November 1st, 2003.
J’étais à l’école. Un cours de mathématique. Le professeur nous expliquait le théorème de Pythagore. On a cogné à la porte de la classe. Une dame, veille, aux cheveux gris a demandé à l’enseignant si Alan Quinn pouvait la suivre. Les gens autour de moi m’ont dévisagés. Je n’ai jamais été du genre à me mettre les pieds dans les plats. En fait, j’étais un élève avec des résultats exemplaires. Toujours parmi les trois meilleurs élèves. Enfin, nous ne sommes pas la pour parler de ma grande facilité et de mon désir d’apprendre. La dame m’a dit de ramasser tous mes cahiers, que je ne reviendrais pas en classe. Certains de mes camarades de classe, je les entendais murmurer, pensaient que j’allais être renvoyé pour une histoire X qu’ils ont inventés. J’ai donc rangé mes cahiers dans mon sac avant de le glisser sur mon épaule. La dame et moi avons arpentés les couloirs jusqu’à ce qu’elle s’arrête, tout comme je l’ai fait, devant la porte principale de l’établissement. «
Papa? » J’étais un peu, non très surpris de le voir là. Il ne fallu pourtant qu’une fraction de seconde à mon cerveau pour comprendre. Et là, j’ai couru vers mon paternel. Je l’ai serré dans mes bras. «
C’est fini? » j’ai murmuré entre deux sanglots. «
Non, mais les médecins prédisent qu’elle n’en a plus pour longtemps. Quelques jours, tout au plus. » J’ai reculé, regardé derrière moi pour constater que la vieille dame avait disparu, puis papa et moi sommes sorti de l’école.
J’ai ouvert la porte côté passager, me suis assis avant de lancer mon sac sur le siège arrière. J’ai sorti mon MP3 de mes poches, placé mes écouteurs dans mes oreilles et j’ai appuyé sur Play. Le volume était probablement trop fort, mais je ne m’en souciais pas. La musique avait toujours été un échappatoire et ce depuis on plus jeune âge. Déjà, enfant, lorsque je faisais un cauchemar, maman me chantait une chanson pour m’aider à me calmer et m’endormir. Enfin, après un moment, nous sommes arrivés à l’hôpital. Je n’avais jamais aimé les hôpitaux, sans raison particulière, mais maintenant j’en avais une. Nous sommes montés à l’étage ou ma mère était. Je suis resté planté pendant cinq bonnes minutes. J’étais figé. J’avais peur de ce que j’allais voir. Je ne voulais pas que le dernier souvenir que j’aie de ma mère en soit un ou elle était faible et ne se ressemblait plus. Elle avait toujours été forte. C’est probablement d’elle que je tenais cette force de caractère. Encore une fois, elle allait faire preuve de cette détermination et force. J’ai passé la porte, je tremblais. Une larme a coulé sur ma joue. Mon père me faisait signe d’entrer, d’avancer. Moi, je suis resté caché. Je ne voulais pas que ma mère me voie ainsi. Je devais rester fort. Pour elle, pour papa et pour moi. J’ai essuyé la larme sur ma joue, pris une grande inspiration et me suis ressaisi avant d’aller à son chevet. Je ne sais pas comment j’ai fait pour ne pas fondre en larmes. La voir ainsi, faible, malade, blême, c’était si difficile.
Elle m’a prise la main et nous nous sommes regardés. Le silence a rapidement empli la pièce. On aurait pu entendre une mouche voler, je vous jure. Enfin, maman a placé sa main libre sur ma joue et l’a caressée doucement. Une larme a coulé, encore une fois, sur ma joue. Je m’étais promis de ne pas pleurer. Dans une vaine tentative de ne pas verser d’autres larmes, j’ai fermé les yeux. «
Alan. » elle a murmuré. «
Alan, regarde-moi, s’il te plait. » J’ai obéis. «
Ne pleure pas, je t’en supplie. » Comment était-ce possible pour moi de ne pas pleurer? Je voyais ma mère pour ce qui pouvait être la dernière fois. J’ai essuyé mes larmes et je l’ai regardé droit dans les yeux. «
Je n’ai pas envie que tu partes, maman. Reste avec moi. Je t’en supplie. » J’ai serré sa main fort, laissant mes larmes couler librement. «
Je t’aime. » Qu’elle a dit. «
Ne l’oublie jamais. Même si je ne suis plus ici, je t’aimerai toujours. » Elle m’a serrée dans ses bras et j’ai perdu toute notion du temps. Je ne sais pas si cette accolade a durée une minute ou cinq, mais je me souviens seulement avoir senti ses bras tomber et j’ai su que c’était fini. Les infirmières sont venues, elles m’ont demandé de sortir, puis elles ont constaté son décès.
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Les mois qui ont suivi ont été très difficiles. J’ai abandonné l’école. Après tout, j’avais déjà manqué trop de matière pour pouvoir terminer l’année. Et puis, je n’avais pas envie de retourner là et devoir expliquer à tout le monde pourquoi j’étais parti, absent si longtemps. Je gardais tout pour moi et j’étais fort. Il le fallait, pas seulement pour moi, mais aussi pour papa. Surtout pour lui. Bien qu’on savait que maman partirait bientôt, je ne crois pas que nous avions mesuré l’ampleur des conséquences de son départ. Si je me permettais de pleurer de temps à autre, c’était en pleine nuit, alors que papa dormait et que j’étais enfermé dans ma chambre. Sinon, je faisais semblant que tout allait bien et que je ne souffrais pas. Pourtant, ce fut si difficile de ranger dans des boites tout ce qui appartenait à maman avant de les entreposer au sous-sol. Tellement de souvenirs à mettre de côté. J’avais peur. Je ne le disais pas, mais en posant ses vêtements et divers articles qui lui était cher, j’avais peur d’oublier comment elle était. J’avais peur qu’un jour, son visage ne soit plus aussi clair dans ma mémoire, que les bons moments que nous avions partagés s’envolent, partent en fumée.
Papa a engagé une institutrice pour qu’elle me fasse l’école à la maison. C’était à peine un mois après le décès de maman, alors qu’il avait encore toute sa tête. Il faut dire que reprendre les cours, même si ce n’était pas à l’école a eu du bon. Me changer les idées c’est ce dont j’avais besoin. J’ai repris les études, ne consacrant mes journées qu’à ça. Enfin, ne les consacrant presque qu’à ça. Plus les jours passaient, plus je réalisais que maman n’était plus là. Pas parce que la douleur était plus vive ou quoi que ce soit du genre, mais l’état de papa s’aggravait à vue d’oeil. Je veux bien croire que maman se chargeait d’entretenir la maison, mais elle n’était plus là et papa devait agir en conséquence. Il devait agir comme un homme, se reprendre en main, continuer de vivre, même s’il avait mal, même s’il souffrait. Après tout, j’étais jeune et je réussissais bien à le faire. Mettre sa peine de côté un instant et se concentrer sur ce qu’il lui restait. Ce qu’il ne fit pas. Il passait désormais ses journées à dormir et, quand il daignait descendre, il ne faisait que s’assoir dans son fauteuil, ouvrait la télévision et la fixait. Ce n’est pas par choix, mais pas obligation que j’ai pris en charge la maison. Entre les devoirs et les cours, je m’occupais de garder la maison aussi propre que possible. Je faisais la vaisselle, le lavage, je nettoyais la maison, enfin tout ce qu’il faut pour garder une maison propre. Un enfant de treize ans doit jouer, s’amuser avec ses amis, mais ma réalité était toute autre. J’étais désormais un homme. Bien avant l’âge, mais tout de même. Après un moment, papa du retourner travailler. On lui avait accordé un congé le temps qu’il se remette de la mort de maman, qu’il planifie les obsèques et comment nous allions survivre, mais il du retourner travailler. Les comptes n’allaient pas se payer d’eux-mêmes. Normalement, c’est le parent qui réveille l’enfant, mais dans notre maison, c’était moi qui entrait tranquillement dans la chambre de mon paternel et qui, doucement l’invitait à se réveiller. Je lui préparais son repas, je vous jures, je faisais tout. Lui, il se contentait d’aller au boulot, histoire que l’argent continue de rentrer, mais dès qu’il revenait à la maison, il sombrait à nouveau dans sa torpeur et son mutisme.
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Ça a duré presqu’un an. Je crois qu’il est inutile de vous dire que cet épisode de ma vie m’a appris ce qu’est le sens des responsabilités. J’ai grandi plus rapidement que les garçons de mon âge, j’étais plus mature que les autres. Enfin, c’est ce qu’en disaient mes professeurs lorsque je suis retourné à l’école. J’ai revu d’anciens amis et j’aurais tant aimé pouvoir vous dire que nos relations n’ont pas changées, mais ce n’est pas le cas. Les blagues qu’ils trouvaient drôles ne me faisaient pas rire. Les filles de qui nous tentions d’avoir l’attention quelques mois auparavant ne m’intéressaient plus. Ça peut sembler étrange venant d’un adolescent, mais j’en étais à un autre stade dans ma vie. Niveau académique, je ne crois pas avoir accusé de retard dans mes cours et j’ai pu poursuivre mon cheminement scolaire tout à fait normalement. J’ai retrouvé mes bonnes vieilles habitudes, me suis à nouveau trouvé parmi les meilleurs de la classe. Les années ont passées et est venu le temps de choisir une université à laquelle je souhaitais m’inscrire. Papa avait retrouvé ses esprits et m’avais aidé à faire un choix. Il savait qu’avec son seul salaire et les quelques économies que j’avais faites grâce à l’emploi de barista chez Starbucks, je ne pouvais pas penser accéder à de prestigieux établissements d’enseignement supérieur. Pourtant, mes enseignants, de leur côté, tentaient de me convaincre d’appliquer aux universités faisant partie de l’Ivy League. Moi, je n’y croyais pas. Non, je ne pouvais pas y accéder. Les universités les plus prestigieuses ne semblaient pas à ma portée, mais on m’a répété maintes fois que mes résultats scolaires me permettraient d’avoir ma place dans une de ces écoles. Je n’ai pas envoyé de demande à aucune des 8 universités de l’Ivy League parce que, pour moi, c’était un rêve fou, impossible. Quelle fut donc ma surprise lorsque j’ai reçu une lettre d’Harvard me disant que j’étais accepté. Je ne pouvais pas. Non. Papa m’a clairement fait comprendre que je ne pouvais pas. Ce n’était pas pour moi. Pourtant, j’ai revu un de mes ancien enseignant, celui qui avait envoyé une demande à ma place, et il a pris de mes nouvelles. Je lui ai dit que j’avais été accepté à Harvard et lui ai expliqué la situation dans laquelle je me trouvais. Il m’a alors parlé de bourses auxquelles je pouvais aspirer et que l’argent, au final, ne poserait pas un problème.
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Et mon parcours scolaire s’est poursuivi. J’ai dit au revoir à papa. Je ne l’ai pas fait de gaie et de cœur. J’avais tellement peur qu’une fois seul, il retombe dans ses mauvaises habitudes, qu’il ne fasse plus rien de ses journées. Je ne pouvais pas le perdre lui aussi. Je lui ai fait promettre que même si ça n’allait pas, il essaierait quand même de continuer à vivre. Je savais qu’il pensait toujours à elle, à maman, mais lorsque je ne serais plus là, il n’y aurait plus personne pour s’occuper de lui. Après de longs aux revoir, j’ai pris mes valises et j’ai sauté dans ma voiture. J’ai démarré et j’ai pris la direction de Cambridge. La route fut longue de Floride au Massachusetts. Plus de vingt heures de route au total. J’ai mis deux jours pour y arriver.
Une fois le premier semestre universitaire commencé, j’ai côtoyé d’autres étudiants. L’une d’entre elle a attiré mon attention. Une brunette tatouée. Je dois avouer qu’aux premiers abords, j’ai été timide. Que de simples « salut » en se croisant dans les couloirs. Il me fallu attendre près de cinq mois pour finalement avoir le courage de l’inviter à sortir. De fil en aiguille, notre relation a évoluée, passant de la simple amitié à l’histoire d’amour digne de grands films hollywoodiens. Je me souviens, nos amis – tout comme nous – nous voyaient déjà mariés et parents. Cette fille, c’était la perle rare. J’étais convaincu que je finirais mes jours à ses côtés. Pourtant, le destin en a voulu autrement.
Elle aurait du être là. Je l’attendais depuis déjà vingt minutes. Elle avait l’habitude de toujours être à l’heure, même dix minutes à l’avance lorsque nous avions rendez-vous. Nous allions célébrer les quatre ans de notre relation. J’avais tout prévu. Je lui mettrais un bandeau sur les yeux, la conduirait dans son restaurant favori, ensuite nous irions nous promener au bord de l’eau et terminerions la soirée dans ma chambre, blottis l’un contre l’autre à regarder « Les pages de notre amour » son film favori. Et elle s’endormirait dans mes bras. Je vous entends déjà avec vos préjugés à la con, qu’un mec tatoué ne peut pas être romantique. Allez vous faire voir. Enfin, j’ai appelé son portable vingt vois. Jusqu’à ce que la nouvelle tombe, que les explosions retentissent. Tout de suite, j’ai pensé que le pire s’était produit. Je souhaitais tellement avoir tord. Ce n’était pas possible. Elle ne pouvait pas être morte. Pas elle. Les minutes, les heures qui ont suivi cet horrible évènement étaient interminables. Finalement, en soirée, j’ai reçu un appel me disant qu’elle était à l’hôpital. Elle avait été blessée par des débris de la bombe, mais n’avait que des blessures superficielles. Elle allait s’en sortir. Le soulagement que j’ai ressenti. J’ai voulu le crier sur tous les toits. Elle allait vivre. Nos plans allaient pouvoir se concrétiser. J’ai marché jusqu’à l’hôpital, le cœur soudainement plus léger. En la voyant j’ai réalisé à quel point j’avais été chanceux de ne pas avoir été affecté par la bombe. J’étais chanceux de ne pas avoir eu cours ce matin-là et d’être resté dans ma chambre.
Pourquoi ais-je donc dis que le destin en a voulu autrement? Parce qu’elle est retournée chez elle. Elle devait voir sa famille. Elle voulait leur dire qu’elle allait bien, leur montrer. Moi je suis resté à Harvard. J’aurais du y aller. J’aurais du la suivre. Si j’avais su. Mais les policiers sont catégoriques, je n’aurais rien pu faire. Mais sa mère elle, aurait pu l’empêcher. J’en suis certain. Je me souviens. J’étais en cours. Un cours de composition. Mon cellulaire a vibré dans la poche de mon jean. C’était Elle. J’ai décroché et l’ai salué. Puis j’ai entendu la voix de sa mère. Elle était inconsolable. Elle me demandait de venir. Heureusement la route n’était pas très longue… et j’ai roulé plus vite que les limites permises. Heureusement, aucun policier ne m’a intercepté. Deux heures plus tard, j’étais devant la maison. Sa mère était sur le porche. Je suis allé la voir et elle m’a expliqué. Son mari avait peut-être trop bu. Je ne sais pas. Je n’ai compris son explication qu’à moitié, mais j’ai compris l’essentiel. Ma petite amie était décédée. Le dernier message que j’avais d’elle, c’était qu’elle était heureuse de revoir sa famille et qu’elle avait hâte de me retrouver. Si j’ai bien compris, son père avait dit qu’il aurait préféré qu’elle décède dans l’attentat. Et il l’aurait frappée. Sa mère est restée là, impuissante. Elle n’a rien fait. Même pas tenté de l’empêcher ou de le raisonner. Et par sa faute, celle qui comptait le plus pour moi était décédée. Ses funérailles ont eu lieu il y a une semaine. Je ne m’en suis toujours pas remis. Ça ne fait qu’une semaine, peut-être, mais depuis tout semble aller de travers dans ma vie. Je n’arrive plus à voir le bon côté des choses. Mes amis tentent tant bien que mal de me redonner le gout de vivre, mais rien n’y fait. La bouteille est devenue ma meilleure amie. Alors que j’aurais normalement plongé dans mes livres, le fait que nous n’ayons plus cours ne m’a pas aidé. Après avoir bu une bouteille de Jack Daniels, je me suis jeté sur mon cahier et j’ai couché toutes mes pensées sur papier. Je ne sais pas combien d’heures j’ai passé, mais j’ai écrit jusqu’à ce que mes mains ne puissent plus tenir un crayon.
If I were you, I'd put that away
See, you're just wasted
And thinking about the past again
Darling you'll be okay
And she said,
"If you were me, you'd do the same
'Cause I can't take anymore
I'll draw the shades and close the door
Everything's not alright and I would rather..."
And as the sun went down we ended up on the ground
I heard the train shake the windows
You screamed over the sound
And as we own this night
I put your body to the test with mine
This love was out of control
Tell me where did it go?
My body's failing,
I think I've hit the floor,
I cannot feel anything anymore.
My body's failing,
I think I've hit the floor,
I can't remember anything anymore.
And I'm gonna miss your face for a long long time
And I can't escape this place, it's in my mindEt voilà, j’avais du matériel pour de nouvelles chansons. C’était le seul point positif dans cette histoire. J’allais pouvoir chanter, crier comme je savais le faire. C’était le seul truc qui me restait. Ça et la boisson. J’ai seulement sorti pour me rendre au salon de tatouage. Je me suis fais tatoué une rose sur le cou. C’était sa fleur préférée. C’est mon plus récent tatouage.
Au fil des années, mon bras droit est devenu une véritable œuvre d’art. La plupart de mes tatouages représentent la mer et divers animaux qui l’habite, parce que c’est quelque chose qui me fascine et me passionne. J’ai un cœur humain de tatoué à travers ça avec la mention « mom ». J’ai également un lion et un agneau tatoué sur mes cuisses. Ces tatouages ne sont pas terminés. Je souhaite aussi avoir cette citation de Robin Hood tatoué « Rise and rise again until lambs become lions. » Enfin, je ne m’étendrai pas sur mes tatouages, mais je crois que ce sont ceux qui sont le plus important pour moi. Je trouvais important que vous le sachiez. De plus, mon bras droit est celui ou je me suis souvent mutilé, donc les tatouages couvrent mes cicatrices.