Je m’étais isolé dans ce complexe sportif où j’avais fini par échouer après la violente torture imposée par mes pensées. Je désirais tant échapper à toutes ces choses dévorantes qui étaient en train de me rendre complètement dingue. Il fallait à tout prix que j’extériorise toutes ces horreurs qui se déroulaient à l’intérieur de mon crâne avant que l’explosion ne se produise. Aussi, malgré tout le monde présent au complexe sportif et plus particulièrement dans le coin réservé à la boxe, je ne m’étais pas découragé. De toute manière, j’aurais été foutrement incapable de faire demi-tour après avoir fait ce chemin. Je ressentais déjà la rage montait dans mon corps. Je sentais déjà le besoin de cogner. Il fallait que je frappe oui, c’était inévitable. Et, il était clairement préférable que je me retrouve ici à frapper un sac plutôt qu’à l’extérieur à frapper la tête d’une personne parce que, pour être franc, au vu de ma situation, je ne pourrai pas garantir que la personne que je frapperai en sortirait vivante. C’était beaucoup trop me demander dans une telle situation. Lentement, je me faufilais entre les gens afin de m’installer à un sac de boxe un peu plus à l’écart des autres. Je ne pouvais pas supporter la foule et le brouhaha qui se dégageait. Cela risquait de me rendre plus dingue. J’avais besoin de mon isolement pour me sentir mieux. J’avais besoin de ma solitude afin de me laisser posséder par mes démons. J’avais besoin de toute ma concentration pour parvenir à reprendre le contrôle. Tout seul dans mon coin, je n’embêtais personne. Je ne cherchais pas à faire de vague. Je ne voulais pas lancer d’histoire. J’étais simplement là concentré sur mon défouloir. Je frappais. Encore et encore. Toujours. Cela faisait tellement de bien. C’était si nécessaire pour moi. Je n’allais pas bien. Cela faisait des semaines que je le savais. Cela faisait des jours que je le ressentais. À présent que je me retrouvais derrière ce sac, je me rendais compte à quel point j’avais besoin de cette séance. Il fallait réellement que je parvienne à mieux canaliser mon trouble parce que c’était en train de devenir le vrai bordel ces derniers jours. Il prenait de plus en plus de pouvoirs. Il avait tellement d’impact. Les médicaments seuls ne parvenaient plus à gérer mon agressivité comme avant. Ils n’avaient plus autant de pouvoir sur moi et il fallait réellement que j’effectue ce travail sur mon être. Je devais apprendre à canaliser cette instabilité. C’était essentiel. Pour moi. Pour les gens m’entourant. Pendant quelques secondes, je me demandais s’il ne faudrait pas que je me mette à consulter quelqu’un pour toutes ces histoires. Après tout, mon trouble Borderline n’avait jamais été suivi très professionnellement. Il s’était déclenché lorsque je faisais parti de la mafia et ce n’était que le doc de la mafia qui avait mis ça en lumière. Depuis toutes ces années, je me procurais les médicaments de façon illégale auprès de dealer. Néanmoins, aucun diagnostic n’avait été établi clairement sur le papier. Personne ne pouvait croire à un trouble alors qu’il n’y avait rien qui le prouvait. Peut-être que je devrais consulter quelqu’un pour voir si un nouveau traitement serait plus efficace sur moi. Non. Non, c’était ridicule. Mon poing s’abattait de nouveau sur le sac. Je ne voulais voir personne. Je ne voulais pas dépendre de consultations ou de traitement obligatoire. Je ne voulais pas que les gens sachent qu’autant de choses clochaient chez moi. Non, je ne le désirais pas. C’était bien comme ça. Je pouvais gérer. J’allais gérer. Je n’allais pas partir en vrille et tuer quelqu’un. Non, j’allais juste continuer de frapper ce sac pendant quelques minutes. Quelques heures peut-être. J’allais simplement rester là et attendre que ça passe peu importait le monde et le brouhaha. D’ailleurs, plus le temps s’écoulait, plus je parvenais à oublier tout ce qui se passait dans cette salle. Je me fichais du regard des autres sur moi. Moi, le garçon à la peau trop pâle et au corps si maigre. Moi, le gosse à la peau tellement marqué. Néanmoins, rien ne pouvait bien se dérouler alors que j’étais trop à cran. Je m’arrêtais quelques secondes pour m’hydrater et je n’aurai pas dû parce que ce fut l’instant bouleversant. Je repérais bien trop vite ce groupe de mecs qui me regardait. Ce groupe de mecs qui se fichait de moi. Je les voyais tellement bien maintenant. Refermant la bouteille, je me remettais à frapper dans mon sac espérant oublier ce que je venais de voir. Cependant, bien trop rapidement, le décompte s’était mis en route tout seul. Plus fort que tout. Frapper des êtres humains semblait plus intéressant que frapper un sac qui ne pouvait pas rétorquer. Dans cet endroit empli de monde, la bombe n’allait pas tarder à exploser. Je le sentais. Je tentais vainement de me concentrer sur les coups que je prodiguais au sac. C’était fichu d’avance. J’entendais déjà le compte à rebours se mettre en place. Tic, tac. Tic, tac. Tic, tac. Je connaissais cette mélodie qui me conduisait dans un ravin beaucoup trop destructeur. Je connaissais ce son qui résonnait violemment dans ma tête et si vivement à l’intérieur de mon être. Loin d’apporter l’extase ou le bien, ce son n’apportait que l’horreur et la destruction sur son passage. Je savais que lorsque l’explosion débarquerait, le résultat n’en était que foutrement mauvais et fichtrement douloureux également. Les présages n’étaient pas bons. Je me répétais que je ne devais pas aller vers ce groupe. Je tentais de me dire encore et encore que je ne devais pas faire de conneries. Mais, c’était illusoire d’y croire. BOUM. Ça explosait. Je déraillais.
Sans même prendre la peine de me rhabiller, je m’étais précipité vers ce groupe de mecs en les traitant d’abrutis et surtout en cherchant à connaître leur putain de problème. Après tout, je n’avais rien fait moi. J’étais sagement dans mon coin à m’entraîner comme n’importe quelle autre personne présente ce soir. J’étais tranquillement installé à ne faire chier personne. Cependant, il avait fallu que ces mecs me regardent et ce mettent à rigoler en m’observant. Oh, je savais parfaitement pourquoi ils riaient. Je savais que je ressemblais à un gamin trop jeune et certainement pas assez musclé pour pouvoir boxer. Je savais que je ressemblais à un gosse qui avait subi trop de choses et qui croyait que frapper dans un sac allait pouvoir l’aider. Mais, bordel, les images pouvaient être tellement trompeuses. Il ne fallait jamais juger un livre sur sa couverture. Il ne fallait certainement pas me juger en m’observant de loin. Si seulement ces mecs savaient qu’ils avaient sous leurs yeux un mec qui avait fait parti de la mafia et qui avait déjà tué un homme, peut-être qu’ils auraient plus vite détourné le regard et qu’ils n’auraient même pas rigolé une seule fois. Oh ouais, ça aurait tout changé. Malheureusement, rien ne criait que j’étais un ancien de la mafia. Rien ne laissait penser que j’avais déjà tué quelqu’un. Ils s’étaient mis à se moquer de moi et je n’avais pas été fichu de rester à l’écart. Je n’étais pas capable de rester dans mon coin sans rien faire. Pas quand mon trouble Borderline était aussi fort. Pas lorsque mon agressivité était si incontrôlable. Aussi, comme un gamin trop instable et sans peur, je m’étais pointé devant ce groupe et j’allais peut-être le regretter. Un des mecs me frappait et je n’avais pas été fichu de le calculer tant j’étais pris dans un tourbillon de colère. Je me prenais le coup en plein nez déclenchant une vague de sang. Au-lieu de me mettre à pleurer ou de me laisser tomber à terre, je souriais face à ce coup qui me faisait me sentir tellement vivant. Oh putain, que c’était bon. J’essuyais rapidement le sang qui coulait de mon nez avant de faire face à ces mecs. À ce mec qui venait de me frapper. À la vue de mon sourire, j’étais persuadé que tous ces mecs se rendaient soudainement compte de leur erreur, mais il était trop tord. Ni une, ni deux, je frappais le garçon. Mais, avant même que je ne puisse redonner un coup et m’en prendre aux autres, du monde débarquait autour de nous. Je l’entendais. Je le voyais. Et, trop soudainement, des mains se posaient sur mes épaules. Des mains froides et douces qui me poussèrent à frissonner violemment. Au-delà du changement de température entre ces mains froides et ma peau brûlante, c’était surtout le fait que quelqu’un me touche qui déclencha les frissons sur ma peau. Un garçon semblait prendre mon parti puisqu’il venait de m’attraper par les épaules afin de me retenir. Il ne se rangeait pas du côté de la majorité comme tout le monde. Non, il se rangeait de mon côté et je ne savais pas comment me sentir dans cette situation. Je devenais immobile. Un quart de seconde tandis que mon cerveau s’agitait. Merde, il venait de me couper dans mon élan et il m’entraîner loin de cette échappatoire si délicieuse. L’alarme cognait dans ma tête. Ce n’était pas bon. Pas du tout. J’avais tellement envie de frapper cet inconnu qui osait s’interposer et m’éloigner. Cependant, c’était un contact trop soudain et tellement étranger. Je ne pouvais pas me résoudre à frapper quelqu’un qui n’avait rien fait de mal. Je ne pouvais pas frapper quelqu’un qui n’avait rien demandé. Mais, je pouvais essayer de lui échapper. Je me remettais à bouger désireux d’échapper à ce contact trop douloureux qui me brûlait à présent tant il m’empêchait d’atteindre mon paradis. Je me débattais comme un dingue tandis que l’étranger tentait de me retenir. Et, sans être fichu de prendre sur moi, sans avoir le moindre pouvoir de me retenir, je criais « LÂCHE MOI ! ». Putain, ouais, il devait me laisser. Il fallait qu’il desserre sa prise. Il fallait me laisser frapper. Cependant, l’inconnu ne semblait pas du même avis puisque sa prise se resserrait autour de mes épaules. Et, lentement, réellement, d’autres gars intervenaient parvenant à nous éloigner. Je clignais plusieurs fois des yeux avant de finir par détourner mon regard du groupe d’abrutis. Je plantais mes prunelles dans celles de l’étranger comme pour chercher à comprendre ce qu’il était en train de foutre. Je cessais presque aussitôt de me débattre tandis que mon regard entrait en contact avec le sien. C’était comme si soudainement, le bouton de mon agressivité venait de se tourner sur off. Marmonnant un « Fait chier ! », je reculais lentement levant les mains en l’air comme pour prouver que c’était bon, que je n’allais pas retourner chercher les ennuis. Je me dégageais de la prise de l’étranger pour retourner docilement vers mon sac de boxe. Mon cœur cognait trop fort. Mon souffle était agité. Je me sentais si fébrile. Mes prunelles se posaient sur le sac de boxe que je venais de rejoindre et mon poing s’y abattait. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il fallait que ça sorte. Ça devait cesser de cogner autant en moi. Je sentais soudainement une présence à mes côtés et j’arrêtais aussitôt le sac de boxe qui se balançait pour relever le regard. Mes prunelles tombèrent dans celles de l’étranger qui avait posé ses mains sur mes épaules. Il m’avait suivi jusqu’ici ? Mes sourcils se fronçaient. Et, soupirant, je finissais par murmurer à son attention.
D’solé
@Morgan F. Jones