HAZEL L. LODGES ► emma stone

T’as grandi dans une famille aimante, une famille présente. Tu as vu le jour quelques minutes seulement après ton frère. Des faux jumeaux, voila ce que vous êtes ; si proches, si complémentaires tout le long de votre enfance. Vous jouiez toujours ensemble, à deux. Toi tu voulais jouer à la poupée, lui aux voitures mais vous finissiez toujours par trouver un compromis pour jouer ensemble, parce que c’était toujours plus drôle que de jouer seul, dans son coin. Et puis t’étais bien trop curieuse pour toujours chercher à savoir ce qu’il faisait. Tu voulais faire pareil, tu voulais qu’il fasse ses trucs avec toi. C’est fait pour ça, les frères non ?

A l’âge de trois ans, tes parents vous offrent une petite sœur. C’était un peu comme ça que tu le voyais, toi. Un nouveau jouet, un joli cadeau. Tu vas pouvoir jouer à la poupée avec, tu vas pouvoir veiller sur elle, même si toi-même t’es encore petite. En grandissant, t’apprends avec ta maman à y faire attention. Elle t’explique que Peyton n’est pas un jouet, que tu dois être douce et gentille avec elle, et que tu dois la protéger et lui donner plein d’amour. C’est ce que tu fais, alertée à chaque fois que ta petite sœur pousse des cris, des pleurs. C’était chouette d’avoir une petite sœur, mais ça ne t’empêchait pas de continuer à rester collée à ton frère.



T’es âgée de cinq ans lorsque ta deuxième petite sœur voit le jour. T’es un peu plus grande, cette fois. Tu peux promettre de la protéger, et y veiller dur comme fer. Tu peux la prendre dans tes bras, tu peux la bercer sous le regard bienveillant et attendrit de tes parents. A la maison, tu dis déjà à tout le monde que plus tard tu seras un grand docteur, que tu soigneras les gens, que tu répareras les cœurs. T’avais encore rien compris à l’amour, mais t’étais naïve et persuadée qu’avoir le cœur brisé n’était pas qu’une simple métaphore. Imagine le jour où tu as compris la vérité… T’y croyais vraiment. Vraiment, vraiment. Ca ne t’a pas empêcher de le devenir au final, mais tu abordes la choses différemment. Tu voulais toujours jouer au docteur, tu voulais toujours soigner tes frères et sœurs alors que ton jumeau, lui, voulait jouer à la guerre. Alors oui, peut-être mais toi tu voulais être un docteur de guerre. T’étais déjà déterminée, tu savais ce que tu voulais, tu fonçais déjà tête baissée.

En grandissant, t’es devenue le genre de fille à aimer aller à l’école, sans jamais perdre de vue son avenir. T’avais un but, un objectif de vie, et tu ne l’as jamais écarté. Tu ne savais pas toujours où tu allais, mais tu savais que tu y allais. Comme les jeunes de ton âge, tu sortais parfois en soirée, t’as eu ta première cuite, tes premières peines de cœur, mais globalement t’arrivais à allier les études et les loisirs, mais tu ne te laissais jamais faire, tu ne laissais personne se mettre en travers de ton chemin, ni de tes idées. Non, toi t’étais sûre de toi, sûre de tes choix. Pour toujours, et à jamais.



Après le lycée, t’es entrée en fac de médecine. Autant dire que tu fus surmotivée, mais surexcitée aussi. Tu te croyais un peu dans grey’s anatomy, tu t’es enfilé toutes les séries médicales, et tu continues encore à te vautrer dans ton canapé en fin de journée, lorsque ta fille dort pour juger leur manière de faire, les erreurs qu’ils font et la raison pour laquelle toi tu n’aurais pas fait comme ça. Tu t’es donnée à 300 % pour tes études, t’as parfois délaissé tes amis proches, ou encore ta famille. C’est devenu ton leitmotiv, et rien d’autre. Ce fut assez compliqué de te sortir en soirée, au cinéma ou autre chose. Toi, tu voulais rester la tête dans tes bouquins, bien trop flippée à l’idée de te foirer. Tu t’es pris une claque lorsque t’as appris que ta sœur Peyton n’était en fait que ta demi-sœur. Tu t’es pris une double claque en réalisant que ta mère avait eu une aventure avec un autre homme que ton père. T’as eu le cœur brisé, lorsque t’as vu la peine dans les yeux de celui que t’appelle « papa », t’as eu du mal à ne pas prendre parti alors encore une fois tu t’es plongée dans tes études. Pour oublier qu’autour de toi, c’était du grand n’importe quoi. Finalement, t’as arrêté de penser qu’à toi, et t’as décidé d’emmener tes sœurs ailleurs. Tu ne savais pas trop où, tu voulais juste vous faire changer d’air, vous faire prendre l’air et oublier que chez vous, c’est tendu. T’as voulu démontrer à Peyton que malgré tout, vous restiez une famille, qu’importe si vous n’avez pas le même père. Au final, les jours ont passé, et ton père a pardonné. Toi, t’as tout simplement accepté de vivre avec ce mensonge.

Deux ans après cette révélation, t’as commencé ton internat de médecine à New-York. C’est une nouvelle vie pour toi, et puis c’est pas très loin de Boston. Tu as opté pour le meilleur des hôpitaux de la Grosse Pomme, et tu y es allée d’arrache-pied. T’as enchainé les gardes, t’as oublié ta vie privée jusqu’à finalement tomber sur ce type-là. Un homme d’action, un homme qui a été ton patient, un homme que t’as dû suivre durant plusieurs mois avant de le laisser se fondre dans la jungle new-yorkaise. T’imaginais pas le revoir un jour, t’imaginais pas non plus qu’il était le genre à t’attendre à la sortie de ton travail pour t’inviter à boire un verre. Un verre, ça peut pas faire de mal. C’est anodin. Un premier rendez-vous, un second et ainsi de suite. T’as mis de côté le fait que cet homme est ton patient, t’as toujours essayé de le cacher, mais t’as jamais vraiment été très démonstrative sur ta vie privée… Il est devenu le centre de ta vie, au même niveau que ton boulot. Oubliant presque que tu avais aussi une famille, ailleurs. Une autre vie, une vie qui t’a rattrapé le jour où t’as appris que ta mère avait un cancer. Le problème, c’est que toi, on ne peut pas te la faire à l’envers. On ne peut pas te dire que ça ira bien si ce n’est pas le cas. On ne peut pas te dire qu’elle s’en sortira si les résultats sont mauvais. Tu as fait les aller-retours à de nombreuses reprises pour ta mère. Pour t’assurer qu’elle allait bien, qu’elle allait mieux. Tu l’as vue se battre et son état s’améliorer positivement. T’y as cru, vraiment.

En 2018, t’as accouché d’une petite Célestine. T’étais heureuse, ta mère s’en était sortie, ton compagnon te rendait heureuse, et ton internat c’était terminé. Te voilà chirurgienne en cardiologie, te voilà maman et femme comblée. T’as jamais imaginé que toute ta vie et celle de ta fille a été bâtie sur un mensonge. T’as jamais pensé qu’un jour tu te rendrais compte que l’homme avec qui tu faisais ta vie n’était qu’un véritable imposteur. T’as découvert des documents d’identité. De sa véritable identité. Tu ne sais pas qui il est, tu ne connais pas l’homme avec qui tu vis et le même jour, ta mère a rendu son dernier souffle. T’as pris ta fille avec toi, et t’es partie. Ta mutation a été acceptée, donc tu t’es enfuie. Du jour au lendemain, sans un mot, sans une adresse. Aujourd’hui, te voilà maman célibataire. Tu répares les cœurs des gens, mais t’es pas foutue de recoller les morceaux de ton cœur à toi.