Nicholas? Hey bah, n’allez jamais l’appeler Nicholas, il ne se reconnaîtra même pas, tout le monde l’appelle Nick. Ouais, j’ai été au primaire avec, à la petite école. On a grandi dans le même quartier, à Montréal, le quartier Saint-Léonard pour être précis. Tout le monde connaissait le petit Nick et sa petite histoire. Les parents en parlaient souvent. Ces parents sont morts, il avait trois ans. Ils étaient en voyage à Amsterdam, ils avaient loué un petit appartement en banlieue de la ville et imaginez-vous, qu’un avion-cargo, le vol 1862 El Al, s’est écrasé sur leur building, tuant trente-neuf personnes. Ils sont morts sur le coup, ils n’ont pas souffert. Le truc, c’est qu’ils avaient pris une bonne assurance-vie et en prime, la compagnie aérienne a dû compenser pour le décès, plus les compensations des gouvernements et tout le pataclin, bref, le petit Nick s’est retrouvé millionnaire à trois ans et c’était maintenant sa tante qui l’élevait. Nous autre, on l’enviait, mais le pauvre, il n’avait pas de parents et sa tante, elle était un peu bizarre. Elle était peut-être comptable, mais on devinait qu’elle n’avait pas très envie de prendre soin d’un gamin. Ah au fond, toute cette histoire, c’est bien triste… Pas étonnant que Nick ait agi comme Denis la petite peste à l’école.
Oui, Nick, je le connais bien, enfin, si on peut dire qu’on peut connaître ce mec. On est sorti ensemble pendant un an, avant qu’il tombe amoureux de l’autre là. À l’école secondaire, au collège si vous préférez, il était assez réservé, mais il a rejoint l’équipe de basketball. C’est pas vraiment populaire le basketball au Canada, c’est plus un pays de hockey, mais il était doué et puis, il était mignon, c’est certain et bon danseur en prime. On est commencé à sortir ensemble, je le trouvais drôle, charmant. Il ne se laissait pas marcher sur les pieds, il était souvent mêlé dans des histoires de bagarre ou des trucs du genre. Il était un peu du genre à s’attirer des ennuis. Même si le type était plus grand et plus fort que lui, il le confrontait, c’était plus fort que lui. Et puis, j’évitais d’aller chez lui, enfin, chez sa tante, parce que là, c’était l’engueulade à tout coup. Il lui reprochait de ne pas vouloir lui donner accès à sa fortune, qui se chiffrait en millions il parait, mais même lui n’était pas au courant du montant exact. L’ordre c’était d’attendre qu’il soit majeur, à dix-huit ans, mais il gardait cette fixation. Et puis, durant l’été de ses seize ans, il a commencé à boire, à fréquenter des bars pas très… fréquentables. Ça ne marchait plus entre nous et on s’est laissé. De toute manière, je suis presque certaine qu’il m’a trompé avec cette belle blonde qui lui tournait autour. Jamais j’ai pensé qu’il irait jusqu’à la marier par contre! Nick Laflamme, marié? Impensable!
Hey oui, Nicholas et moi, on s’est marié… C’est moi, la fameuse Tanya. Je suis étonné que vous vous intéressiez à sa vie. Qu’est-ce que vous voulez savoir? Vous voulez que je vous dise un truc? On ne connait jamais vraiment mister Laflamme. Il fait comme s’il vous ouvrait son cœur, comme s’il voulait passer sa vie avec vous et même pas trois mois après vous avoir passé la bague au doigt, durant votre lune de miel, il vous trompe avec une jolie Australienne. Oui monsieur, c’est ce qu’il a fait, le beau salaud! Pourtant, le plan était parfait. Le gars était millionnaire, enfin, presque. Il devait avoir le statut de majeur pour avoir accès à ces millions et un truc, c’était de se marier, c’est écrit dans le code civil. Alors c’est ce qu’on a fait, au bal des finissants, il m’a demandé en mariage. C’était vraiment romantique et il m’en avait parlé un peu avant, de son idée et j’étais d’accord. Je me voyais déjà vivre la belle vie, avec un jeune et beau millionnaire. En plus, il m’amenait avec lui faire le tour du monde. Après le mariage, on est parti pour un voyage autour du monde. Le rêve, vous imaginez! Mes parents ne voulaient pas que je parte, mais il s’est pointé à la maison, tout bien habillé et il les a convaincus de me laisser partir en leur montant toute une histoire comme quoi son oncle serait avec nous. Rien de tout ça n’était vrai, mais ils ont marché et je suis parti avec lui. On est allé à New-York, Chicago, Los-Angeles, Seattle, Hawaï. C’était le rêve. On dormait dans les meilleurs hotels, et puis… enfin, on était des ados quoi, à 16 ans, avec des millions, vous feriez quoi? On a pris un vol pour l’Australie et là-bas, enfin… Il avait l’impression que je profitais de lui, que je ne l’aimais pas vraiment. Je lui demandais juste de m’acheter les plus beaux vêtements quoi et puis, à quoi sert l’argent sinon à être dépensé? On a eu des disputes, j’ai menacé de divorcé, il ne m’a pas pris au sérieux. Alors je l’ai trompé, mais après, il a fait pareil de son côté! Du coup, je suis parti et quand j’ai reçu les papiers de divorce, je les ai signés. Plusieurs mois ont passé entre-temps. Je ne sais pas trop ce qu’il a fait. J’ai entendu dire qu’il a suivi son Australienne dans une organisation internationale qui venait en aide à des villages en Inde ou je ne sais pas trop. Tu parles d’une perte de temps…
J’ai connu Nick au cégep, l’équivalent du lycée si on veut. On ne savait pas trop qui il était, d’où il arrivait. Il avait sa voiture, un beau condo en ville, mais il était très discret. On se disait qu’il devait venir d’une famille riche, un truc du genre. Il était un peu plus vieux aussi que la moyenne. Habituellement, on rentre au cégep à 17 ans, il en avait 19. Quand on lui demandait ce qu’il a fait pendant ces 2 années, il répondait juste « voyager ». Il était présent dans les cours et figurait parmi les meilleurs de la classe, pareil dans l’équipe de basketball. Certains l’admiraient, d’autres l’enviaient et plusieurs le détestaient. Moi, je l’aimais bien. C’était un gars authentique, tel quel, il ne se forçait pas pour se faire aimer ni rien. On est devenu ami et j’ai découvert au fil du temps des aspects de la vie de ce type qui m’inquiétait un peu. Ces excès d’alcool, ces bagarres, son club de combat amateur aussi. Se taper sur la gueule pour le plaisir? Pas mon truc. Puis, un jour, il a eu un accident de voiture, il a été en béquille pendant quelques mois, mais surtout, ils lui ont enlevé son permis de conduire. Vous savez comment il a réglé le problème du mélange alcool et voiture? Il a engagé un chauffeur… Du Nick tout craché ça. Après le cégep, je sais qu’il est allé à McGill en marketing, avant de transférer à Harvard. On a gardé contact sur facebook… Ne vous fiez pas à ses airs de dur, c’est un bon gars dans le fond, il est juste difficile d’approche, c’est tout.
Conclusion du journal étudiant : Savoir la vérité sur Nick Laflamme n’est pas chose aisée. Dépendamment de qui on interroge, les perceptions changent. Qui est vraiment Nick Laflamme? Difficile à dire. Ce qu’on sait, c’est qu’il est arrivé à Harvard il y a quelques mois et qu’il a intégré l’équipe de basketball de l’université. On sait aussi qu’il est un des rares étudiants à se promener en BMW avec un chauffeur qui le conduit. On sait qu’il a un bel appartement à Cambridge et qu’il est de toutes les fêtes. On le voit souvent faire son jogging sur le campus, parfois avec un ballon de basketball, il dribble en même temps. En cours, il est souvent absent, mais on ne sait trop comment, mais il réussit à rester dans le programme. Il faut croire qu’il est plus intelligent qu’il n’y parait. Sinon, les bleus qu’il a parfois au coin du visage ou à l’œil sont dus soi à son « passe-temps » au club local de combat ultime, soi à une bagarre dans un bar. C’est un type particulier ce jeune homme millionnaire du Canada. En conclusion, je crois qu’on peut dire
*Un homme entre dans la pièce, assez grand, une cigarette au coin de la bouche. Il interpelle le jeune journaliste, qui se lève et qui reconnait aussitôt le sujet de son article, en personne*
« Il parait que t’écris un article à mon sujet? T’as pas pensé venir m’interroger? »
-Non, je… enfin si, je comptais le faire bientôt.
« Écoutes moi bien, tu vas effacer ça et te trouver un autre sujet, on se comprend? C’est ma vie privée, ça ne regarde personne, tu peux comprendre ça? »
-Oui, oui, c’est bon, j’efface tout…