R. CAPUCINE MILLHONE ► kim yerim

[ 1999 ] ton histoire commence le douze mars mille neuf cent quatre vingt dix neuf, dans la ville de dongducheon, capucine. née de l’union entre ta mère et son amant, tu es le fruit interdit de leur relation secrète. un enfant qui n’aurait jamais dû voir le jour, le deuxième fruit « secret » de ta mère, qui n’a jamais pu rester loyale à son mari. et si elle considérait fortement d’avorter, c’est ton père, celui qui t’a élevé, qui l’a convaincu de continuer la grossesse à terme. il ne pouvait laisser un enfant souffrir et perdre la vie pour l’erreur de sa femme. le coeur tendre, le coeur amoureux, il lui a pardonné sa tromperie. et si ta mère n’a jamais voulu de toi, ça ne pouvait être plus faux pour ton père, qui a toujours rêvé d’avoir une fille, et ce même si tu n’étais pas de son sang. ta naissance n’a pas été facile et peut-être était-ce le karma qui se vengeait sur ta mère qui ne prenait pas soin d’elle, qui faisait tout pour te perdre d’une façon ou d’une autre ? parce que tu as vu le jour prématurément, capucine. tu as pointé le bout de ton nez presque un mois à l’avance, après que ta mère ait eu des complications. deux semaines qu’elle était resté à l’hôpital avant qu’on décide de l’emmener en opération d’urgence, de peur que vous y perdiez toutes les deux la vie. des heures et des heures sans réponse pour ton père avant qu'un médecin ne vienne l'avertir que tout s'était bien déroulé. et dès que tu es apparu dans son champ de vision, tout ses doutes ont disparus.

[ 2004 ] les cris qui te bouleverse le coeur ne cessent pas. les mains sur les oreilles pour bloquer le son, tu es recroquevillé sur le côté de ton lit alors que tu essaies d’effacer les paroles que tes parents se hurlent au visage. tu ne comprends pas pourquoi l’ambiance s’est dégradé à ce point, capucine. mais, tu n’as que cinq ans et tu es encore trop jeune pour réaliser l’impact que la mort de tes grands-parents paternels a eu sur la relation de tes parents. en l’espace de quelques semaines, tout a changé pour le pire dans la maison familiale, tu ne t’y sens plus en sécurité. et le temps semble passer au ralenti, mais le silence fait de nouveau son apparition et finalement, tu peux retirer tes mains de tes oreilles. mais tu as encore le coeur lourd et c’est avec les yeux rougis par les larmes que tu t’endors enfin. et tu te réveilles aux petites heures du matin, capucine. un bruit te réveille et tu ouvres grand les yeux avant de glisser hors de ton lit, ton doudou à la main. silencieuse comme une souris, tu sors à l’extérieur de ta chambre et tu remontes jusqu’à la source du son, la cuisine. « dad ? » que tu murmures, avant que tu ne vois de l’oeil un homme assis dos à toi. tu le méprends pour ton père, capucine et tu n’es pas loin de la vérité. mais ta mère t'entends et tu la vois qui s'approche de toi et qui te prends le bras d'une poigne ferme. « rosalind, go in your room. now ! » qu'elle te crache presque au visage avec le même regard froid qu'elle a toujours posé sur toi. « b-but i want to talk to... » et tes yeux se remplissent de larmes alors qu'elle te traîne jusqu'à ta chambre sans te laisser le temps de continuer ta phrase. la porte qui se ferme derrière toi et tu te retrouves seule dans ta chambre sombre.

[ 2009 ] tu es habituée aux déménagements, capucine. depuis que tu es toute petite, tu voyage à travers le monde et tu apprends de nouvelles cultures, parce que ton père, il fait partie de l’armée américaine et il est souvent muté. tu aimes voir le monde et rencontrer de nouvelles personnes, mais pour la première fois de ta vie, tu te retrouves à intégrer l’école primaire au lieu de faire l’école à la maison et plus rien ne va. et aujourd’hui, tu te retrouves seule à nouveau, le coeur lourd, incapable de t’intégrer avec les autres. tu ne comprends pas, gamine. tu as bien essayé de t’introduire aux autres, mais on s’est moqué de toi, de ton apparence et de ton accent français brisé. douce enfant au coeur sensible, tu passes ton temps libre enfermée dans la salle de bain, incapable de faire face à ceux qui se sont décidés à se moquer de toi pour tes différences. et tu ne veux pas l’avouer à ton père, capucine. tu ne veux pas le rendre coupable, alors tu te tais et tu entres à la maison en gardant tes larmes pour toi, à écrire tes pensées dans ton journal intime. encore une autre journée qui se termine et tu peux avoir un peu de répit, avec les vacances qui commence. les bouquins à la main, tu sors à l’extérieur de ta classe et tu quittes l’enceinte du bâtiment que tu détestes. et tu gardes le regard baissé sur le sol, jusqu’à ce qu’on t’interpelle. « hey, capu ! » et ton coeur s’arrête pendant une fraction de secondes, parce que tu reconnais cette voix. et tu relèves les yeux et un sourire, un vrai, s’affiche sur ton visage alors que tu laisses tomber tes bouquins sur le sol. « james ! » que tu t’écris en t’élançant vers le seul qui te comprends entièrement. un autre gamin comme toi, qui vient d’une famille militaire. et tu te propulses dans ses bras, heureuse et soulagée, parce que tu n’es plus seule, désormais. et c'est le premier mot qui est sorti de ta bouche depuis longtemps, capucine. toi qui est resté dans un mutisme sélectif depuis ton arrivé dans cette école, parce qu'on s'est tellement moqué de toi que tu t'es renfermé sur toi-même.

[ 2012 ] la peur te tord les entrailles, capucine. et tu ne sais plus quoi faire pour te calmer. ton coeur ne cesse de battre à mille à l’heure et tes allers-retours dans la salle d’attente ne t’aide pas. parce que tu attends des nouvelles de ton père, gamine. tu attends les nouvelles des médecins, parce qu’il est entre la vie et la mort. ton pire cauchemar qui s'est réalisé et tu paniques, parce que tu ne sais pas si tu y arriveras sans ton père, ton héros. mais tu ne veux pas pleurer, pas encore. et malgré tout, les larmes coulent sur tes joues et tu t’éloignes de ta famille pour te reprendre en main. des heures qui passent, avant qu’on ne sort de la salle d’opération et ton coeur est prêt à s’arrêter. ton corps entier qui tremble alors que le médecin s’approche de vous, un sourire qui se veut rassurant s’affiche sur son visage. il parle et il parle, mais tout ce que tu retiens c’est qu'il va bien et que vous allez pouvoir aller le voir dès son réveil, avant de t’écrouler sur le sol, un peu plus loin. et tu te répètes la même phrase, encore et encore. il va bien, il va bien. et les heures semblent s'éterniser alors que tu attends qu'il se réveille. tu as bu plus de thés que tu ne veux l'admettre lorsqu'on vous donne enfin la permission d'aller le visiter dans la chambre et tu t'élances à sa rencontre. lorsque tu pousses la porte et que tu vois ton père, allongé sur ce lit, entubé de partout, les larmes coulent à flot. tu réalises maintenant que ce n'est pas un cauchemar, c'est la réalité. et tu t'assois à ses côtés, silencieuse comme à ton habitude lorsqu'il y a des gens autour de toi. un à un, les membres de ta famille et ses plus proches amis viennent le voir et tu te contentes de lui tenir la main, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que toi dans la chambre.

[ 2012 ] quelques semaines passent avant que tu ne déménages de nouveau. tu quittes la france pour retourner de nouveau aux états-unis, parce que vous n'avez plus de raison de rester, comme ton père est blessé. il est transféré dans une hôpital militaire au texas et tu y passes une bonne partie de tes journées et de tes soirées pour l'aider à s'habituer à sa nouvelle condition. parce qu'il a perdu l'usage de ses jambes, capucine. il le prends mal et tu as besoin d'être là pour lui, parce que tu es celle qui est le plus proche de lui. alors, tu passes l'été avec lui, jusqu'à ce qu'il soit temps pour toi de retourner au lycée. et si tu as longuement argumenté avec ton père pour retourner à faire l'école à la maison, tu lui as finalement laissé le dernier mot. et tu as peur de revivre la même chose qu'avant, capucine. les regards moqueurs et les insultes lancées d'un côté et de l'autre, tu en fais encore des cauchemars. tu n'as jamais oublié les méchancetés qu'on t'a lancé et aujourd'hui, c'est la première journée des cours et tu n'as pas réussi à fermer un oeil de la nuit. tu l'as passé à tourner d'un côté à l'autre dans ton lit, le ventre tordu par la peur d'affronter à nouveau une entrée dans une nouvelle école. tu as les mains qui tremblent et le coeur qui bats trop vite alors que tu arrives devant l'immeuble qui t'accueillera pour les années à venir. tu es seule, cette fois-ci. james n'est pas là, ni tes frères. et tu t'avances la tête baissée, les cheveux te cachant le visage pour ne pas croiser le regard d'une autre personne. tu veux passer à travers la journée sans attirer l'attention sur toi, mais à peine poses-tu un pied sur les marches menant à la porte qu'on te bouscule. tu lâches tes livres alors que tu tombes au sol et tu figes sur place lorsque tu entends quelqu'un te parler. « oh my g- ! i'm so so sorry. are you okay ? » tu n'as pas bougé d'un poil, capucine. tu relèves lentement la tête avant de la hocher lentement. les mots se bloquent au fond de ta gorge et tu n'arrives toujours pas à parler. et tes yeux se remplissent de larmes alors que tu commences à paniquer. on va se moquer de toi, c'est certain. d'ici quelque secondes, l'adolescent va se mettre à rire de toi et tout le monde va le rejoindre. et un autre lycée qui va te rendre folle, qui va te donner des idées noires à nouveau. et tu appréhends les paroles du garçon, tu les attends, les moqueries, les rires, mais ça ne vient pas. il se penche vers toi et te prends le bras pour t'aider à te relever, puis il ramasse les bouquins que tu as laissé tombé quelques minutes plus tôt. « hey, it's fine if you don't want to talk. i'm adam. » tu ne vois aucune pitié dans ses yeux. aucune once de méchanceté non plus. « are you new here ? » et tu hoches doucement la tête, alors qu'il te sourit et te fait signe de le suivre. par pur hasard, tu as réussi à te trouver un ami, mais tu n'as pas conscience de tout ce que la vie a de réservé pour toi, capucine.

[ 2016 ] beaucoup de choses ont changés depuis que tu es retourné au texas. de bonnes et de mauvaises choses. aujourd'hui marque ton deuxième anniversaire de couple avec adam, mais aussi le dernier. au début, votre amitié était innocente. mais, au fil des mois, ton coeur a commencé à faiblir pour l'adolescent. deux longues années à cacher tes sentiments, deux longues années à le voir enchaîner les petites-copines et à vouloir prendre leur place, avant qu'il ne te voit finalement. et au commencement, c'était comme ce que tu voyais dans tes rêves. c'était magique et tu ne pouvais pas être plus heureuse que tu ne l'étais déjà. puis, les choses ont commencé à se refroidir. et il a commencé à devenir possessif, à essayer de contrôler qui tu voyais, avec qui tu étais amie... mais t'a toujours été aveuglé par l'amour que tu lui portais, capucine. tu n'as jamais voulu avouer qu'il y avait un problème, alors t'a continué à le voir. à l'aimer de tout ton coeur et à te dire qu'il allait changer, que ce n'était qu'une phase et qu'il allait retourner à être doux, adorable, comme avant. mais ça toujours empiré, gamine. et après un moment, ça touché le fond. il t'a bousculé, puis s'est excusé. tu lui a pardonné, puis ça recommencé. encore et encore, il allait plus loin, s'excusait, puis recommençait. jusqu'à aujourd'hui. il a fait tombé la dernière goutte qui a fait déborder le vase. tu ne sais pas comment tu en es venue à la conclusion que tu mérites plus de respect, capucine. parce que tu es au plus bas, mais tu n'en peux plus, gamine. les coups, les bousculades, les insultes et les moqueries, tu n'en peux plus. et tu l'aimes, tu l'aimes tellement capucine, mais il te fait mal, adam. il ne change pas, il n'y a plus d'amour dans ses yeux et tu ne peux plus continuer de vivre en cachant à ton père la raison de tes bleus, de tes blessures, de tes pleurs. alors, tu dois le laisser aller, adam. tu dois le faire pour toi et toi seulement, avant de finir par faire quelque chose que tu vas regretter.