JOSEPHINE PORTER ► ALEXINA GRAHAM

Son histoire ne commence pas par il était une fois, car ce n'est pas un conte de fée, non, en aucun cas.
Elle n'a jamais su par quelle partie de sa vie commencer afin de la raconter. Elle se perd très souvent dans les rouages du temps. Elle ignore quels éléments sont réellement importants.
Elle a des années qui ont filé entre ses doigts et elle ne sait plus ce qu'il s'est passé pour elle lors de ces moments-là. Peut-être est-ce la cocaïne qui lui a permis d'oublier, dans le fond, c'est comme une chance d'avoir cette opportunité. Celle de tirer un trait sur des soirées trop longues où les petites filles ne se doivent pas de traîner.
La drogue dure, elle l'a arrêté, cependant, elle ne s'offusque jamais face à une cigarette et sa si douce fumée. De la nicotine et de l'alcool elle aime s'enivrer. Et son parfum préféré restera celle du tabac froid. Bien que ça écœure la majorité des gens, elle, elle est comme ça. Elle aime ce qui ne va pas de soi.

Elle dira, de sa jolie petite voix, que tout cela, c'est la faute à maman ou bien à celle de papa. Elle vous fera un sourire, en avouant, qu'ils ont voulu bien faire, ses parents. Sans même s'apercevoir qu'ils étaient en train de bousiller leur enfant.
Son père à l'autre bout du monde, absent. Et sa génitrice, si délicieuse manipulatrice. Joey en a gardé certains de ces traits. Son caractère s'est calqué sur le sien, les enfants sont des éponges, putain.
Elle aurait dû se douter, Ellie, qu'elle aller être le plus gros obstacle de son chemin. Qu'à cause d'elle sa fille allait gâcher sa vie.

Elle ne se sentait pas à sa place, dans le sud de France. Elle avait l'impression d'étouffer et un jour dans son propre dégueulis elle le ferait.
Elle voulait disparaître parce qu'elle n'était pas assez bien. Elle aurait voulu aborder l'avenir avec un air serein.  
Elle ne sait pas dans le fond à quel moment ça a vraiment déconné, quel jour elle est devenue cet ombre qui ne fait qu'observer son univers sans jamais réellement y pénétrer.
Elle en voulait à ses parents, certes. Mais les maux qui rongeaient son esprit n'ont pas aidé, elle était comme une possédée.
Elle aurait voulu mourir en silence, pour que ce soit plus beau. Effacer ses berceuses pleines d'idéaux.

« Tant que tu ne mangeras pas ce yaourt en entier, tu ne sortiras pas d'ici. » Cette phrase, elle aurait pu se la tatouer tant elle est encore ancrée dans son esprit. Sa première hospitalisation. Son corps à la dérive fracassé par sa déraison.
Ce jour-là, elle n'a pas mangé le produit laitier, non, parce que ce dit-jour, elle pleurait. Et même la cocaïne ne pourrait l'effacer.
La danse est morte à l'hôpital. Ses espoirs de devenir un être phénoménal. Ce yaourt, il était synonyme de son plus grand mal.

Alors l'environnement nocif de son enfance l'a plongé dans l'errance. Elle a pris le fait que son père lui envoyait de l'argent, comme une invitation à traverser l'océan. Elle a abandonné sa maman.
New-york et sa grandeur ça allait forcément apaiser son cœur.

Elle a eu tort, malgré tous ses efforts. New-york lui a fait tourné la tête, c'était trop gros pour sa carcasse fluette.
Son paternel ne savait pas comment la gérer, ne voyant pas plus loin que le bout de son nez. Lorsqu'elle a émis le souhait de s'éloigner de lui, c'est du fric tous les mois qu'il lui a promis.

Au moins, même au pensionnat elle avait de quoi payer ses rails et son tabac. Des années d'auto-destruction. D'art et de perversion.
Dépucelée à quinze ans par le surveillant de nuit, elle voulait pallier au manque cruel d'affection dans sa vie.
Croire que d'avoir entre ses cuisses l'épieu d'un homme de dix ans son ainé, ça pouvait absolument tout changer. Elle s'est fourvoyée. Elle a juste trouvé un moyen d'un peu plus s'écorcher.

Elle vacille depuis ce moment-là, afin de trouver un sens à tout ça.
Elle aurait pu être incroyable, elle aurait pu oui, devenir un être immuable.
Derrière le comptoir de son bar, elle s'amuse sans arrêt à se transformer au grès de ses envies et de ses pensées.
Elle est, souvent, une étudiante qui est perdue depuis la mort de ses parents. Et d'autres fois, une strip-teaseuse qui doit subvenir aux besoins d'un « mini-moi ».
Elle est menteuse, si orgueilleuse.

Elle vomit son monde encore, prête à ne pas manger afin de jouer avec la mort.
Elle a le diable au corps.
C'est une hérésie dont on ne peut se délester, ça coule dans ses veines comme une liqueur empoisonnée.
Et rien au monde ne peut la sauver.
Impossible à exorciser. Condamnée. Folle à lier. A peu de choses près.
Joey Porter c'est le visage d'un ange qui pourrait vous tuer.