Putain… À quoi ressemblait ma vie depuis que Katalia n’en faisait plus réellement partie ? La question cognait un instant dans ma tête tandis que la réponse ne tardait pas à venir s’imposer. C’était un désastre. Un putain de désastre ouais. J’avais l’impression que plus je m’étais éloigné de la belle Italienne, plus j’avais glissé au sein d’un enfer dont je n’étais toujours pas sorti. Un gouffre qui ne me laissait guère indemne et dont la souffrance ne cessait de me bouffer violemment jour après jour. Je n’aurais jamais dû prendre mes distances avec la demoiselle qui aurait eu les capacités de me sauver. Je n’aurais jamais dû l’abandonner tout comme je n’aurais jamais dû abandonner Milo à cette période de ma vie. J’avais cru bien faire. Je m’étais lourdement trompé. Je m’étais simplement condamné un peu plus. Je les avais simplement blessés si fort. Katalia et Milo auraient sans doute pu me sauver de toute cette vie infernale, de toute cette maladie oppressante. Ils auraient pu me sauver et me tirer loin de cet enfer si dévastateur. Si j’avais osé ouvrir la bouche afin de confier les coups quotidiens de mon père, je savais que la mère de Milo aurait accepté de m’accueillir chez elle et qu’elle aurait tenté de faire au mieux afin que mon père ne puisse plus me faire de mal. Je le savais. Tout comme je savais que, si seulement j’avais trouvé ce refuge, j’aurais eu le courage de parler. J’aurais eu le courage de dire que mon père avait tué ma mère et il serait en train de croupir en prison. Mais, putain, je n’avais rien fait de tout ça. Je n’avais pas ouvert la bouche préférant protéger Milo de toute cette déferlante de violence et de haine qui vivaient en mon père. Il avait déjà subi tellement de harcèlement. Je voulais être la lumière dans sa vie. Je ne voulais pas apporter d’ombre. Non. Jamais. Juste de la lumière salvatrice. Alors, j’avais préféré me taire. J’avais préféré plonger dans une autre famille en me liant d’amitié avec cette bande de garçon de la mafia. Et, petit à petit, j’avais préféré m’éloigner jusqu’à disparaître complètement. Je l’avais fait avec Milo. Je l’avais fait avec Katalia. Mais, est-ce que j’aurais dû parler de toutes ces histoires à la belle Italienne ? Est-ce que les parents de Kat’ auraient accepté de me cacher chez eux ? Est-ce qu’ils auraient accepté de me laisser les rejoindre loin de chez moi, loin de cet enfer ? Une partie de mon être hurlait que ouais, ils l’auraient fait. Ils m’auraient sauvé. Si j’avais confié à Katalia que mon père me battait tous les jours et que j’avais réellement peur pour ma vie, tout aurait pu être différent. Si j’avais couché sur le papier que la mafia m’avait approché et que j’étais prêt à accepter d’y plonger, peut-être qu’on m’en aurait empêché et que tout aurait changé. Cependant, je n’avais rien dit. Je n’avais rien écrit. Je n’avais pas osé agir à l’encontre de ce destin qui semblait tracé. Je n’avais pas ouvert la bouche. Katalia était mon ange. Elle était ma petite sœur même si nous n’avions aucun lien familial réel. Elle était la personne dont je devais prendre le plus soin parce qu’elle m’était tellement importante. Ce n’était pas l’inverse qui devait se passer. Ce n’était pas à elle de veiller sur moi. Ce n’était pas l’inverse que je devais rechercher. Pendant des années, j’avais plongé dans ce rôle acceptant d’être là pour la demoiselle sans rien attendre en retour. Pendant des années, je balayais tous mes soucis prétendant que ma vie était toujours aussi parfaite parce que c’était moi le grand frère. C’était moi qui devait être là pour elle. Et je l’étais. Je répondais présent à chaque fois qu’elle avait besoin ou que quelque chose semblait clocher. Je répondais présent parce qu’elle était le trésor le plus précieux de toute ma vie. Je l’écoutais. Je la protégeais comme je le pouvais à de nombreux kilomètres et je la conseillais. Ça avait duré jusqu’à la mafia parce que dès cet instant, je m’étais mis à vouloir la protéger encore plus d’une menace qu’elle ne connaissait pas. Merde, en un rien de temps, les membres de la mafia auraient pu découvrir ma relation avec Katalia. En un rien de temps, ils auraient su qu’ils avaient alors le pouvoir de me faire plier à n’importe quoi parce que, merde, j’étais prêt à tout pour Katalia. TOUT. Sans la moindre hésitation. Sans la moindre réflexion. Et, damn, ils m’utilisaient déjà tellement que je ne voulais pas leur offrir un moyen de pression qui m’aurait poussé à me soumettre encore plus. Aussi, je m’étais éloigné. Et, après le meurtre commis, je m’étais effacé totalement. J’étais devenu un meurtrier et je ne voulais pas être un tel être dans la vie de Katalia. Je n’étais plus cet adolescent protecteur qu’elle avait pu connaître. Ok, Kat’ savait que j’étais violent et que je m’emportais très rapidement. J’avais le sang chaud des Italiens dans mes veines et elle savait que je pouvais cogner très vite. Mais, de là à commettre un meurtre… Prémédité en plus… Non, je n’aurais jamais pu lui dire. Je ne savais même pas si je pourrais lui dire un jour. Quoiqu’il en soit, j’avais choisi de ne pas retourner vers elle comme si de rien n’était. Je n’étais plus le même. J’avais besoin de temps. J’avais besoin de stabilité. Et, lorsque j’avais fini par accepter mon acte, lorsque j’avais fini par être sûr qu’on ne me retrouverais pas, je m’étais pointé dans la vie de Kat’ comme une fleur. Elle me manquait tellement. Même si je n’avais plus donné signe de vie, je veillais sur elle au loin. Tellement loin. Dans le silence. Dans le secret. Et ce retour avait donné lieu à une relation tumultueuse entre douleur et curiosité. Depuis la rentrée, les choses s’arrangeaient lentement entre la jeune fille et moi. Mais, nous étions encore loin de notre relation passée. Et, pourtant, malgré notre situation actuelle, malgré tout cet éloignement qui cognait entre nous, malgré toutes mes conneries sans doute guère pardonnées, la jolie Italienne s’était précipitée à l’hôpital après l’accident de métro. Elle se précipitait dans ma chambre parce que, damn, cela ne faisait quelques minutes qu’on s’était occupé de moi non ? J’avais l’impression que cela ne faisait que quelques heures à peine que l’incident avait eu lieu ou peut-être que j’avais juste perdu la notion du temps. Kat’ était déjà là en tout cas. Dans ma chambre. À mes côtés. Elle était là comme si j’étais encore une personne essentielle à sa vie et le penser me faisait tellement de bien. Je voulais tant croire qu’il s’agissait de la vérité quand bien même c’était assez fou. Katalia était là. À mes côtés. Et je ne savais pas comment gérer tout cela. Aux dernières nouvelles, la belle Italienne semblait vouloir garder une distance entre nous. Elle était toujours en colère contre moi et l’abandon que j’avais commis. C’était compréhensible. Mais, sa présence dans ma chambre aujourd’hui me poussait à douter. Qu’est-ce que j’étais censé faire à présent ? La fatigue m’empêchait d’accéder à un raisonnement qui m’aurait peut-être permis d’y voir plus clair. La douleur m’empêchait de réfléchir fortement au point de savoir comment agir face à mon ange. À cet instant, je voulais juste lâcher prise pour une fois. Je désirais abaisser tous les boucliers que j’avais pu dresser entre Kat’ et moi depuis des années. J’avais envie d’envoyer valser le moindre de ces murs protégeant mes secrets. Je désirais lancer un pont qui me permettrait de la retrouver alors que je voulais simplement être Teodoro. Son Teo. Celui d’Italie. Celui d’avant l’enfer. Mes prunelles sombres se posaient sur le visage strié de larmes de Kat’ et je me sentais tellement responsable de cette inquiétude. Je me sentais tellement coupable de cette panique qui avait sans doute pulsé dans les veines de la brune. Lorsqu’elle essuyait enfin ses larmes à ma demande, je murmurais un compliment. Un compliment qui la poussait à me dire que je n’avais pas le droit de lui dire ça. Ce n’était pas froid comme je le pensais. Non, ça sonnait empli de tristesse et c’est sans doute cette tristesse qui me poussa à répliquer du tac au tac.
T’sais que j’continuerai à le dire hein…
Un léger rire passait la barrière de mes lèvres tandis que cette remarque venait de les quitter. Cependant, il se tarissait bien vite parce que ça faisait trop mal de rire. Cela me semblait trop difficile à faire. J’avais eu besoin de lancer cette remarque soudaine et de laisser ce rire glisser entre mes lèvres comme pour tenter de détendre une atmosphère qui me bouffait. C’était comme pour tenter d’apaiser cette situation un peu trop pesante qui pulsait entre nous. Je sentais cette oppression beaucoup trop puissante quelque part entre mon ange et moi dans cette chambre si blanche. Même si Katalia était là emplie d’inquiétude, le passé ne pouvait pas s’effacer en un claquement de doigt. Ce n’était pas un accident de métro qui pouvait tout balayer au loin. Nous n’allions pas pouvoir faire comme si rien de tout ça avait existé. Non. Je le savais. Je le ressentais. Néanmoins, en cet instant, je ne voulais plus avoir mal. Je ne voulais plus de ce stress continuel. Je ne voulais plus me soucier du passé pour le moment. Aussi, je préférais balancer cette remarque tellement vrai. Même si la brune me soufflait que je n’avais pas le droit de lui dire qu’elle était belle, je continuerai de le dire. Encore et encore. Toujours. Parce que c’était vrai… Katalia était la plus belle femme du monde à mes yeux… Après ma mère bien sûr. Cette pensée attirait un sourire sur mon visage alors que mes prunelles se fermaient lentement sous la fatigue trop présente. J’avais l’impression de ne pas avoir dormi depuis des jours. Je voulais tellement dormir. J’avais tant besoin de repos. Cependant, dès que mes yeux se fermaient, les images du métro remontaient et putain je savais qu’elles ne me lâcheraient pas. Elles ne me lâcheraient plus jamais sans doute. Et, dans toute ces images d’horreur et de désespoir, le visage de Lukas se dessinait. La panique montait en flèche. Lukas n’était pas avec moi. Je ne savais pas où il se trouvait. Je ne savais pas dans quel état il était. Sa main avait lâché la mienne plus tôt et, damn, j’ignorais si quelqu’un s’occupait bien de lui actuellement. Il le fallait. C’était essentiel. Je me redressais vivement dans le lit désireux de retrouver ce garçon pour qui mon cœur pulsait tellement. Je babillais mon besoin et, putain, qu’est-ce que Katalia allait penser de tout cela ? Allait-elle croire que j’étais en couple avec Lukas ? Sans doute ouais… Cela y ressemblait tellement. Dans le fond, cela ne me dérangeait même pas qu’on me croit en couple avec le sexy musicien. Néanmoins, la situation n’était pas aussi aisée. Rien n’était aussi simple dans mon cas amoureux. Enfin, la question n’était pas sur le tapis. Non, le plus important était Lukas et son état. Katalia sortait de la chambre pour vérifier et elle revenait m’apporter ces informations qui me rassuraient sans pour autant éteindre totalement ma panique. Mon ange me promettait qu’elle irait le voir et je voyais bien qu’elle ferait passer le message que je lui demandais de transmettre. Pourtant, je me sentais toujours aussi mal. Je me sentirais toujours aussi mal jusqu’à ce que je puisse le toucher sans doute. Je sursautais sous le bruit du fauteuil que Katalia rapprochait pour s’installer à mes côtés. Voilà qu’elle se mettait à m’interroger sur ce qui s’était passé. Et, presque comme un automate, les mots glissaient entre mes lèvres. Compliqués. Hésitants. Flous. J’étais tellement perdu dans toute cette histoire. La fatigue ne m’aidait pas à y voir plus clair. La douleur m’obnubilait tellement que je n’arrivais plus à démêler le vrai du faux. Pourtant, je lui répondais avec autant de détails que je pouvais. J’acceptais de replongeais dans mes souvenirs. Une fois. Une seule fois. Je savais déjà que je risquais de ne plus reparler de cet accident après aujourd’hui… Enfin, non, ce n’était pas tout à fait vrai. Je savais que j’en parlerai à Nixon parce qu’il était trop important dans mon existence et qu’il devait savoir ce qu’il en était. Il devait être en mesure de m’aider à encaisser les cauchemars et les crises de panique parce qu’il avait une magie rien qu’à lui qui pourrait m’aider. Nixon entendrait l’histoire aussi. Mais, ce serait tout. Il n’y aurait personne d’autre qui m’entendrait conter cette horreur qui me happait si violemment. Cette horreur dans laquelle j’aurai pu sombrer profondément si la main de Kat’ ne serrait pas la mienne. Je serrais la sienne en retour afin de me concentrer sur la réalité qu’elle m’offrait. Une réalité plus concrète que les souvenirs si bancals de ma tête. Une réalité qui m’empêchait de me retrouver coincé dans le métro avec ce morceau de verre dans la jambe, avec mon Lukas qui sombrais. Finalement, j’arrivais au bout de cette histoire d’horreur et je ne fermais pas ma bouche. Non, je continuais de babiller pour lui confier toutes ces choses enfouies à l’intérieur de mon être. Ces choses que j’aurais aimé lui dire dans un autre contexte. Une soirée en tête à tête avec un plat Italien devant nous. Une soirée en tête à tête où j’aurais pu tout lui dire. Cependant, je ne savais pas attendre. Je ne pouvais pas me retenir. Pas aujourd’hui. Je lui présentais ces excuses qui auraient dû sortir depuis si longtemps. Je laissais entendre cette culpabilité et cet amour si fort que je lui portais. Je lui laissais savoir que je n’avais jamais voulu la blesser comme ça, que je ne comptais plus le faire. Bien trop vite, Kat’ gagnait la partie avec une question douloureuse. Qu’est-ce qui lui disait que je n’allais pas la laisser encore une fois du jour au lendemain ? Je baissais la tête comme un gamin coupable et je lui demandais de venir s’asseoir à mes côtés sur ce lit. Je ne voulais plus de ce fossé. Je la voulais à mes côtés. Me redressant en me mordant la lèvre sous la douleur qui cognait, je finissais par venir déposer mes mains sur ses joues. Et, mes yeux plantés dans les siens, je soufflais tout ce qui me passait par la tête. Je confiais toutes ces choses si importantes pour moi. Mes sentiments. Mes engagements. Et, bien trop vite, la belle Italienne rétorquait me disant de ne pas lui faire de promesses que je ne pourrais pas tenir. Je baissais les yeux de nouveau trop touché. Ma lèvre tremblait. Mon cœur loupait des battements. Ma respiration s’accélérait. La douleur cognait. Elle doutait tellement de moi… Mais, c’était normal n’est-ce pas ? Et je le méritais tellement. Ma langue glissa sur mes lèvres et je prenais sur moi. Je reprenais le dessus sur toute cette panique venant lui confier « J’compte bien tenir ces promesses Kat’… Je… J’veux pas continuer ma vie sans toi mon ange… Je… J’veux rester à tes côtés… Pour toujours… » C’était fort. C’était puissant. Et putain ce n’était pas un engagement à la va-vite. Non. C’était un engagement tellement important. C’était un engagement que je me sentais prêt à honorer. J’aurais aimé avoir quelque chose sous la main pour m’y engager encore plus fortement. Un bijou, une arme… J’aurais aimé me faire une cicatrice sur la peau pour lui montrer que je ne plaisantais pas, que je m’engageais vraiment. Mais, je n’avais rien de tout ça. Alors, je me contentais de me redresser pour déposer un baiser sur son front. Un baiser comme pour sceller mes promesses. Un baiser comme pour sceller cet engagement à vie. Et ça me demandait tellement d’efforts que je me laissais retomber sur le lit en fermant les yeux un instant. La pièce s’était mise à tourner tellement vite. Il me fallait un peu de temps. Il me fallait un peu de stabilité. Kat’ se mettait à gigoter sur le lit et j’attrapais sa main pour la pousser à se calmer et à cesser de s’inquiéter pour moi. Mon intervention fonctionnait et je finissais par rouvrir les yeux pour lui souffler un je t’aime tellement sincère. Le plus sincère qui pourrait glisser entre mes lèvres. Le plus vrai. Le plus certain. Et, le soulagement me percutait lorsqu’elle ouvrait la bouche pour me dire qu’elle m’aimait aussi. Il y avait ce Teo qui glissait entre ses lèvres et qui me faisait frissonner. Je n’étais plus habitué à ce prénom, à ce surnom. Seul Milo l’avait utilisé ces derniers mois. Et là, Kat’ le soufflait faisant battre mon cœur plus vite. Avec ce surnom, c’était presque comme si quelque chose me criait qu’elle ne sortirait pas de ma vie. Qu’elle ne sortirait plus jamais de vie. Elle rajoutait ce talmente qui me faisait sourire et qui poussait à serrer sa main un peu plus fort alors que je finissais par babiller « J’suis content qu’tu sois là Kat’… Et il… Il faudra qu’on parle… Que je t’explique… Tout… Mais pas aujourd’hui steuplait… J’peux pas… » Elle avait su attendre des années, elle pouvait bien attendre quelques mois que je me remette de cet accident. Il me fallait juste un peu plus de temps. Mais, bientôt, très bientôt, je comptais tout expliquer à la demoiselle. Je comptais tout lui avouer. Je comptais enfin lui offrir les réponses qu’elle me quémandait depuis des années. J’étais prêt à le faire. Je le voulais tellement. Mais, pas là. Pas tout de suite. Je voulais être en pleine possession de toutes mes capacités de réflexion. Je désirais pouvoir tenir le discours et j’étais certain que la brune le comprendrait et l’accepterait. Quelques semaines encore… Quelques mois peut-être… Et elle saurait tout. Mais, pour le moment, me décalant un peu dans le lit pour lui faire une place à mes côtés, je lui demandais suppliant.
T’veux bien t’allonger avec moi ? Suis fatigué… Mais j’veux que tu restes… S’il te plaît…
@Katalia Borgia