Levi Barnes ► Herman Tømmeraas

Définissez-vous un homme par la façon dont il traite les gens ? Avez-vous l’impression d’être aux premières loges quand vous assistez à sa déchéance même si cela n’empiète en rien sur vos incapacités et vos faiblesses ? Dans l’illusion collectif, c’est comme ça chaque jour. Il y avait ce qui croyait en la magie d’un instant et ceux qui assumaient une réalité qui était bien plus dégueulasse. Levi faisait parti des hommes qui avait prit le taureau par les cornes et qui crée sa propre vérité au travers d’une ambition parfois trop brutale.


Dans les contrées canadiennes et glaciales, c’est sans sa génitrice, disparu alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’année, laissant derrière elle un mari rêveur et deux enfants, deux garçons. Levi était le plus vieux des deux, le protecteur, l’enjôleur d’histoire pour que le gamin de huit ans croit encore à la magie. Elle était partie sans un mot, laissant deux trois billets de deux cents dollars sur le bord de la table, rien de plus. Est-ce qu’il y avait une raison valable ? Non. Même pas. Papa Barnes n’avait jamais eu cœur à raconter la terrible vérité.

Quelques années plus tard, et bien que l'entente avec le paternel n'était pas au beau fixe, l'alcoolisme de ce dernier en étant la cause, Levi prit la décision d’enchaîner des petits boulots pour se trouver un endroit pour y vivre. Il embarqua son petit frère qu'il ne put lâcher d'une semelle. Il était hors de question qu'il soit à la merci d'un père déviant dans la boisson même si ce dernier n'était pas violent. Il avait juste tendance à oublier qu'il avait des gamins. Si au début il exerçait comme homme à tout faire dans une salle de sport, lentement, il prit la décision d'engager des études dans l'univers sportif, s'éloignant de sa ville natale de plus en plus au grand dam du pater.

Charlie. La classique chute devant des escaliers, étalant tous les bouquins, l'envolée de feuilles blanches qui offrent des images de neige dans un décor encore plus verglacé. C'était typiquement le genre de moment où une mélodie pénétrait le cerveau, que les notes de piano s'accrochaient au corps et ne laissait plus de place à la simplicité. Il eut cette impression, en relevant les yeux pour l'observer, d'instinct, de se faire foudroyer. Croyez-vous au coup de foudre ? Parce que Levi était persuadé que c'était ce qu'il vivait. Il n'avait que vingt-deux ans, c'était un gamin plein d'espoir et d'avenir, entre les cours, les heures à la salle de sport et la vérité qu'il était déjà en train de la voir marcher vers l'autel alors qu'elle venait à l'instant de chuter devant lui.

Il ne s'était passé que quelques heures où il avait appris à connaître la moindre information qu'il puisse ingurgiter la concernant. Et pas même une journée quand il l'invita dans son appartement bien loin de ses standards de vie habituel. Charlie Windsor. N'avait-il jamais connu l'amour auparavant ? Cette fille avec qui il était sorti une petite année adolescent n'était qu'un bourgeon d'amour face au champ de roses qu'elle réussissait à étaler devant lui. Il garderait secrète cette relation interdite qui ne serait que de passage dans sa vie d'héritière, il ne lui causerait pas du tort, l'aimerait de loin s'il le fallait, mais ce qui était certain, c'est qu'il ne pourrait jamais aimer femme comme il l'aimait.

Enceinte. Enceinte. Enceinte. Enceinte. L'écho ne venait pas d'une montagne mais il résonnait bien plus fort quand c'était la bouche charnue et tendre de sa princesse, bien moins importante au pays quand elle était entre ses bras. Une grossesse. Cela ne faisait que deux mois qu'elle était dans le pays, et voilà qu'elle annonçait l'arrivée d'un enfant. Et si au début Levi parut choqué, l'idée migrait dans sa tête de manière bien plus pertinente. Charlie, quant à elle, ne parlait plus. Silence radio pendant plus de cinq jours. Le téléphone sonnait dans le vide, sa chambre d'hôtel ne répondait plus et il était même refusé à la réception. Etait-elle rentrée ? Avait-elle choisi de mettre un terme à cette grossesse soudaine ? Bien sur que c'était tôt, qu'elle ne devait pas s'acoquiner d'une relation aussi peu scrupuleuse avec un garçon de bas étage qui était à peine étudiant.

Puis soudainement, c'était une Charlie complètement au naturel, sans maquillage, sans artifice, sans manière royale qui était entré chez Levi avec la clef qu'il lui avait donné pour l'attendre après ses cours. Et là, dans les lieux d'un appartement qui n'était pas rangé, qui n'avait rien d'un lieu de vie pour une famille, Charlie annonça qu'elle ne pouvait pas avorter. Qu'elle gérerait les médias, sa famille. Mais qu'ils allaient y arriver. Et Levi crut pendant quelques mois que tout lui réussirait. Pendant des mois, malgré les doutes de Charlie et le manque d'argent que Levi pouvait apporter car il ne voulait pas qu'elle compense, ils finirent par s'apprivoiser doucement. Dans ce petit village, personne ne connait le visage de la princesse et elle pouvait se balader, son ventre qui s'arrondissait sans problème. C'était ridicule, n'est-ce pas ? De croire aux contes de fée ? En attendant, une petite fille pointait sous le nombril lisse et rempli de baiser d'un futur père qui prenait son rôle bien trop à coeur.

Hypoplasie du coeur gauche. La nouvelle éclatait. La chute était vertigineuse et son conte de fée transformait Scar en héros de l'histoire. Des opérations étaient possibles, évidemment. Mais à quel prix ? Celui de mettre au monde un enfant rempli de handicaps moteurs et cérébraux ? Le pour le contre, avortement thérapeutique ? Attendre la fin de la grossesse et laisser l'enfant vivre encore quelques jours ? Ou souffrir d'égoïsme autant pour elle que pour eux et finir par élever un enfant qui ne vivrait qu'à travers les hôpitaux et les sondes gastriques, nasales, digestives, respiratoires ? Première option. Jusqu'au bout, il l'a soutenu. Même quand la péridurale ne marchait plus, même quand elle dut mettre au monde un enfant qu'on venait de tuer le matin même par l'injection d'un produit létale. Même quand il a laissé son chagrin l'envahir, les larmes déferler, caché dans un coin de l'hôpital pendant qu'il n'était pas convié à certains soins et qu'il portait cette petite fille, six cent grammes. Levi n'avait montré aucun signe de faiblesse pour accompagner Charlie dans chacune des étapes de ce traumatisme et voilà, qu'à travers un départ précipité quelques jours après ce drame, après avoir choisi d'incinéré ce petit corps pour l'envoyer dans les eaux du Lac Athabasca, l'un des endroits favoris de Levi au monde.

Et elle eut disparu. Pouf. Envolée.