Les images de l'attentat vues au journal télévisé n'avaient pas quitté l'esprit de Dylan, même si cela faisait déjà plusieurs semaines que ça s'était passé. Il n'y a rien de plus efficace que l'agression directe des cinq sens pour ceux qui ont manqué le drame : bruits d'explosion, cris d'étudiants, visages livides. Elle en avait même fait des cauchemars, une ou deux fois, s'imaginant périr sous le revolver du taré égoïste et insouciant qui avait semé la pagaille à la fac. Quelle mort de naze. Tout cela lui avait rappelé que la Faucheuse peut survenir dans les moments où on s'y attend le moins. C'est même des moments-là qu'elle préfère, la garce.
Comme elle n'avait trouvé aucun moyen de s'aérer l'esprit, une idée avait germé dans son esprit. Si dieu existait, qu'il avait fait exprès de l'épargner et qu'il continuait pourtant de la torturer avec tout ça, c'est qu'il essayait de lui faire passer un message, non ? Comme pour lui donner raison, la jeune fille était tombée sur une affiche en passant dans la rue près de l'hôpital. « Cherche bénévoles, 7 heures par semaine ». Pourquoi pas ? avait-elle songé. Ce n'était pas vraiment son genre mais quelque chose la poussa à entrer dans le hall et demander un complément d'informations à la jeunette de l'accueil. Il s'agissait d'aider dans l'aile consacrée à la rééducation. Elle serait formée pendant une demi-journée avant d'être lâchée avec ses premiers patients. « Rien de bien compliqué », lui avait promis l'infirmière. « Il suffit de s'assurer qu'ils fassent bien leurs exercices ». Peu sûre de son coup, Dylan avait pourtant signé la décharge. Ses pieds l'avaient traînée jusqu'à l'hôpital le lendemain matin même, et une infirmière lui avait appris les quelques rudiments de base.
Il fallait proposer différents exercices à chaque personne, selon son degré d'invalidité. Toujours encourager. Ne jamais montrer aucun signe d'accablement. Tout ça, elle en était capable. Sourire. Bon ça, ça allait lui demander un peu plus d'efforts mais elle y arriverait. C'est donc après la pause de midi que Dylan rencontra sa première patiente. Une jeune fille en chaise roulante, qui à mesure qu'elle s'approchait, lui rappelait de plus en plus quelque chose.
- Gwen, je te présente Dylan. C'est elle qui va s'occuper de toi aujourd'hui. Dylan, prends bien soin d'elle... je reviendrai vous voir plus tard pour vérifier que tout se passe bien.
Sur ce, elle s'éloigna, les laissant seules parmi tous les autres bénévoles et personnes handicapées en train de travailler dans l'immense salle de rééducation où elles se trouvaient.
- On s'est déjà vues à une soirée, depuis tu sembles m'éviter, c'est ça ? dit la fille aux cheveux courts, du tac au tac.
Bonjour à toi aussi, pensa Dylan en souriant maladroitement. Elle se souvenait très bien d'elle. De son prénom, pas forcément. Mais de ce qui s'était passé à cette soirée organisée par les Mather, il y avait quelques semaines de ça, oui. Et elle aurait préféré l'oublier. Pourtant, elle gardait un plutôt bon souvenir de leur... rencontre, mais c'était surtout la manière dont celle-ci s'était faite qui lui faisait honte. Après quelques verres, la brunette avait tendance à se laisser aller. Les vis bien serrées qui maintenaient sa tête de jeune fille bien sage sur son cou se relâchaient, et dites bonjour à Dylan en mode « je me déchaîne sur la piste de danse alors que je déteste ça, et je couche avec une fille que je ne connais pas alors que je suis vierge ». Après cela, elle avait donc soigneusement éviter de se retrouver face à la jeune femme qui l'avait draguée et dans le lit de laquelle elle s'était retrouvée le lendemain matin.
- Hum... marmonna-t-elle en plissant les yeux. Qu'est-ce qui te fait croire ça ? On ne s'est pas revues depuis. Et que je sache, tu m'aurais laissé ton numéro si tu avais voulu qu'on remette ça... (elle jeta un œil à la fiche que lui avait laissé l'infirmière, puis ramena son regard sur son interlocutrice)... Gwen.
Sous ses nom et prénom figurait la cause de son accident. « Attentat à la bombe au lycée de Harvard ». Quelle coïncidence.