Un jour, une histoire
Esteban a vu le jour dans un quartier difficile de Cartagena, en Colombie. Si cette ville est touristique, comme beaucoup d'autres, le dos de la carte postale est bien moins attirante. Né le 1er décembre 1999 dans ce qui ressemble davantage à un bidonville et où le trafic de drogue est omniprésent, Esteban a grandi au côté de sa mère. Une ancienne danseuse de ballet qui a travaillé dur pour tenter de se sortir de cette vie miséreuse. Un an plus tôt, elle avait eu la chance de fouler les scènes de Voronej, en Russie. C'est d'ailleurs là-bas qu'elle rencontrera le père d'Esteban. Elle s'était laissée charmée par ce russe aux allures tragiques, cet homme bousillé par la vie qui ne s'était pas remis de la mort de son épouse. Seulement, elle ne fut qu'une aventure. Pour elle, il s'agissait de bien plus. Pas pour lui. Il est clair qu'il ne souhaitait pas se lancer dans une histoire sérieuse. Elle venait de tomber enceinte, par accident, ce qui mit à mal sa carrière. Son unique chance de s'en sortir venait de tomber à l'eau. Elle reprit le chemin de la Colombie, par manque de moyens.
Esteban était un enfant souriant, très proche de sa mère. Il tentait de l'aider du mieux qu'il le pouvait. Dés qu'il revenait de cette petite école de quartier, il enchaînait les petits travaux pour ramener quelques pièces à sa mère et leur permettre de manger le soir. Esteban n'était pas vraiment malheureux de cette vie, puisqu'il n'en connaissait pas d'autre, contrairement à sa génitrice. Très tôt, cet enfant se montra très intelligent et intéressé par tout. Il faisait la fierté de sa mère. Seulement, la vie à Cartagena n'était pas aisée et le trafic de drogue qui régissait l'endroit ne pouvait apporter un avenir serein à son fils. Dés son plus jeune âge, Esteban fut témoin de scènes qu'aucun enfant ne devrait être amené à voir, comme des meurtres, les descentes constantes de la police colombienne, les femmes qui crient, le travail sale et tellement d'autres. Sa mère ne voulait pas de cette vie pour son fils. Elle savait qu'il était au monde pour accomplir de grandes choses, et non pas pour croupir dans un tel endroit. Ainsi, elle fit de maigres économies durant des années, et chercha à envoyer Esteban sur le sol américain à l'âge de 15 ans pour qu'il puisse tenter sa chance là-bas. Pendant longtemps, cet enfant refusait d'en parler. Il voulait rester en Colombie, auprès de sa mère, pour la protéger. Il tentait de lui expliquer en long et en large qu'il n'avait pas besoin de faire des études, qu'il était en âge de travailler et de l'aider financièrement. Malheureusement, elle ne l'entendait pas de cette oreille et Esteban dû se contraindre à quitter le sol colombien à l'âge de quinze ans.
C'est donc en 2014 qu'Esteban foula pour la première fois des pieds le sol américain. âgé de seulement quinze ans, il venait d'arriver à Los Angeles, en Californie, par le biais de passeurs, fruits des maigres économies de sa mère, après être passé par El Paso. C'est donc dans l'illégalité qu'il arriva dans cette ville, là où la population latine, fortement présente, lui permis de ne pas perdre tous ses repères. Seulement, son statut de mineur fit qu'il fut pris en charge par la protection de l'enfance. Après seulement quelques jours d'errance dans les rues de Los Angeles, il fut placé dans un foyer. Là-bas, Esteban put apprendre l'anglais dont il n'avait seulement que quelques bases. Il put également reprendre ses études. Cependant, avant de reprendre son cursus scolaire, il devait avant tout avoir assimilé cette nouvelle langue. Il intégra donc une école de langues anglaises.
L'adolescence et le désir de savoir d'où l'on vient. Pendant longtemps, Esteban s'était demandé qui était son père. Si sa mère avait tenu à garder le secret là-dessus, quand elle estima qu'il était en âge de comprendre, elle lui avoua son identité. Il s'agissait d'un russe, dont le nom de famille ne lui était plus inconnu. Il s'en contenta longtemps, avant de souhaiter en savoir plus. C'est dans ce foyer, qu'il put commencer à faire des recherches sur cet homme. Des recherches laborieuses qui finirent cependant par porter leurs fruits. Il ne savait pas vraiment ce qu'il souhaitait faire de ces informations, seulement, une nouvelle lui tomba sur le coin du nez. Cet homme avait déjà un fils, de quatre ans son aîné. Par curiosité, il fit des recherches sur ce "demi-frère" qu'il ne connaissait pas. Et c'est à sa grande surprise qu'il découvrit que ce dernier s'était installé quelques années plus tôt à New York, après avoir quitté la Russie. Esteban pesa longtemps le pour et le contre. Devait-il rester à Los Angeles ? Prendre la route pour New York et tenter de rencontrer ce frère ? Pendant près d'un an il hésita, avant de prendre sa décision. Quitte à être seul et sans attache, autant aller voir à quoi ressemble la Grosse Pomme.
Esteban débarqua à New York dans le but d'y continuer ses études. Une requête que la Protection de l'Enfance avait accepté, à son plus grand étonnement. Il savait qu'il avait la chance d'être pris en charge jusqu'à la majorité des États-Unis, à savoir vingt-et-un ans. Il avait donc encore un peu de temps devant lui. Il continua parallèlement à faire des recherches sur ce fameux demi-frère et très rapidement, il eut l'occasion de le rencontrer... de loin. S'il était décidé à créer le contact avec lui, il venait de le croiser à plusieurs mètres de lui, avec cette jeune femme, blonde. Visiblement sa petite amie. Il avait l'air heureux et très vite, le jeune colombien abandonna l'idée d’atterrir dans sa vie comme un véritable boulet de canon et risquer de lui attirer des problèmes. Après une longue hésitation, il fit volte-face et tenta d'oublier ce frère qu'il ne connaîtrait certainement jamais. A quoi bon de toute façon ? Ils avaient définitivement des vies bien différentes.
Esteban rêve de devenir journaliste, mais ne peut pas encore se le permettre. Il n'a personne sur qui se retourner donc il décide d'enchaîner les petits boulots et mettre de l'argent de côté, tout en poursuivant ses études. Seulement, à ce rythme, il craint de ne jamais pouvoir s'en sortir. Il se fait trop peu d'économies. Presque toutes ses payes passent dans son loyer. Il n'a plus le choix. Il décide donc de se tourner vers l'argent facile et rapide. A seulement vingt-et-un ans, alors qu'il mettait un point d'honneur à ne pas tomber là-dedans, il se lance dans le trafic de drogue en tant que dealer, tout en prenant soin de rester assez loin des embrouilles.
Après trois ans à trimer, Esteban a mis suffisamment d'argent de côté pour entrer à l'université de Harvard, qu'il convoite depuis toujours, et ainsi commencer son cursus de journalisme. Cependant, il ne peut pas se permettre de cesser de travailler à côté. Cela lui donne l'opportunité de pouvoir vivre tout en se donnant la chance de s'en sortir, grâce à ses études. On lui attribue d'ailleurs une bourse ainsi qu'un studio dans la cité universitaire. Malgré la fatigue, Esteban se montre très assidu et sérieux en cours. Il donne tout ce qu'il a pour que le rêve de sa mère se réalise le concernant.
Aujourd'hui, Esteban est en première année de Journalisme à l'université de Harvard. Parallèlement, il travaille en tant que serveur dans un bar de la ville. Et, comme il l'avait prédit, la différence de classes sociales entre les autres étudiants et lui est nettement marquée, ce qui rajoute toujours un peu plus de difficultés.