Les dix commandements de Dunster House დ Pandora.

Le calme et le silence paisible des bibliothèques n’avait jamais été ce qui m’attirait en ces endroits. Mais plutôt l’architecture des bâtiments. Surtout ici, à Harvard, la bibliothèque semblait respirer l’histoire de son passé. L’aspect vieillot et l’odeur des livres usés par les années avaient pour moi quelque chose d’attirant. Mystérieux pour une fêtarde comme moi n’est-ce pas ? Mais bon, d’excellent résultat ce gagnait à la chaleur de nos fronts, ou plutôt la vigueur à laquelle on tourne les pages d’un bouquin de biochimie et la capacité à laquelle on mémorisait les informations qu’il contenait. Et je n’ai pas ne pas être principalement attiré par le silence et le calme régnant en ce lieu, je dois dire qu’il peut se montrer très utile, surtout par des journées ensoleillés comme celle d’aujourd’hui, où un rien pourrait me déconcentré et me détourner de ma tâche première; étudier.

Bref, je poussai la porte du vieil établissement et me dirigeai immédiatement vers la section médicale. Je glissai mon doigt sur les couvertures parfois récentes, d’autre fois datant d’une dizaine d’années puis m’arrêter sur un gros manuel de biochimie. Je le pris et me dirigeai vers les tables de travail. C’est alors qu’une petite tête blonde dévia mon attention. Un peu plus loin, seule à une table, ma colocataire, Pandora avait la tête penché sur un livre, que je devinais être un bouquin d’astrophysique. Je me dirigeai vers elle sur la pointe des pieds, me tirai une chaise, déposa mon sac de toile et laissai tomber mon livre dans un bruit sourd, ce qui me valut des gros yeux de quelques élèves que j’avais malgré moi dérangé. J’esquissais un regard d’excuse à ces derniers puis reporter mon attention sur ma compagne qui avait levé la tête, surprise par mon arrivé.

« Ça travaille fort dans le coin ! »

Je lui fis un clin d’œil et sortit un cahier de note et quelques stylos de mon propre sac.

« Je me joins à toi sur ce coup, j’ai un interro dans quelques jours et ya du travail à faire avant d’être sûr de me taper la note maximal! »

J’ouvris mon propre livre et nous replongèrent toutes les deux dans nos études approfondies. Nous étions toutes deux étudiantes dans des domaines différents mais qui demandaient chacun beaucoup de travail. J’étais en médecine et elle en astrophysique. Bref, il n’était pas rare de voir les deux colocataires étudier comme des débiles toute une soirée. Elle était très forte là-dessus.

Soudain, je lis une phrase dans le mot de l’auteur du manuel qui me fit bien marrer. Mon esprit s’égara et je dis spontanément :

« Hey écoute ça, c’est rigolo ! Jamais tu ne paresseras, tu donneras ton 110% et l’avenir te sourira. On dirait un commandement pour élève studieux. Imagine si la Dunster House avec des commandements comme ceux-là!... »

À partir de ce moment, ce calme moment d’étude dont elles devaient toutes les deux profiter s’évapora dans une discussion, ou plutôt des chuchotements, plutôt loufoque et farfelu ayant pour sujet « les dix commandements de la Dunster House » et étant ponctué d’éclat de rire et de réprimandes d’étudiants recherchant la tranquillité pour travailler.

Pandora était assise dans un coin éloigné de la bibliothèque, près des bouquins de médecine, notamment parce que ces étudiants étaient les plus silencieux. Son professeur préféré avait donné à lire un traité sur les lois d’Einstein et pourquoi elles n’étaient plus applicables dans l’espace. La jolie blonde avait entrepris de faire une synthèse dudit traité, question de prendre un peu d’avance mais, surtout, parce que c’était tout simplement fascinant. Plusieurs pages de son cahier de notes étaient déjà recouvertes de son écriture soignée et il ne lui restait que la conclusion à faire lorsqu’elle fut interrompue par sa colocataire, Sammy. C’était une jolie fille rousse qui, elle aussi, faisait partie de la Dunster House. Elles s’étaient connues à Boston, lorsqu’elles avaient apprises qu’elles allaient toutes les deux à Harvard. Sam était probablement la seule fille au monde avec qui la blonde soit vraiment totalement à l’aise. Pan la regarda s’asseoir sans rien faire, avant d’esquisser un petit sourire. C’était presque facile, d’être un peu normale, avec elle.

Pendant plusieurs minutes, rien ne se fit entendre sinon le grattement des mines de crayon sur le papier ou le bruissement des pages que l’on tourne. Les étudiants autour d’eux travaillaient presque tous seuls, dans un silence que seule la bibliothèque d’une université aussi renommée pouvait offrir, un silence presque complet mais tellement confortable, propice au travail. On aurait pu entendre une mouche voler, et pourtant… Pandora en était à se relire lorsque son amie se mit à rire. L’asperger elle-même, ignorant les regards courroucés des étudiants autour d’elles, ne put retenir un sourire amusé devant son amie, qui répétait un passage de la préface de son manuel, un large sourire aux lèvres. Il était vrai que ça ressemblait à un commandement pour élève studieux, qui aurait très bien pu s’appliquer à la Dunster House. Ce serait amusant d’en trouver d’autres. Elles pourraient faire une sorte de liste qui serait donnée aux bizus. Sorte de marche à suivre pour bien réussir chez les jaunes…

« C’est une bonne idée… Mais alors il nous en faudrait plusieurs, assez pour faire une jolie liste. Au moins une dizaine » fit Pandora, pensive. « Pourquoi pas : "Avec tes frères et sœurs Dunster tu étudieras, ou en pâtiront tes résultats" ? »

Elle avait pensé au commandement en se souvenant d’une de ses tentatives d’étude en compagnie de William… Ça n’avait pas vraiment été productif. Le futur Mather était constamment déconcentré. Ils avaient fini par discuter toute l’heure et la demoiselle s’était résignée à retravailler sa dissertation plus tard.

Pan laissa soudain échapper un rire, chose plutôt rare avec elle, qui n’était pas reconnue pour son sens de l’humour. « Tu veux me dire pourquoi je l’ai fait rimer ? C’est comme un automatisme. C’est trop bizarre. »

J’étais perdu dans mes pensées à essayer de trouver d’autre « commandements » pour la Dunster house lorsque Pandora y coupa court en ajoutant :

« C’est une bonne idée… Mais alors il nous en faudrait plusieurs, assez pour faire une jolie liste. Au moins une dizaine » fit Pandora, pensive. « Pourquoi pas : "Avec tes frères et sœurs Dunster tu étudieras, ou en pâtiront tes résultats" ? »

Je levai les yeux sur elle et eut un grand sourire. Lunatique, je nous imaginais debout devant les bizus, nommant à voix haute des commandements de notre crue. Devant les yeux terrifiés (ou pas) des nouveaux étudiants craignant de ne pas être au niveau. Mais bon, la dunster house ce n’était pas qu’étude en tout temps, sa rimait aussi avec des soirées extras et les meilleurs résultats scolaires en plus ! C’était un joli mixte, party et rendement académique, pas mal non ?

« Tu veux me dire pourquoi je l’ai fait rimer ? C’est comme un automatisme. C’est trop bizarre. »

J’eus un sourire amusé, il était vrai que lorsque nous disions des phrases sérieuses telles que des commandements, nous avions tous l’automatisme de rimé chacun de nos vers.

« Tu as raison ! C’est marrant ! Moi qui ne rime jamais habituellement ! Ah le subconscient humain me surprendra toujours! »

Sur ce, j’arrachai une feuille vierge d’un de mes cahiers de notes et notai les deux commandements déjà trouvés dessus :

1. Jamais tu ne paresseras, tu donneras ton 110% et l’avenir te sourira.
2. Avec tes frères et sœurs Dunster tu étudieras, ou en pâtiront tes résultats.

Bon il en restait que huit et la liste serait tout simplement parfaite. J’appuyais mon menton au creux de ma main puis me mis à réfléchir. Mes yeux s’illuminèrent alors qu’une idée passait dans mon esprit.

« Ce qui doit être fait, mérite d’être bien fait! » Dis-je en montant mon doigt de façon autoritaire et en imitant le doyen lorsqu’il dictait les règlements de l’université.

Je retombai dans mes pensées à la recherche d’autres idées brillantes et écrivit celle-ci dessus sur la feuille de note.

« Ou encore, Toute ambition verra jour si le travail accompli est vigoureux. Bon cette dernière est pas super, mais c’est pas faux non plus nan? »