MAEVE TEAGAN ► cenit nadir

Spectacle de lumière qui se reflète dans tes iris, les dégradés de couleur du ciel attirent l'attention. Pas la tienne. L'esprit préoccupé, tu ne remarques pas le couché de soleil qui annonce l'arrivé des ténèbres, un rappel. La nuit réveille ce que tu as de pire en toi, c'est pourtant la nuit que tu t'épanouis le plus. Une âme entachée par le sang qui se révèle sous un minois peu intimidant. Ils te croient inoffensive, grosse erreur. Ce soir encore, tu vas frapper, très fort. La jambe tremblante, le myocarde en folie, t'es sous tension et t'as préféré t'asseoir pour ne pas t'effondrer. T'aurais bien pris un joint mais t'as besoin d'être lucide. Tu ne veux pas regretter. Tu ne regretteras pas, pas après ce qu'il a fait. "Il le mérite." Ça résonne en boucle dans ta tête. "Il le mérite." Bourdonnement intérieur qui te file la migraine. Tu vas finir par devenir folle si tu n'agis pas vite. De nature patiente, tu te métamorphoses quand il s'agit de lui. Une relation toxique mais passionnelle qui vous lie. L'amour sous sa pire des formes, mais l'amour quand même. Une alchimie trop nocive pour en sortir indemne. Aujourd'hui elle prend fin. Sous tes yeux tu la verras s'éteindre. T'as hâte. Il a tout gâché. "Il le mérite." Et puis t'entends la porte d'entrée s'ouvrir. C'est maintenant. Ses pas résonnent sur le parquet et puis plus rien. Je ne savais pas que tu m'attendais. Tu réponds pas. De dos, il ne discerne pas ton visage. Une balle entre les doigts, tu commences à la faire rebondir sur la table basse dans un tintement désagréable. Tu ne parles pas, laisses le doute et l'incompréhension envahir son esprit. Au fond, il sait pourquoi tu es silencieuse, il sait où va finir la balle en métal qui résonne contre le bois. Tu prends une grande inspiration pour cacher l'émotion dans ta voix. Tu as tué mon frère. Un constat sans appel qui te fait serrer le point. L'absence de réaction confirme tes dires. Tu l'as découvert il y a peu de temps, bien avant le début de votre relation. Une agression purement homophobe. Des années que tu pleures la mort de ton frère à la recherche de celui qui en est responsable. Il était sous ton nez et tu t'en veux de t'être attaché à lui. Une raison de plus pour passer à l'acte. D'un geste mécanique tu attrapes l'arme à feu posée sur tes genoux et insère la balle dans le chargeur. Des mouvements rapides et minutieux que tu as répété des milliers de fois. T'es prête à dégainer. A en finir. La vengeance qui t'anime, qui se décuple au fil des secondes qui passent. Tes démons qui se réveillent, qui te crient de tirer, tout de suite. Est-ce que t'es vraiment prête ? Je peux t'expliquer. C'est trop tard. Oui. Tu te retournes, pointes le canon vers son front et tire. Une balle. La seule dont tu auras besoin. Tu contemples le corps inerte au sol, puis l’éclaboussure de sang contre le mur mêlé à des morceaux de cervelles. Tu verses une larme, t'es heureuse. Heureuse d'avoir vengé ton frère, heureuse d'avoir rétabli l'ordre des choses au prix de l'homme que tu aimes. C'est peiné mais en paix que tu attrapes un sac à dos. Ton acte ne sera pas sans conséquences. C'était un membre important du gang de ton père, tu crains les représailles. Alors tu préfères disparaitre, sans prévenir ta famille, ils comprendront. Ta destination ? Les États-Unis.