Une femme se rend à l’hôpital ce matin-là, une main sur le ventre et vêtue d'une robe de nuit. Elle est seule, personne pour l'accompagner et pourtant son état est critique. Un liquide s'échappe de son entre-jambe, elle est en tain de perdre les eaux et soudain, c'est toute l'équipe des urgences de la maternité qui arrive dans le hall pour s'occuper de la jeune femme. Elle est complètement perdue, elle ne comprend pas ce qui lui arrive et ne cesse de répéter. « Mon bébé, occupez vous de mon bébé. » Les sages femmes l'emmènent directement en salle de consultation afin de voir si elle son col est assez ouvert pour pouvoir passer directement en salle d'accouchement. Dans le cas contraire, la jeune femme sera conduite dans une chambre en attendant la dilatation de son col. « Vous êtes ouverte à cinq doigts madame, nous allons vous conduire en salle d'accouchement directement. Vous êtes chanceuse pour un premier bébé. » La jeune femme ne cesse de pleurer. Elle stresse et cela se ressent. Pas évident d'être seule lorsque l'on est sur le point de donner la vie à un bébé. L'accouchement se déroule plutôt bien, sans péridurale. La jeune maman prend pour la première fois son fils dans ses bras et à ce moment-là, elle oublie tout. Elle oublie tous les soucis qu'elle peut avoir dans la vie, elle ne pense plus qu'à cet enfant qu'elle tient dans les bras. « Comment souhaitez-vous l'appeler ? » Sans même réfléchir, elle qui n'avait aucune idée de prénom avant de se rendre en urgence à la maternité, d'un coups, tout lui semblait évident. « Tomas. » Il s'agissait du deuxième prénom de son grand-père qui était décédé peu de temps avant qu'elle ne puisse donner naissance à son enfant. Elle voulait lui rendre hommage.
« J'en ai rien à foutre de tes règles, j'fais c'que je veux. » Hurle-tu tandis que ta mère adoptive essaye de te retenir par le bras. Tu secoue violemment ton bras suite à ce contact, l'obligeant à lâcher prise. « Me touche pas petite merde, t'es pas ma mère. T'as rien à me dire. Fou toi bien ça dans la crâne putain. » Tu soupires avant de claquer la porte d'entrée, marchant les mains dans les poches, sans savoir vraiment où aller. Ta mère biologique est morte peu de temps après ta naissance. C'était une cinglée de junkie qui n'était pas assez intelligente pour savoir que piqûres et bébé ne font pas bon ménage. Elle est morte un mois après ta naissance, bon débarras. Même si tu ne la jamais connu, tu l'as toujours détesté. Ne pas être capable d'arrêter de se droguer en ayant un enfant ? Bordel, mais quel genre de mère aurait-elle fait si elle était encore en vie à l'heure actuelle ? Tu continue de marcher, la nuit est tombée. Tu finis par t'arrêter dans un skate parc, un endroit que tu apprécies tout particulièrement. Fermant les yeux, tu tires une latte sur ton joint. « Tu n'devrais pas faire ça Tomas, t'es comme ta putain de mère, un sale junkie » tu secoue la tête, essayant de t'enlever cette voix de la tête. Cette voix que t'entends régulièrement. Non, t'es pas fou, tu refuses de l'admettre. « Ta gueule. » Crie-tu et soudain, la voix s'arrête. Le calme est revenu. Depuis que t'es gosse cette voix t'accompagne, t'as jamais su vraiment d'où elle venait. Elle est quelque part dans ta tête, prête à prendre le dessus sur ta personne si tu la laisse faire, C'est une putain de voix maléfique, t'es sûr de ça.
« J'me barre. J'vais avec un ami quelques jours à Paris. Ça va m'faire du bien de quitter cette maison de cinglés. » Dis-tu tandis que tu descendais les marches avec ta grosse valise dans les mains. Un de tes amis avait besoin d'aide pour quelques petites affaires pas forcément très légales qu'il devait gérer en France et il t'avait demandé de l'accompagner. Tu avais bien entendu accepté, t'avais que ça à foutre après tout. Tu n'allais plus à l'école, tu ne faisais plus rien de ta vie et changer un peu d'air pouvait vraiment te faire du bien. Ta mère adoptive ne cherche pas à te retenir, elle sait très bien que tout ceci ne servirait à rien, que tu avais déjà fait ton choix et que si elle osait ouvrir la bouche pour te dissuader de faire c'que t'avais envie de faire, tu l'insulterais de nouveau. T'es loin d'être un enfant de cœur et elle ne le sait que trop bien. T'as même déjà levé la main dessus plusieurs fois lorsqu'elle te contredisait. Tu agis beaucoup sous l'effet de la colère, sans vraiment réfléchir à ce que t'es en train de faire. Tu prends ta valise que tu traînes derrière toi, tu adresses un signe de la tête à ta « famille » avant de rejoindre ton pote qui t'attendait déjà devant chez eux. Direction Paris.
C'est à Paris que ta vie change radicalement. Tu tombe amoureux, pour la première fois. T'as rencontré cette française par pur hasard et t'as littéralement craqué sur son accent et sa folie. Elle était un peu comme toi, elle vivait la vie au jour le jour sans se prendre la tête. Tout c'que tu aimes chez une fille, elle était la perfection, celle pour qui tu étais prêt à tout mais aussi celle qui arrivait à te calmer. Bizarrement, lorsque tu étais en sa compagnie, cette voix que tu ne cessais d'entendre était beaucoup moins présente, tu arrivais à te contrôler, tu arrivais à être normal à ses yeux. Le seul problème ? La distance. Tu ne la voyais que très peu, une à deux fois dans le mois à tout casser. Des kilomètres vous séparez et pourtant t'étais carrément fou d'elle. Et même si ta jalousie maladive était sujet à nombreuses disputes dans votre couple, l'amour était vraiment là. T'étais fou amoureux de cette Louison, peut-être trop même. Vous n'êtes restés que sept mois ensemble, et contre toute attente, c'est toi qui a mit fin à votre relation.
« C'est quoi ce bordel, vous êtes qui vous ?! » Tu te mets à hurler en sortant de ta chambre pour te rendre dans le salon. Des hommes t'attendent, bien décidés à te faire venir avec eux, de gré ou de force. « Encore un sale coup de cette salope qui s'fait passer pour ta mère, tu peux pas lui faire confiance, j'te l'avais dis » Tu grimaces, essayant d'ignorer cette satané voix dans ta tête, t'as pas envie de passer pour un fou, même si tu ne l'es pas vraiment selon toi. T'as juste une imagination un peu trop débordante, ce que beaucoup de personnes ont du mal à comprendre. « Je suis désolée Tomas, il faut que tu te fasses soigner » Tu regardes ta « mère » avant de faire des gros yeux, deux hommes s'approchant de toi pour te prendre chacun par le bras.Tu ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe, t'es sur le cul. Comment pouvait-elle te faire une chose pareille ? Sans même t'en parler avant. Ta première pensée vient à Louison, tu ne vas plus pouvoir la voir si tu te fais interner dans une établissement pour te soigner. Tu n'veux pas ça, t'as besoin de cette fille, elle te rend meilleur, c'est elle ton médicament et rien d'autre. « Espèce de salope. J'vais te le faire payer, tu vas pas t'en tirer comme ça » Et sur ces mots, on te traîne de force dans une voiture, ne te laissant même pas le temps de prendre des vêtements ni tes autres biens personnels. Le soir-même tu te retrouves dans une chambre, seul. Ce genre d'endroit qui ne peut pas t'aider à devenir quelqu'un de normal mais bien à devenir encore plus cinglé. Ils te bourrent de médicaments pour te calmer, tu n'es plus maître de rien. Les mois passent, deux mois déjà que tu n'a plus parlé à Louison, tu ne sais même pas ce qu'elle est devenue. Peut-être bien qu'elle a fini par refaire sa vie, ce que tu n'espères pas. Tu ne supporterais pas. « Brewer, t'as le droit à un seul appel aujourd'hui, choisis bien t'en auras pas d'autres avant un moment si ça se passe mal. » Te dit un infirmier tandis qu'il te tend un téléphone portable pour que tu puisses passer ton coup de fil. Il reste dans la pièce, afin de surveiller ta conversation. Tu soupires, hésitant un long moment avant de te décider à taper le numéro de Louison, c'est la seule à qui t'as envie de parler, la seule voix que t'as envie d'entendre. Au bout de deux sonneries, sa voix résonne dans le combiner. Ton cœur se met à battre la chamade, tu ne sais pas quoi dire, pas quoi faire. T'es pris de panique. « Cette fille ne te mérite pas, elle est trop bien pour toi, quitte la, elle sera plus heureuse sans toi. T'es un bon à rien, t'es pas digne d'une fille comme elle. » Tu te mords la lèvre inférieure, la jeune femme à l'autre bout du fil étant en train de perdre patience. « Louison .. C'est Tomas. » Et à ces simples mots, tu sens qu'à l'autre bout du fil, la blondinette est en train de bouillir. « Putain, Tomas ! Qu'est-ce que tu fous ?! Pourquoi j'ai plus de nouvelles de toi ? Deux mois, tu te rends compte ? Tu vas bien au moins ? Dis-moi que tu vas bien.. » Elle sait que tu trempes dans des affaires un peu louches lorsque tu lui rends visite à Paris et tu comprends qu'elle a vraiment dû s'inquiéter comme une folle d'être sans nouvelles de toi. Peut-être bien qu'elle te pensait mort et peut-être que ce serait mieux ainsi. « J'ai rencontré une fille, Louison. J'ai pas eu le courage de te dire ça avant mais je l'aime. J'suis fou amoureux d'elle. J'ai fais ma première fois avec elle, j'pense que mes hormones ont pris le dessus sur mon amour pour toi. Elle m'offre c'que toi, tu ne pouvais pas m'offrir. Ce n'est plus possible entre nous, je ne t'oublierais jamais, tu l'sais ça ? » Et sans même prendre la peine d'avoir une réponse de sa part, tu mets fin à la conversation, te mettant à pleurer à chaudes larmes. Tu ne pouvais pas lui dire que tu étais en ce moment en train de soigner ta folie, elle ne pouvait pas savoir tout ça. Tu préférais qu'elle garde une image de toi bien différente de la réalité, qu'elle pense que t'es qu'un gros salaud qui n'a pensé qu'à son service trois pièces. Pourtant c'est faux, tu n'aimes qu'elle et tu n'sais même pas si tu seras capable d'aimer quelqu'un d'autre aussi fort.
Tu sors de cette asile de fou quelques mois plus tard, encore remplis de haine pour la personne qui a pris la décision de t'enfermer là-dedans. Tu décides de ne pas rentrer de suite chez toi, créchant chez un ami le temps de te calmer un peu. La voix dans ta tête s'est un peu calmé, t'as un traitement à prendre tous les jours pour arrêter tout ça. Quelques jours après ta sortie, tu te décides enfin à retourner dans ta « famille ». En poussant la porte d'entrée, tu tombes nez à nez avec ta mère, elle baisse les yeux, ne voulant pas croiser ton regard. « Elle fait bien de baisser les yeux, bute la, elle le mérite ! Elle t'a fait du mal. » Tu soupires, montant à l'étage pour rejoindre ta chambre. Tu prends un sac à dos, y mettant quelques affaires ainsi que ton argent que t'avais caché sous ton matelas. Une bonne liasse de billets, ce qui va te permettre de vivre un moment sans avoir besoin de cette famille de merde. T'as plus envie de faire semblant, t'as plus envie de tout ça. Tu redescends, ton sac à la main. « Bravo Cathy, t'as réussie. T'as gâché ma vie. J'me casse mais ne crois pas que j'en ai fini avec toi. Un jour j'reviendrais ici pour te faire la peau, quand tu t'y attendras le moins. J'te déteste, t'es rien du tout et même si ma mère était une catin de junkie, elle devait certainement être bien mieux que toi. » Et sur ces mots bien blessants, tu quittes la maison, tu n'y reviendras plus. Seulement tu ne perds pas pour autant ton envie de vengeance, toujours présente dans un coin de ta tête, même encore aujourd'hui alors que les années sont passées.
C'est à l'âge de vingt ans que t'arrives à Boston, bien décidé à trouver quelque chose à faire de ta vie. Les débuts ne sont pas très glorieux, tu te retrouves à devoir nettoyer des chiottes pour payer ton loyer. Puis, un jour, tu te décides à tenter ta chance. Ta mère biologique t'as laissé une bonne somme d'argent avant de mourir, autant en faire bon usage pour une fois. Tu décides de tenter ta chance pour entrer à Harvard, pour enfin faire c'que tu aimes, le théâtre. T'as envie de réussir dans ce domaine, de pouvoir jouer dans des pièces plus tard, de devenir quelqu'un de célèbre parce que mine de rien, tu sais très bien que t'es doué pour ça. Tu fais la demande sans même penser que tu seras accepté à cause de tes problèmes, de cette voix qui ne cesse de te suivre. Depuis que t'es arrivé à Boston, t'as complètement laissé tomber ton traitement et de ce fait, tu vie de nouveau constamment avec cette voix. T'as fini par t'y habituer, à trouver ça normal. T'as pas besoin de médocs, t'es pas fou. Contre toute attente, t'es accepté à Harvard et à ce moments-là, tu te dis que les choses sérieuses peuvent enfin commencer. Tu vas pouvoir faire c'que t'as toujours voulu faire. Peut-être bien que pour une fois dans ta vie, tu réussiras vraiment à faire quelque chose.