un jour, une histoire
some dreams are made of this
Gamine née dans une famille aimante, tu étais attendue impatiemment. Choyée, protégée, adorée. Tu avais de parfaites petites boucles blondes, tu avais un grand sourire rayonnant et tu attirais les regards. Belle petite fille, sage et intelligente, un véritable petit ange. Tu as vécu dans un quartier résidentiel de San Diego presque toute ta vie, entourée des vautours.
Tes parents étaient très confortables financièrement et avaient pu se permettre cette maison, bien plus petite que les autres. Dans ces autres demeures, vivaient parmi les plus grands de Californie. Plus tard tes bourreaux, tes cauchemars, tes plus grandes peurs. Mais quand tu étais petite, ils étaient les hommes en costard cravate te souriant quand tu faisais du vélo, ceux te laissant jouer avec leurs enfants. L’un de ces enfants était ton meilleur ami. Nolan. Une âme-sœur comme on en croise qu’une fois dans une vie. Vous vous comprenez mieux que quiconque dès petits, vous êtes fourrés ensemble à presque chaque heure de chaque jour. L’amitié profonde, se transforme en amour. Mais toi tu es trop timide et lui ne voit pas les signes pour faire le premier pas. Amour innocent, d’enfance mais si profond, si réelle. Amour jamais consommé malgré tout ce qu’il t’a apporté. Nolan, il t’a fait découvrir ta plus grande passion. La danse.
Tu bouges au rythme des chansons passant à la radio et à la télévision. Tu fais partie de la petite troupe de danse de ton école avant qu’on ne perçoive ton talent. Nolan, le premier à te le faire remarquer de la façon la plus infantile du monde. « Tu danses bien ! » C’est simple pour l’enfant que tu es mais ça suffit amplement. Tu en parles à tes parents et rapidement te voilà à danser chaque soir après l’école. Tu ne perds pas de temps avant d’intégrer l’équipe allant en compétition. Tu as huit ans mais tu es une gamine prometteuse, talentueuse. Tu donnes ton âme, tes tripes et ton cœur en entier, tu n’en gardes pas une miette pour toi. Tu vis, tu respires pour comme si c’était une renaissance à chaque fois. Tu gagnes des prix, tu t’assures un avenir. Tes parents, tes amis et Nolan sont à côtés. Et un homme. Un. Le filet est jeté et tu viens de te faire attraper.
some of them want to use you
Ton adolescence est particulièrement calme. Tu ne fais pas de grandes bêtises, le couple de tes parents va bien et ils s’occupent de toi à merveille. Tu ne bois pas, tu ne te drogues pas et tu ne couches pas. Ton palpitant est troublée par Nolan, ton meilleur ami. L’amour enfantin ne s’est pas dissipé, il ne s’est que renforcé. Tu ressens de profonds sentiments pour lui, du désir. Mais jamais tu ne sautes le pas, persuadée que vous détruirez votre amitié. Alors tout l’amour que tu éprouves pour lui, tu le donnes à ta plus grande passion. La danse. Tu te fais aisément remarquer par différentes écoles, différentes troupes. Ils veulent ton attention, ton talent. Et toi, ça te plait d’être si demandée alors tu en joues, tu veux la meilleure option. Il était clair pour toi que tu voulais faire une école de danse ou au moins prendre une année sabbatique pour être dans un troupe à l’année. Tu ne savais pas encore si tu pouvais te permettre de faire la danse, ta vie. Tu étais également fortement attirée par le domaine de l’astronomie et l’astrophysique et ça pouvait t’ouvrir bien plus de portes sur le long terme. Même si la danse était ce pour quoi tu vibrais. Tu pouvais compter sur le soutien de ta famille, de tes amis notamment Nolan. Mais aussi celle de son père, homme puissant pouvant ouvrir n’importe quelle porte.
Tu étais déjà adorée et tu avais sûrement une troupe assurée après le lycée. Mais l’université, les opportunités plus terre à terre, tu n’en avais aucune. Tu brillais par tes notes certes, tu étais bourrée de talent mais d’autres talents étaient privilégiés. La danse, tu pouvais en faire dans des hautes écoles, tu serais sûrement prise. On préférait miser sur les gosses qui avaient un avenir moins tracé mais tout aussi brillant que le tien. Et le père de Nolan, il est là pour te tendre la main. Te proposer des stages avant même d’envoyer des lettres aux différentes universités que tu vises. Tu es séduite, reconnaissante. Il te propose de boire un verre avec lui pour en parler plus en profondeur. Tu ne perçois pas la subtilité de son phrasé mais refuses. Même si ça ne sera pas éternel, tu avais échappé une première fois au piège. Mais le filet te gardait à proximité, la prise s’était resserrée.
some of them want to abuse you...
Acclamée, adorée et les opportunités tombent comme la pluie. Tu reviens même un prix en tant que meneuse de la troupe de danse. Après le lycée, tu avais finalement pris deux années sabbatiques. Enorme mais c’était ta chance. Cette troupe que tu avais rejoint avait déjà fait parler d’elle, le chorégraphe était ami avec celle qui tenait le conservatoire où tu t’exerçais. Durant l’été tu étais passée à danseuse professionnelle et tu voulais à tout prix tirer ton épingle du jeu avec tous les styles que tu maîtrisais. Notamment la danse classique, le ballet que tu retransmettais dans de la danse contemporaine. Et cette troupe t’avait offert ton rêve sur un plateau d’argent. Pendant un an tu danses à leur côté avant qu’on ne te nomme danseuse principale, la tête d’affiche. C’est là que tu ouvres une chaine youtube. Tu es simple, talentueuse, belle et les gens t’adorent. Ta côte est clairement à la hausse avec tes vidéos de danse ou simplement révélant ta personnalité. Tu es aimée et tu es active sur les réseaux sociaux, tu partages ton amour. On te remarque, on te propose des écoles. Mais toi après avoir fait le tour du pays, tu as besoin d’y réfléchir à tête reposée auprès de ceux que tu aimes. Alors après le dernier spectacle de ta troupe qui se passera à Los Angeles, tu avais décidé de retourner à San Diego pour retrouver tes proches et en parler avec eux, prendre une pause de ta popularité sur Internet.
Le dernier spectacle n’est pas différent des autres. Autant de personnes importantes venues se faire une propre opinion de vos performances. Alors tu fais ce que tu as toujours fait. Tu donnes tout, plus que ce dont tu es capable. Ton cœur y passe en entier, les différents pas dévorent ton âme et tes mouvements prennent leur vivacité de tout ce que tu as dans les tripes. Les applaudissements dont tu es si habituée mais dont tu ne te lasses jamais. Tu souris grandement, salues le public et retournes en coulisse pour rentrer à la maison. Enfin après deux ans.
La surprise est grande quand tu vois le père de Nolan se tenir là, face à ta loge. Il te sourit, te félicite grandement et toi tu l’accueilles avec joie. Mais où est Nolan ? Deux ans que tu ne l’as pas vu et même si les appels et les visios étaient là, ça ne remplaçait pas le contact de ton meilleur ami. Mais selon son père c’est une surprise. Il est là pour t’amener à San Diego afin de surprendre son fils et que tu retrouves tes parents. Le père de Nolan a toujours été très bon avec ce dernier alors tu hoches la tête, toute excitée. Tu es heureuse d’être le cadeau de celui qui compte le plus dans ton cœur, celui pour qui les sentiments ne sont jamais partis même en deux ans, même en les utilisant pour user le parquet devant des centaines de personnes chaque soir.
Tu fourres tes habits civils dans ton sac. Tu es bien trop impatiente alors tu quittes la salle de spectacle avec ta tenue de danse, ton maquillage. Tu dis au revoir à ta troupe avec grand amour et les quittes pour retrouver les ténèbres.
Avant de partir pour San Diego, le quarantenaire déclare qu’il aimerait se rafraîchir et propose de boire un verre. Comme il y a quelques années. Mais cette fois, tu acceptes. Il prépare une surprise pour son fils, est venu assister à ton spectacle alors tu lui dois bien cela. Même tes parents n’étaient pas venus mais tu ne leur en voulais aucunement, ils avaient assisté à tout ce qu’ils pouvaient payer.
Vous entrez dans ce bar et vous installez dans un coin intimiste. Tu es étonnée mais ne dis rien de plus et commandes toi-même un verre. Sans alcool bien évidemment. Vous discutez, vous riez et parlez de Nolan. Il te demande que feras-tu des opportunités dont il t’a parlé. Mais toi, tu as choisi la danse. Du moins tu penses. Cela avait été les deux années les plus belles de ta vie après tout… mais le doute restait quelque peu persistant. Et le père de Nolan semblait penser que l’université restait un choix inévitable. Surtout que tu avais aussi comme rêve -certes bien moins conséquent- de te spécialiser en astrologie et astrophysique. Mais tu n’avais pas le temps de répondre qu’un groupe d’hommes entrèrent. Propres sur eux, costards et parfum de luxe que tu pouvais sentir d’ici. Ils se dirigent directement en direction de votre table et tu te sens mal à l’aise. Mais tu souris, tu es polie. Ils s’installent, font comme si cette rencontre était un pur hasard. Tu sens le mensonge dégouliner hors de leur bouche pour dégueulasser l’ambiance de la table. Tu as soudainement envie de partir alors tu baisses les yeux, détournes ton attention quelques secondes pour envoyer un message au père de Nolan. « J’aimerai partir si ça ne te dérange pas. Je suis assez gênée. »
Tu remets un sourire sur ton visage, sirotes ton verre pour éviter de discuter. Ton portable vibre. Le père de Nolan te promet de terminer cette conversation d’ici quelques minutes. Tu es soulagée et le remercies par un nouveau message. Quand tu tournes la tête tout devient flou.
Trou noir.
Tu te réveilles à l’aube. Et tu es là devant ta maison à San Diego. Tu te sens étourdie, tu as envie de vomir, de pleurer. Et tu as mal, tu trembles. Ta tenue de spectacle est déchirée, tu as froid malgré la température de San Diego. Tu essayes de te relever mais tu tombes plusieurs fois, tu as trop mal. Tu éclates en sanglots et tu ne sais même pas pourquoi. Tu sens ton cœur complètement détruit à l’intérieur, tu le sens en morceaux. Ton esprit est trop flou, tu ne penses pas clairement. Tu penses seulement à rentrer chez toi, te réfugier dans ton lit. Tu seras en sécurité là. Tu rampes presque mais tu te retrouves à ouvrir la porte avec la clé dans ton manteau. Tu trébuches, tu te traines dans les escaliers et arrives dans ta chambre d’enfant. Tes parents dorment encore. Tu tombes dans ton lit et alors que tu allais sombrer, tu constates que tu es blessée. Blessée de la pire des manières. Tu sanglotes dans ton oreiller. Tu ne te souviens de rien mais tu sais au fond de toi ce qui est en train de se passer. Tu pleures comme une petite fille. Le reste est flou. Tu sais que tu as fini par te lever malgré la douleur pour te doucher. La plus longue douche de ta vie, ce qui a réveillé tes parents. Tu t’habilles et quittes ta maison. Tu ignores ton père, ta mère. Tu fonces directement dans la maison que tu cherches. Tu te souviens bien l’avoir vu dans ta loge la veille. Tu sais qu’il a un lien avec ça, tu le sais.
Il t’ouvre la porte, tu t’engouffres à l’intérieur et fonces dans son bureau. Agressée, plaquée au mur et brutalisée. Il te souffle qu’il ne reste plus aucune preuve, plus rien. Et que de toute manière, ils sont trop plus riches que ta famille, que toi la gamine qui parait si sage. Tu te fais insulter, jeter dans le bureau et il semble si calme. Toi pour la première fois de ta vie tu perds ton sang-froid. Tu te sens humiliée, utilisée, abusée. T’as envie de tout détruire, de mettre le feu à cette maison pour la mettre en cendres. Car c’est tout ce qui reste de toi, des cendres qui s’envoleront au loin et après quoi ? Le néant, le vide ? Plus rien comme ça ? D’un coup soudainement ? Il sort un chèque et tu n’as qu’une envie : vomir. Mais il t’a persuadé également que tu ne saurais rien contre lui, contre eux. Des hommes d’affaires, des hommes politiques. Ils ont été plusieurs à t’avoir fait subir cette atrocité. Et qui étais-tu ? Elle Blossom, simple fille de San Diego qui a gagné un prix pour ses talents en danse. Pas particulièrement d’argent à mettre dans un dossier comme celui-ci. Tu n’as aucune chance. Tu le vois écrire un gros chiffre sur le papier et te le tendre. Avec cette phrase que tu n’oublieras jamais.
« Refais ta vie ailleurs Elle, sois heureuse. Si tu as toujours besoin d’un stage appelles-moi. » Comme si rien n’était, comme rien ne s’était jamais passé, comme s’il ne t’avait au fond jamais touché. Tu bégaies, tu pleures silencieusement. Tu demandes « Et les autres ? » mais l’homme soupire. « Les autres ? Il ne vaut mieux pas les mêler à ça. Restes dans ton coin et ne les déranges jamais. Jamais. » Menace déguisée ou avertissement tu ne sais pas. Tu ne sais plus rien. Tu attrapes violemment le morceau de papier immonde qu’il te tend et ne peut résister à lui coller une gifle avant de quitter son bureau. Pour te retrouver nez à nez avec Nolan. Mais tu n’as pas le courage de lui parler, de l’affronter, de le regarder après ce que son père t’a fait. Dans les yeux de Nolan tu le vois lui, tu les vois tous. Tu t’écroules dans ses bras, tu pleures, tu sanglotes. Tu cries à l’aide mais tu sais que tout doit mourir entre vous. Même tes sentiments. Alors tu le pousses, l’ordonnes de ne plus jamais te parler en pleurant et quittes tout. Tu fais ta valise chez tes parents, ne donnant aucune raison à ton départ mais promettant de leur envoyer des lettres et de les appeler. Tu prends l’avion le soir-même, annonces ton nouveau départ au travers d’une courte vidéo filmée sur ton téléphone, pas montée et balancée sur ta plateforme. C’est comme ça que tes proches apprennent ton départ, que tes bourreaux savent où tu te trouves. De la pire des manières, de la manière la plus lâche. Tu pars et tu ne te retournes pas.
Destination au hasard : Boston.