Kamille M. Locke ► Zhénya Katava

petite fille aux doigts d’or. tout ce qu’elle touche n’est qu’argenterie ou pierre précieuse. t’as vu le jour à Copenhague comme tous les enfants locke. t’as jamais compris pourquoi ils y tenaient alors même que tes parents vivaient déjà depuis quelques années en Angleterre. la portée de votre nom ne venait que rajouter du beurre sur vos tartines de pain complet. tes parents aiment dire qu’ils se sont construits seuls. sans l’aide de personne. ta mère est gérante multisite d’une grande marque de bijou quand ton père a décidé lui de se pencher sur la chirurgie esthétique. l’entreprise familiale ça ne lui plaisait pas, il n’en récolte que le fruit chaque année comme tous les actionnaires.
meilleure école, cours de piano tous les mercredis voilà comment tu as grandi. t’as manqué de rien, t’es née sous une bonne étoile. tu le sais. puis t’avais pas que tes parents, t’avais tes oncles et tantes. surtout une qui t’appelait toutes les semaines et qui ne pouvait s’empêcher de te voir plusieurs fois par an pour voir ce que tu devenais. elle voulait une fille qu’on t’a dit alors ton père lui avais promis qu’elle pouvait s’occuper de toi comme t’elle. il n’en fallait pas plus pour que tout le monde y trouve son bonheur. t’étais pourrie gâtée kam’ et t’aimais ça.
bien que le danemark était une destination de coeur t’as eu la chance de beaucoup voyager mais toi t’aimais les côtes. surtout l’atlantique pour ses vagues. t’as développé une passion pour le surf très tôt. dur à croire pour une fille des terres mais sur l’eau tu te sentais libre. dans ton élément. t’as quitté tôt ton île pour arriver en France où tu as pu intégrer une école. ta tante ne voyait pas ça d’un bon oeil de te laisser partir si tôt, seule. tes parents eux, ils payaient pour ta protection, pour ton éducation. disons que ça leur libérait du temps. à quinze ans tu deviens championne de france dans ta catégorie et l’été suivant championne d’europe. c’était inée qu’ils disaient tous. et tu pouvais y croire. tu ne voyais plus que par ça. les voyages, l’océan et par ce garçon. il était dans ton école, un des meilleurs et vous vous étiez entachés l’un de l’autre. façon, tu ne côtoyais que rarement ceux qui n’avaient pas ton niveau. ce qui était tout bonnement ridicule. pour tes parents l’élite côtoyait l’élite, leur ethnie avait découlé sur la tienne.
t’avais seize ans. l’année où tu as été sacré donc championne d’europe quand vous avez décidé de partir à hawai pour vous féliciter de vos résultats. l’école offrait et toi tu voyais ça uniquement comme l’occasion de passer à la vitesse supérieure avec le garçon. après tout tu l’aimais mais il a fallu d’une seule seconde, d’un écart pour que tout s’arrête. sans surveillance a attendre les vagues que vous souhaitiez il s’est mit à te crier de remonter sur ta planche et de ne plus y bouger. t’as pas compris sur le coup, t’as pas vue. mais c’était finalement clair, le danger était proche et l’avait entrainé avec lui dans les profondeurs. tu te rappelles des larmes, de ton appel à l’aide. ta voix qui venait se frapper aux bruits des vagues. il n’était plus là et tu savais pourquoi. t’avais pas pu l’aider à remonter assez vite sur sa planche avant qu’il ne se fasse mordre, t’avais pas réussi à faire fuir ces bêtes que vous redoutiez tous. t’as laissé des heures s’écouler avant d’oser mettre la main à l’eau pour te trainer au rivage. la peau endommagée par le soleil, le visage décomposé par la peur et les larmes. t’abandonnas ta planche sur la plage et te juras de ne plus jamais monter dessus.
tout le monde avait entendu le drame, tout le monde essayait de te faire sourire. que ce soit par des cadeaux ou des sorties. toi t’étais devenue une autre. l’école te laissait ne plus monter le temps que aille mieux. mais tu savais que tout n’irait pas mieux. t’osais plus t’approcher de l’eau. tu restais sur le ponton a les regarder. tu leur laissais ta place de numéro un, tu la donnais à qui la souhaitait. t’en voulais plus.
eux ne comprenaient pas comment tu pouvais abandonner. où était passé ta force. alors assise sur ce ponton une énième fois c’est par derrière qu’on te poussa à l’eau. au contact du liquide froid l’angoisse avait pris possession de ton corps, tu te débattais pour réussir à garder la tête hors de l’eau, pour te sauver alors même que nager était comme marcher pour toi. les plus forts n’avaient pas de coeur.
t’es rentrée à Birmingham, t’es rentrée triste, affaiblie. pour certains ils restaient un espoir de te voir revenir, tes parents ne voulaient plus. te perdre définitivement serait trop douloureux et à tout moment tu sombrais. alors t’as passé ta dernière année de lycée à copenhague chez ta tante et tes cousins. plus t’étais entourée mieux ça serait tout le monde pensait.
t’es partie en même temps que ton cousin pour harvard, comme si ça allait pouvoir pour rapprocher. harvard c’était inévitable, vous étiez des Locke après tout. mais même ici ton malheur t’accompagnait. c’est en septembre qu’on t’a diagnostiqué une dégénérescence de la cornée droite. petit à petit tu perds la vue et pour te soigner la seule solution, c’est un donneur.