DORIAN LI ►yoo ah in

La pelouse n’est pas tondue.

Elle se donne des airs de rebelle car le jardinier est malade. Elle se pavane, ne cesse de pousser, puis les chiens et les chats aiment s’y noyer.

Mais elle reste une pelouse. C’est assez triste, finalement. Une pelouse aimerait périr dans la savane, après l’avoir connu.

Mais elle ne peut rien faire. Elle reste pelouse. Elle reste délimitée, où trois fleurs se battent en duel et où le linge s’y pend.

Dorian, lui, n’a toujours été qu’une pelouse mal tondue, finalement.

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Ses dernières années à l’université –

Il cherchait tous les débats des physiciens sur la question de la révolution cosmologique. Il dévora Aristote, son cosmos, son univers parfaitement harmonieux, son monde supra-lunaire et sub-lunaire ----

Il ne cesse de se demander pourquoi l’Homme cherche-t-il tant l’unité.

((alors qu’il vit dans une pelouse dorée))

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Il rencontra une autre pelouse, un jour.

Une pelouse dévorée par l’envie de dévorer. Une pelouse très cannibale, tout de même.

Il reconnut immédiatement, lors de ce diner, qu’elle avait les mêmes mimiques que lui. Lorsqu’un homme un peu faible d’esprit lançait ses convictions haut et fort, elle se léchait les lèvres, puis partit à la chasse.

Il vit une exécution publique verbale. Et ce fut jouissif.

Dès lors, il comprit qu’il avait trouvé sa semblable, son aimée si attendue, alors ils décidèrent de s’aimer et d’avoir des centaines de milliers de petites larmes à conter !

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Il fallait dire que ce n’était pas si facile, de vivre avec quelqu’un qui est comme soi.

Dans un premier temps, ils échangeaient les données de tous ceux qui se tordaient les âmes grâce à eux. Mais bientôt, les cercles de proches furent faits, puis leurs aventures, puis un tas de monde rencontrés dans les rues –

Personne. Ils se sentaient seuls.

Alors, automatiquement, les deux machines commencèrent à s’attaquer, pour se pousser à bout. Comme ça, Dorian verrait enfin le vrai visage de sa bien-aimée.

Et il l’aimerait encore plus. Follement.

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Elle pleura une fois. Lui, deux. Il cassa trois vases et un verre. Elle, un miroir, une chaise et un micro-onde.

Quelques travaux furent nécessaires.

Mais, après chaque soir explosif, ils avaient de magnifiques nuits d’amour, et se berçaient pour s’endormir.

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Il était bon, tout de même, Dorian.

Il donnait. Le défaut principal de son amante était son addiction des nuits d’amour (puis, une addiction de l’immoralité, je ne savais pas que cela existait), ou des journées d’amour, de l’amour fait en boite ou en conserve, bien arrosé ou non, avec des cactus ou des camélias.

Il ne suffisait pas à son désir. Alors, il acheta du matériel. Puis, il invita d’autres personnes. Puis, elle lui disait qu’elle était allée voir le voisin, de classe puis de pallier, sans qu’il ne fut prévenu.

Ce n’était pas très grave.

C’était sa part d’ombre, c’était elle, entièrement elle, une elle libérée –

Mais lui, il avait l’impression de ne pas se libérer.

Comme s’il n’avait pas d’immense défaut à éveiller –

Il se déterrait le cœur à la tâche, en se cherchant ses psychoses, qui le rendrait terriblement fou et indésirable,

Mais il n’y arriva pas !

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Après cinq années de relation passionnée, ils se quittèrent.

Ils s’aimaient toujours follement. Mais ils avaient fait le tour. Ils s’aimaient si fort, se haïssaient tant, qu’ils étaient les amis les plus fusionnels.

Ainsi, ils restèrent amis.

Encore aujourd’hui, elle va fréquemment à l’université, pour surveiller s’il est toujours enfermé dans son idéal de liberté. Puis, s’il fréquente d’autres femmes et hommes. Puis, elle lui présente tous ses hommes. Ils se donnent leurs avis (celle-ci est un peu dodue, celui-ci un peu trop droit, lui trop carrée et lui a des poils sous le ventre – il baise mal, c’est vrai, je le quitte demain, oh, tu as grossis Dorian, je vois ton bide d’ici ; puis nous prendrons un verre pour parler politique et casser des bouteilles !) puis ils vont se coucher, seuls, remplis de vie.

Il eut une relation avec une collègue, il y a un an. Celle-ci dura quatre mois. Elle était fort molle et gentille, se dodelinait sur son épaule comme un chaton, et s’était donnée comme mission sacrée de le diviniser, le tourner vers la lumière (laquelle ? Celle de Dieu, ou des toilettes ? Elle n’a jamais précisé…) ; mais il s’en agaça, et s’évertua à détruire tout son système de croyance, puis sa vision idyllique de l’amour.

Ils se quittèrent en vacances à New York. Il lui avait offert une croix brisée en deux.

Elle n’apprécia pas.

(il ne savait plus vivre une relation normale, c’était dire !

Que chercher en amour, sinon un rejet, quel qu’il soit…)

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Il se savait fiancé.

Un chèque humanisé.

Son éducation a toujours eu raison de lui, après tout.

Le libertinage ne le dérangeait pas, et il avait accepté la future dame Chèque en échange de sa liberté intellectuelle –

Les astres valent plus qu’un futur enfant, c’est dire.

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Il continue sa thèse et trouve des élèves de plus en plus brillants pour lui fournir des articles. Il se devait de respecter les détenteurs de savoir, et leurs descendants, dont ses élèves ; malgré ses torts, il affirmait son amour de la curiosité et de la méthode, et ce à chaque sourire délivré.

Il s’amusait aussi des compliments qu’il entendait sur son physique, et même s’ils ne sont prononcés que par des étudiantes ayant l’air un peu frustrées, son égo se gonfle sans cesse.

Dernièrement, il avait trouvé une femme. Elle semblait être son reflet dans son entêtement. Néanmoins, de sa haute tour, il la voit comme une sorte d’enfant, certes lumineuse et prometteuse, mais qui se noie dans son espoir d’aimer la vie un jour !

Alors, il l’accompagne en bon professeur, en souhaitant qu’elle priorise sa carrière et non ses émois –

Car ceux-ci ne servent à rien, ne libèrent que peu et font perdre de l’argent.