BENEDICT BRIGGS ► Cillian Murphy

Christopher. L'image du Christ, personnifié. La bonté d'âme, la faiblesse d'esprit. De croire en ses disciples, de croire en sa femme. Il a créé un petit être perfide pourtant, en devenir. Benedict. Béni des dieux. Quel choix de prénom merveilleux. Le nourrisson était déjà compliqué, dès la naissance. D'un silence morbide, on le crut d'abord mort né. Le teint terne, presque gris, et la voix éteinte. On a du le secouer, vite, le faire sortir de sa zone de confort pour le faire hurler à la mort. Le premier cri fut atroce, digne d'un petit monstre de chair et d'os. Et pourtant, Christopher l'a toujours aimé lui. Il souriait en le voyant dévorer les seins de la nourricière, déjà trop carnivore envers la gente féminine. L'enfance fut chaotique, turbulente. Le garçon avait un trop plein d'énergie, courrait trop, tombait beaucoup. Les genoux égratignés, les os brisés parfois. Rarement de pleures, juste un air rabougri qui le guidait vers le paternel difficilement, tenant le membre endolori ou brisé. Et pourtant, quand le reste de la fratrie arriva, le jeune Benedict découvrit une âme de bouclier. Protecteur. Comme chargé d'une mission auprès d'eux. « Tu es l’aîné, l'exemple à suivre. » Depuis ce jour, il a enfouit ses idées folles. Ne plus extérioriser, garder pour soi, se maîtriser. Pour ne donner qu'une image parfaite. Il a fait de l'équitation pour le prestige et la discipline. Il a fait de la boxe pour apprendre à maintenir sa colère et son énergie.

Parvati. Mère de perversion. Ça sonne bien, trop bien pour qu'il y croit quand il a ouvert les yeux. L'adolescence balaye son corps et ses pensées, déjà trop sauvages pour son âge. Débridée, cette sexualité débordante. Il a connu ses premiers émois avec une fille plus âgée, bien plus âgée. Étudier dans une université réputée n'empêche pas les manipulations des jeunes âmes. Elle était dans une confrérie un peu folle, Mather s'il se rappelle bien. Une jolie blonde, politique, des parents beaucoup trop connus pour faire des vagues avec ses relations charnelles. Ils la croyaient Eliot, elle en avait décidé autrement. Benedict fut son expérimentation, le jouet entre ses mains. Il a connu beaucoup avec elle, de la passion à la haine, de la soumission à un semblant de domination. Il a adoré. Parce qu'avec elle, il pouvait enfin être libre de ses pensées saugrenues, de proposer, puis d'imposer. Elle en fit un monstre.
Encore plus lorsqu'il apprit que sa mère avait fauté, et accouché d'un enfant bâtard lorsqu'il n'était qu'un enfant. Faiblesse de l'image paternelle, Haine de la mère. Les modèles se fissurent et s'envolent. Il n'y croit plus, au couple parfait, à l'amour. Il en veut à son père de pardonner, il en veut à sa mère de le prier. Rien ne va. Il va harceler sa mère pour qu'elle lui parle de l'enfant dissimulé, sans tact ni respect. Elle en sera longtemps bouleversé, de cette conversation violente avec son fils aîné.

Harvard. Le berceau de sa transformation. Il évolue dans le monde de la médecine, virevoltant de corps en corps et d'âme en âme. Ses désirs se forment avec les cours, les stages. Il a ce besoin d'action, de surprises. Ce fut l'évidence. Dr Briggs, médecin urgentiste. Voguer entre les cours et les soirées proposées par l'université et sa confrérie. Eliot. L'élite. Perfection de l'idéal dans un lieu ou l'argent est Roi. Débauche totale en réalité. Dissimulée sous la couche d'or. Le milieu parfait pour s'épanouir. Les nuits d'orgies, les journées de travail acharné. La fatigue n'existe que pour les faibles. Et il n'en fera pas parti.
Il rencontra sa future femme pendant sa dernière année de doctorat. Une nature morte sur un brancard. C'est la première image qu'il a eu d'elle. Belle accidentée. Il pensait déjà à la tourmenter encore et toujours. Elle paraît fragile. Elle est indépendante mais d'un ennui mortel. Tant pis. Fille du PDG d'une grande entreprise de communication. Étudiante déjà lancée dans la politique auprès de la maison blanche. Sûrement avec l'aide de son père. La puissance a attiré Benedict, il aime cet aura d'une main forte dans un gant de velours. Le mariage se dessine. Une grande fête où ils ne sont pas les plus heureux. Ils le cachent, l'un et l'autre d'ailleurs, doués dans l'ombre du tragique qui se trame, le masque bien accroché sur le visage.
Le couple dure. Elle en déplacement constant, lui happé par son travail à l'hôpital de Boston. Aucun des deux ne veut faire le premier pas et engager le divorce qui le mènerait à sa perte. Et puis, ils sont attachés, dans cette relation étrange qui les tient ensemble. Un couple libre. Pourtant, l'un et l'ombre sont extrêmement discret sur leurs relations extraconjugales. Rien de voyant, pour que la presse ne s'en mêle pas. Ils s'accordent au moins sur un point : ne pas briser la carrière de l'autre. L'honneur comme horizon. L'horreur sous le costume.