OPALINE NIELSEN ► Nastya Kusakina

Chapitre 1 ›

« Harvard ? Mais c'est à des milliers de kilomètres ! » s'étonne Aksel. Je vois dans ses yeux un mélange d'excitation et de tristesse. Je sais pertinemment que d'ici quelques minutes, il va me demander de ne pas partir, de ne pas le quitter. Je connais ce garçon depuis que je suis toute gamine. Nos parents amis, je le connais depuis toujours ou du moins, d'aussi loin que je m'en souvienne. Âgé de trois ans de plus que moi, il pense inlassablement que son rôle, est d'assurer ma protection et mon bonheur. Emmitouflée dans mon gros manteau épais, je n'ose même pas le regarder en face, les yeux rivés sur le lac face à nous. Je me sens minable de lui annoncer que je pars le mois prochain pour Harvard et que je le laisse ici, en Norvège, quand je pense a tout ce qu'il a fait pour moi. Quand je suis entrée dans l'adolescence, il m'a prise sous son aile, tentant à tout prix de m'empêcher de faire toutes les conneries que faisaient les autres. « Je sais bien Aksel, je sais que c'est à l'autre bout du monde. Mais honnêtement, je n'ai pas la moindre chance de réussir ici. J'ai été acceptée à Harvard, c'est une opportunité qu'on ne néglige pas. » je réponds, un peu gênée. Son regard se détache de moi, je le sens. Et alors que je tourne la tête vers lui, je lis sa déception. « Je n'arrive pas à croire que tu vas partir. Je suis content pour toi évidemment, c'est époustouflant que tu puisses aller là-bas. Mais je ne peux pas m'empêcher d'être triste. » marmonne-t-il. Je tente de me mettre à sa place, et je le comprends. Cela fait des années, qu'on se voit tout les jours. C'est absolument compréhensible qu'il soit peiné et que je vais lui manquer. Cependant, je sais parfaitement que ce manque se ressentira des deux côtés. « Je t'en prie, ne m'en veux pas trop. Je reviendrai de temps en temps, et tu pourras venir me rendre visite ! Ce sera différent bien sûr, mais dans le fond, rien ne changera réellement. » dis-je alors pour tenter de le rassurer, en vain. Lentement, il se rapproche de moi et m'enlace avant de déposer un baiser sur mon front. « Tu vas terriblement me manquer, tu n'imagines pas à quel point... » me chuchote-t-il, en me serrant un peu plus fort. Dans ma poitrine, mon cœur se brise. J'espère que je prends la bonne décision en décidant de mettre les voiles en direction de Harvard.



Chapitre 2 ›

« Vous allez bien mademoiselle ? Vous m'entendez ? » me hurle un des nombreux pompiers présents. Tout dans mon esprit paraît extrêmement flou. Je me souviens me promener dans les bâtiments avec Asher, mon petit-ami, puis le reste est très vague. Une explosion énorme, de la fumée, des plaintes de gens blessés, d'autres à terre inconscients. Asher ! Où est-il ? « Je ne sais pas, je crois que je vais bien. Mais je dois voir mon petit-ami, il était avec moi. Je... Aïe ! » je crie alors. En essayant de me lever, une douleur lancinante était apparue dans mes côtes et au niveau de ma jambe. Mais mes pensées sont focalisées sur Asher. Je n'arrive pas à me concentrer, trop perturbée par tout ces gens en larmes ou allongés sur des brancards. Je suis perdue, totalement désorientée. « Que s'est-il passé exactement ? Je... Je n'arrive pas à m'en souvenir. » je demande alors au pompier. Eux aussi, semblent paniqués, débordés par la quantité de gens à prendre en compte. « Un attentat. Une personne a déposé une bombe dans l'établissement. Il y a de nombreux blessés et pas mal de morts. On essaye encore d'en trouver parmi les décombres. » me lâche-t-il précipitamment. Des morts. Ce sont les seuls mots qui résonnent dans ma tête. Soudain, quelques images reviennent. Je me souviens être bloquée par cette énorme poutre en bois. Des gens étaient étalés par terre, inconscients. A côté de moi, il y avait Asher, saignant à la tête, qui ne répondait pas à mes appels au secours. Non, pas ça. Incapable de me contrôler, je suis prise de violents sanglots alors que les larmes dégoulinent sur mes joues roses. Et alors que le pompier fait monter mon brancard dans l'ambulance, je comprends clairement. Asher fait parti de ces "pas mal de morts"...
Cela fait une semaine aujourd'hui que la catastrophe a explosé. Bien sûr, je me remets peu à peu de mes blessures physiques. Néanmoins, la mort d'Asher continue de me hanter. Les images d'horreur que j'ai pu voir, restent gravées elles aussi. Je suis restée à Harvard jusqu'à la reprise des cours, mais je ne sors pas de la résidence, effrayée par une potentielle nouvelle catastrophe. De plus, je n'ose pas affronter les regards des autres. Je n'ai pas envie qu'on me fixe d'une façon qui voudrait dire: "Oh la pauvre, elle a vu son petit-ami mourir devant ses yeux". J'imagine que comme toute autre chose, la douleur finira par se tasser, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?