots et un doux surnom poussant le coup de feu à résonner. Ça foutait tout en l’air. La voix glaciale de Rob mordait mes entrailles. Mon cœur cognait fort. Ma cigarette s’était éteinte en tombant au sol. Mon souffle se faisait court. Ok, Rob n’avait pas tiré sur Elie. Mais, il était fou au point d’en être totalement capable. Et j’étais effrayé de cette réalité au point de courber l’échine devant lui. Glissant une nouvelle cigarette entre mes lèvres, je demandais timidement « Est-ce que… Puisque je fais tout ça… Est-ce que tu… Tu vas relâcher Elie ? » Au fond de moi, je savais qu’il ne la relâcherait pas. Pas comme ça. Pas si vite. Alors, je rajoutais « Je… Ou... Est-ce qu’au moins tu peux arrêter de l’utiliser… ? » C’était un début pour préserver la demoiselle. J’étais là pour négocier. Il fallait bien que j’y gagne aussi quelque chose. Non ?
@Laurys Mickelson
(Neal T. Hood-Spritz)