La fenêtre de manœuvre avait été ouverte pendant quelques secondes seulement… Peut-être même quelques minutes. Elle avait été là et il aurait été possible de s’y engouffrer. Pendant quelques secondes, mon être s’était totalement accroché à Côme. J’étais prêt à jouer avec lui selon les règles qu’il voulait. J’étais prêt à lui obéir simplement pour obtenir quelque chose en échange. Des caresses, des baisers, des bras, un corps… Je savais que ça me ferait autant de bien que de continuer cette nuit à l’extérieur. Alors, pendant quelques minutes, le fenêtre s’était présentée. J’avais joué le gosse taquin et Côme m’avait bien vite fait comprendre que ce n’était pas le moment. Il redevenait cette figure de dominateur face à laquelle je pliais avec plaisir. Il redevenait cette figure de dominateur que j’écoutais sagement et face à qui je m’excusais sans faire d’histoires. Soudainement, je n’étais plus qu’un gamin obéissant qui acceptait de reculer et d’écouter. Côme aurait pu m’avoir là. La fenêtre était ouverte et il aurait pu s’y engouffrer sans la moindre difficulté. L’ancien mafieux aurait pu me demander de rentrer et j’aurai dit oui sans la moindre hésitation. Je l’aurai même suivi à l’autre bout du monde sur le coup. Le savait-il ? Je n’en avais pas la moindre idée. Enfin… Le petit sourire qu’il me lança me poussait à croire qu’il le savait. Il avait conscience de cette fenêtre où il aurait pu s’infiltrer. Mais, il ne le faisait pas parce que nous n’étions pas seuls et qu’il y avait autre chose à gérer. Il y avait tellement plus à s’occuper que juste moi. Alors, il ne glissait pas dans l’ouverture et j’avais presque envie de faire le premier pas. Pendant quelques secondes, j’avais presque envie de souffler de moi-même que l’on pouvait rentrer. J’avais envie de dire à Côme que j’étais d’accord pour stopper la fête et le suivre sagement afin de donner vie à une autre activité. Juste lui et moi dans sa chambre. Ouais, pendant quelques secondes, j’étais prêt à céder et à ouvrir un peu plus grand cette fenêtre. Cette fenêtre qui venait me claquer au visage en un quart de secondes sans me laisser le temps d’agir. Elle se refermait si vite tandis que Crystal venait s’insinuer avec une proposition qui savait retenir toute mon attention. La demoiselle me captait. La demoiselle captait la voix à l’intérieur de ma tête. Elle parlait de me mettre une balle et la proposition était plus que tentante. Je ne pouvais plus l’effacer. Je ne savais pas la refouler. Mes prunelles se posaient déjà sur l’arme et mon cerveau s’activait à chercher la faille. Il dessinait les scénarios pour tenter de trouver le moyen de s’en emparer. Côme l’avait vu je le savais. Je savais qu’il avait compris que j’étais en train de chercher… Qu’ELLE était en train de chercher. Je me forçais à reculer d’un pas pour ne pas la laisser gagner. Clope coincée entre mes lèvres, je ne bougeais plus parce que la voix m’avait ordonné de cesser de reculer. Crystal m’approchait en rangeant les menottes et j’aurais aimé reculer encore et toujours. Je n’avais pas confiance en la demoiselle alors qu’elle représentait les forces de l’ordre. Cependant, je me retrouvais incapable de bouger. Les ordres que la voix m’avait soufflé me disaient d’attendre l’opportunité. Mais, merde, j’aurai dû m’enfuir et je le savais encore plus à l’instant même où le coup de taser cogna mon dos. Le courant électrique me parcourait foutant un bordel monstre à l’intérieur de mon esprit. Le cri s’échappait de mes lèvres. La douleur pulsait dans mon être alors que la clope s’écrasait au sol. Éteinte autant que je risquais de l’être soudainement bouffé par des démons trop grands. Les menottes venaient mordre mes poignets et je ne réagissais même pas gémissant simplement sous la douleur qui me parcourait partout. Ça faisait mal. Est-ce que Côme me parlait ? Je n’en savais rien. Je savais simplement que je détestais Crystal de ce qu’elle me faisait subir, malgré les excuses qu’elle me soufflait. Elle m’obligeait à la suivre et je m’y pliais sans savoir comment exactement tant je me sentais incapable de mettre un pied devant l’autre. Nous étions stoppés. Soudainement. Réellement. Côme. Il ne me laisserait pas partir. Il parlait à Crystal, non ? Oh putain, je n’en savais rien. Mes oreilles bourdonnaient. La douleur s’intensifiaient. Tout se mélangeait. Le passé et le présent. Tout m’écorchait. La réalité et les hallucinations. Je n’étais plus qu’un gamin un peu trop foutu en l’air.
Soudainement, Côme apparaissait dans mon champ de vision. Un peu plus fortement que quelques minutes plus tôt. Un peu plus réellement que quelques secondes plus tôt. Mon regard rencontrait le sien, mais je ne parvenais pas à m’y accrocher. Où était la réalité ? Où étaient les hallucinations ? Je me perdais tant et si bien que je me contentais de marmonner l’absence de connaissance à son interrogation. J’étais beaucoup trop perdu pour savoir si j’allais bien ou pas. J’étais beaucoup trop loin pour capturer la réalité et lui donner la bonne réponse. Je n’en savais rien. Je savais juste que je devais m’asseoir et je le faisais entendre sans perdre de temps parce que je savais que, sinon, je risquais de m’effondrer tout seul. J’avais besoin de quelque chose de stable sous moi parce que le monde tanguait beaucoup trop autour de moi. Entre les substances avalées ce soir, le coup de taser totalement inattendu, la crise qui provoquait un mélange de réalité et d’hallucinations, j’avais l’impression d’être sur un bateau instable. Tout tanguait. Tout faisait trop mal. Alors, après ces mots, je laissais mon corps partir en arrière. Je ne pouvais plus forcer. Je ne me sentais plus capable de tenir sur mes deux pieds. Je voulais juste me laisser tomber sur ce trottoir en plein milieu de Boston et je le faisais. La chute ne me faisait pas mal. Est-ce que j’étais trop perdu dans ma tête au point de ne plus sentir la douleur ? C’était possible. Après tout, je ne sentais plus la douleur là où l’homme m’avait frappé. Ou peut-être était-ce simplement parce que Crystal venait de m’aider à m’asseoir en soufflant mon prénom d’une voix paniquée ? Crystal… La demoiselle n’avait jamais assisté à une crise. J’étais même persuadé qu’elle ne connaissait pas mon trouble. Non. Elle ne savait pas que j’étais Borderline et ce n’était clairement pas le moment pour moi d’en parler. Je ne savais plus parler de toute façon. Assis sur le sol, je partais loin. Je partais beaucoup trop loin me laissant enchaîner dans les hallucinations. J’avais l’impression de sentir la ceinture s’abattre sur mon dos. J’avais l’impression que quelqu’un frappait mon dos incessamment à tel point que le Jordan se peignait sur mes lèvres. Des mains venaient alors attraper mon visage et je sursautais au contact inattendu. J’étais prêt à crier. J’étais prêt à me jeter en arrière pour échapper à la torture des coups. Cependant, les mots résonnaient en Italien pour attraper une partie de mon être. Le surnom habituel que Côme me donnait résonnait et je me détendais. C’était Côme face à moi. J’étais en sécurité. Il me touchait soufflant d’autres mots. Des propos auxquels je tentais réellement de me raccrocher. D’ailleurs, comme un stupide automate, je répétais « Il… Pas là… Toi… Là… » Ce n’était pas des phrases correctes, mais je m’en foutais. Je n’étais pas en mesure d’en faire. Mes sourcils se fronçaient tandis que je tentais de me convaincre de cette réalité que je peinais à concevoir. D’ailleurs, je murmurais « Pour…quoi… mal… ? » Ouais, si mon père n’était pas là, pourquoi ça claquait comme ça dans mon dos ? Pourquoi j’avais l’impression de sentir la ceinture s’abattre sur ma peau encore et encore ? Est-ce que j’hallucinais à ce point ? Je ne comprenais plus rien. J’étais si perdu. Jusqu’à ce que l’éclair de lucidité ne me percute. J’étais en crise… J’étais en train de subir des hallucinations beaucoup trop réelles. Il fallait gérer. Relevant mes prunelles sur Côme, je tentais de l’interpeller sans me souvenir du prénom à utiliser en public. Aussi je lui donnais son surnom avant de parler du médicament dans ma poche. Ce Solian qui pourrait m’aider à gérer la situation actuelle. Ce Solian que Côme se mettait à chercher à l’intérieur de ma poche. Il sortait le médicament et glissait deux pilules entre mes lèvres. Deux pilules… Pas une de plus. Côme connaissait le dosage mieux que n’importe qui. Et je ne bronchais pas quand bien même une partie de moi voulait en réclamer plus pour sombrer. J’avalais les deux pilules comme je le pouvais sans eau pour le faire et je fermais les yeux. La voix de Crystal cognait… Elle me faisait des reproches non ? La voix à l’intérieur de ma tête soufflait que oui et je ne pus m’empêcher de marmonner « Suis d’solé… » comme un gamin qui venait de faire trop de conneries. Je présentais mes excuses à Crystal sans même oser ouvrir les yeux pour la regarder. Côme s’éloignait soudainement et ma respiration repartait. Trop vite. Si vite. Ça faisait mal. Ramenant mes genoux contre mon torse, j’enroulais mes bras autour gémissant à cause de la douleur du métal qui me mordait la peau. Je me balançais doucement d’avant en arrière pour me calmer. Il ne fallait pas que j’appelle Côme. Il était en train de parler plus loin… Je ne devais pas le déranger. Le temps s’écoulait. Les médicaments n’agissaient pas. Pas encore. Pas si vite. Et je sursautais toujours sous le contact de cette ceinture imaginaire qui claquait encore et encore. Soudainement, je m’arrêtais. Les mains de Côme revenaient sur moi. Sur mon visage. Mes prunelles trouvaient les siennes tentant de s’y accrocher alors que l’ancien mafieux exagérait sa respiration. C’était comme une mélodie que j’étais censé suivre. Une mélodie que je tentais réellement de suivre. Quelques secondes. Quelques minutes peut-être. Et je finissais par souffler « Veux… Veux rentrer… Dormir… Maison… » Ouais, je voulais aller m’échouer loin de tout ça. Loin de cette rue et de cette douleur. Loin de cette crise et de ces images. Je voulais rentrer à la maison. Mais c’était quoi la maison ? Avant c’était chez Nixon… Nixon qui avait disparu. Nixon qui n’était plus là tout comme Lukas. Alors, putain c’était où chez moi ? L’angoisse remontait une nouvelle fois. Je perdais la mélodie de la respiration me balançant de nouveau d’avant en arrière.
@Crystal Burrows @Laurys Mickelson