OLLIE ROWTAG ► eiza gonzales

Pas pour l'instant. Non pas qu'elle ait une aversion particulière pour ces dernières, mais c'est simplement loin d'être sa priorité. Autonome et impulsive, il n'est pas impossible qu'elle se décide à en rejoindre une un jour, mais déjà ne l'avait-elle pas fait avec l'ancien système, alors elle préfète rester en dehors du nouveau fonctionnement. Pour l'instant. C'est un électron libre, flocon chancelant au gré de ses envies, petite pièce de bois aux angles affutés et si nombreux qu'elle ne saurait rentrer dans une case. Trop lisse, trop classique, trop conventionnelle.

Gavroche des temps moderne, gamine des rues, Ollie, Olivia de son véritable prénom, est loin d'avoir eu une vie facile. Deuxième enfant d'une mère paumée et d'un incapable de plus qu'elle n'a jamais connu, elle a du apprendre à grandir vite, certains diront trop vite. Face à ses grands yeux sombres, la seule famille qu'elle reconnait, c'est Eljin, son frère ainé. Il est l'unique pilier de ses vingt-cinq années d'existence. Δ Si elle ne l'a jamais laissé tomber, la benjamine de la famille garde une grande amertume envers sa génitrice pour ses actions, ou plutôt ses non-actions. Elle l'aime mais son cruel manque de maturité ne lui rappelle que trop souvent l'enfance qu'elle n'a pas eu. Elle aimerait simplement qu'une bonne fois pour toute, elle reprenne sa vie en main. Δ Les coups, elle sait en prendre. Les rendre aussi. Des rues sales aux arrières cours poisseuses de Boston, il n'y avait rien de reluisant dans les quartiers qu'elle fréquentait majoritairement. Bagarres, trafiques, délinquance, savant mélange essentiellement masculin dans lequel elle baignait bien malgré elle, lui forgeant le caractère duquel elle ne s'est jamais séparé. Δ Mais malgré la rudesse de ses apparences, Ollie rêvait de plus, tellement plus que les trottoirs malfamés sur lesquels elle traînait avec son frère. Pour elle, et pour lui aussi. Derrière ses cuirs, ses sourires éclatants et ses longs doigts agiles qui parcouraient les échoppes de rue, Olivia ne délaissait rien. Toujours en tête de classe, sa capacité de raisonnement surprend, sa mémoire étonne, contrastant avec la réputation que sa famille a laissé dans son sillage. Les on-dit, elle les balaie d'un revers de main, un regard assassin suffisant à faire taire le premier qui oserait les étendre devant elle. Δ Loin d'être immaculée, elle n'a pas échappé à la drogue malgré tout, en connaissant les troubles, l'exaltante volupté et l'inqualifiable manque. Si c'était une façon pour elle de cumuler les cours, le boulot et les tensions de sa vie d'adolescente, jamais elle n'avouera qu'elle a eu la faiblesse d'y toucher premièrement pour autre chose que par choix réfléchi. Δ Sous emprise, elle manque de se faire violer à l'âge de quinze ans, leçon de vie d'une violence inouïe, retour d'un élastique usé trop tendu. Ce soir-là, encore brumeux et synonyme de cauchemars pour elle, elle n'est sauvée in extremis que par l'arrivée de son grand frère. S'en tirant avec un corps tremblant, deux cotes et un poignet cassé, son mutisme est resté total et jamais elle n'a voulu en reparler. Ollie n'a jamais retouché à aucune drogue depuis. Δ C'est ce contexte de vie qui l'attire vers le droit, comme un moustique par la lumière, une envie qui l'a prise aux tripes d'aider ses gamins souvent désarmés, abandonnés, aux réactions aussi difficilement justifiables que choisies. Δ C'est son professeur principal du lycée qui la pousse à poursuivre ses études, laisse germer en elle la perspective de nouveau, de mieux, lui parlant des bourses, l'aidant dans les démarches. C'est en partie grâce à lui qu'elle rentre à Harvard en première année. Δ Quatre ans plus tard, Eljin est emprisonné pour un meurtre qu'il n'a pas commis, créant la première déchirure familiale dans le coeur d'Ollie qui lui promet de le sortir de là. Il lui faut tout de même deux ans avant d'obtenir la dernière preuve nécessaire à au dossier qu'elle finit par présenter au barreau, innocentent définitivement son frère. Elle l'héberge chez elle depuis sa libération.

Possède depuis quelques mois un chiot staffy qu'elle a trouver en bas de chez elle, surnommé One. Δ Si elle étudie le droit en majeure, terminant son doctorat, elle n'a jamais eu le temps d'y ajouter une mineur à cause des divers boulots qu'elle a du cumuler au fils des années. Barmaid, serveuse, danseuse, livreuse de pizzas, courses de rues, tout y est passer, sur des périodes plus ou moins longues. Δ Son truc, c'est le dessin, seule activité qu'elle a toujours pu pratiquer au prix d'un crayon et d'une feuille de papier. Et comme le reste, elle est douée, très douée même, griffonnant constamment sur tout ce qu'elle trouve dès qu'elle réfléchit.

Elle passait devant tous les jours. Elle l'entendait tous les jours au moins une fois sur les lèvres des passants, des clients, d'amis. Harvard, Harvard, Harvard, pour la plupart synonymes d'espoir, de rêves, de réussite. Pour d'autres, un fantasme financièrement inaccessible. Ollie, elle se situait un peu entre les deux. Difficile de rêver à une vie d'étudiante quand tout se bouscule déjà autant aux portes de son quotidien. Bien sur qu'elle y a pensé, mais ne la presque jamais évoqué. Ce avant qu'un de ses professeurs ne souhaitant pas voir son haut potentiel gâché, lui en parle ouvertement. C'est alors que l'engrenage se met en route, vite, avec une fluidité insoupçonnable. Demande de bourse, SATs, dossier, oral... Sa personnalité détonne, sa maturité et sa détermination plaisent, son projet et ses notes font le reste.

Ollie, c'est le feu. Ravageante, elle consume tout sur son passage, flamme intrépide et insatiable. Son oxygène, ce sont les autres. Sans eux, elle s'éteint, irascible petite flamme isolée, déboussolée. Seule faille à sa carapace d'argent, Olivia craint l'isolement plus que tout. Sa peur de se retrouver seule est aussi réelle que secrète. Car la brune ne parle pas, ne dévoile d'elle-même que ce qui l'arrange de dévoiler, préférant libérer son image de femme forte et sans peurs que de montrer les fissures, les bugs dans le système. Loin d'être sa spécialité, les mots ne viennent pas, ne sortent pas de ces lèvres pleines. Elle ne sait juste pas, emprisonnant, accumulant en elle les expériences, les non-dits, les sentiments. Ollie, elle ne parle pas, elle brule, et agit. Vindicative, parfois arrogante, elle porte surtout une fierté et un orgueil qu'il ne faut mieux pas tenter d'atteindre. Ce qu'elle est devenue, elle l'a construit, à chaque pas, et ne l'échangerait pour rien au monde. Mais Ollie, c'est aussi la glace. Flocon chancelant, éphémère, fragile. Coeur ayant grandi trop vite, trop tôt, qu'elle dissimule, que très peu connaissent. Ses faiblesses, ses incertitudes, ses doutes, bien ancrés, partie inférieure de l'iceberg qu'elle couve avec fougue. Princesse des neiges, elle se protège, parfois férocement. Semblant quelque fois insensible, il n'en est pourtant rien et si elle n'accorde jamais sa confiance, c'est simplement pour ne pas souffrir d'être un jour trahie. Enfant meurtrie, il ne suffit pourtant que d'un sourire de sa part pour illuminer le plus dur des coeurs. Pleine de contradictions, Olivia est un chaud froid à manier avec précaution. Ardente ou glaciale, passionnée ou véhémente, solaire ou impitoyable, adorable ou méprisante. Sincère ou tricheuse. Entre les deux, il n'y a qu'un pas.