SKYLER WINSCOTT ► taylor kinney

Rien ne semble me faire penser que cette intervention va être différente de celle des autres, pourtant j’ai tous les indices en mains pour le comprendre, mais je préfère ne pas faire attention, j’ai réussi à me convaincre, sans m’en rendre compte, qu’il n’y a rien de grave, rien qui ne va changer de d’habitude. Assis sur le siège passager de ce camion rouge à la sirène résonnante sur les routes de Boston, je prends mon portable dans mes mains, mes yeux parcourant ce message reçu, de cette fille rencontrée dans un bar, tenace et déterminé, c’est ce qui me fait rire. Je suis bien loin d’imaginer qu’elle est celle qui va devenir rapidement ma compagne, plus particulièrement ma bouée de sauvetage, celle qui va me permettre de ne pas couler, elle et l’alcool, quand bien même, je vais bien plus aimer l’alcool. Portable dans ma poche, casque dans ma main, je m’offre le droit de relever les yeux, d’apercevoir ce chemin qui m’est si familier, de ce décor que je connais si bien, pour y avoir passé de nombreuses heures durant mon enfance. Le garage de mon père. Je ne peux m’empêcher de froncer les sourcils, mon cerveau m’autorisant enfin à m’inquiéter, me poser des questions et réaliser peut-être la raison de ma présence ici. Mon cœur est en train de battre la chamade et les démons du passé sont en train de remonter. Il y a quinze ans, c’est dans l’atelier de ce garage, que mon paternel a prit la décision de s’enlever la vie, avec l’aide d’une corde et du pont élévateur. Je n’ai jamais eu à le voir suspendu dans le vide sans vie, mais durant toutes ces années, je n’ai jamais cessé d’avoir cette image dans ma tête, de l’imaginer à ce pont. Lui qui m’a appris mes connaissances dans la mécanique, je ne suis un pas un as en la matière, mais ça me permet de m’en sortir, parfois d’arrondir mes fins de mois. Alexis … Le prénom de mon petit frère, de l’héritier de ce garage, celui qui en a prit la succession avec une réussite sans nom, le redressant, malgré les réticences d’une famille désunie après un drame dont personne n’a jamais pu s’en remettre. J’en ai laissé mon casque dans le camion, que j’ai quitté avec rapidité, je n’ai pas besoin de la veste de cet uniforme, je n’ai pas besoin d’oxygène, il n’y a clairement aucun incendie ici. D’un pas rapide, presque en train de courir, je me rends à l’intérieur avec cette horrible sensation que le passé est en train de se reproduire, que toute ma vie est en train de recommencer en boucle, sauf qu’il ne s’agit pas de mon père désormais, mais de mon frère et que contrairement au passé, le présent me met sur les lieux. Alexis ! Prononçais-je, non plutôt, criais-je en me mettant à courir en direction de ce pont, déjà l’objet d’une vie enlevée. Mon bras entourant ses jambes, je me force à venir le relever, comme pour lui permettre de respirer, comme l’espoir de pouvoir le sauver, que ce n’est pas simplement un corps sans vie que je suis en train de tenir. Grimson, apporte l’échelle. Walsh coupe cette putain de corde. Foster, viens avec moi, aides moi à le tenir, on l’allongera une fois qu’il sera dégagé. Je me force à prendre sur moi, je me force à ne pas craquer, mais je suis mort de peur. Je ne me vois pas devoir appeler ma mère pour lui annoncer le décès de son fils, pas après avoir vécu celui de son ex-mari, je ne me vois pas appeler ma demi-sœur pour lui apprendre qu’elle est orpheline d’un père, mais qu’à partir d’aujourd’hui, elle ne pourra plus jamais compter sur l’un de ses grands frères, que lui aussi est venu mettre fin à ses jours, de la même façon que notre paternel. On a besoin d’une ambulance ! Criais-je aussi fort qu’il m’est possible de le faire, en même temps que je suis accompagné de l’un de mes hommes, que l’on est en train d’allonger mon frère au sol. Alexis … Suppliais-je, comme si prononcer son prénom, va lui permettre d’ouvrir les yeux, mais ce n’est pas ce  qui est en train d’arriver. Deux doigts dans son cou, à la recherche incessante d’une preuve d’un cœur encore battant à l’intérieur. Il n’a pas de pouts ! Fais quelque chose ! Demandais-je, le regard en direction de la responsable ambulancière. C’est trop tard lieutenant … Non … Tu peux pas m’laisser Alexis  … Pas toi aussi … Je n’ai pas envie d’y croire, ce n’est pas pour rien que je me bats contre cette réalité, que je garde mes yeux vers mon frère, que je secoue à l’aide de deux mains sur son torse. Mon geste de désespoir est rapidement arrêté, un pompier, puis un seconde pour me faire reculer, pour mettre une distance entre l’homme abattu que je suis et la dépouille d’un frère que je viens de perdre. Tout comme mon père, il n’était pas bien et je ne l’ai pas vu, je ne suis même pas venu l’aider, j’ai filtré son appel la veille, profitant d’une douce présence féminine, bien plus importante sur le moment à mes yeux. Je ne peux m’empêcher de passer ma main dans mes cheveux, de me masquer le visage, pour des larmes qui commencent à me brouiller la vue. Ces larmes je les refuses, en même temps, que je me retrouve avec l’étrange envie de joindre Arizona, ce qui me surprend autant que ça ne me surprend pas une seule seconde. La seule que j’ai vraiment su aimer dans ma vie, la seule avec qui j’ai eu l’envie de construire un présent et de croire à un avenir. Je ne comprends toujours pas notre rupture, je ne comprends toujours pas son départ, j’ai lu son mot sous toutes les formes, j’ai posé mes yeux sur ses explications, sans jamais trouver un sens à tout ça. Je lui en veux, je lui en veux autant qu’elle a toujours de l’impact dans ma vie, ce qui me fait peur. Je lui en veux, je m’en veux, ce n’est pas pour rien que je ne supporte pas de me retrouver devant elle, parce que ça me rappel tout ce que j’ai perdu, que je n’ai pas su la retenir, que malgré tout le mal qu’elle m’a fait, je ne cesserais jamais de ressentir cette envie de l’avoir dans ma vie. Ce n’est pas sans raison que je me montre renfermé avec elle, presque rancunier du passé, un moyen de me protéger, de ne pas souffrir une nouvelle fois, pas temps que je ne comprends pas ses actes, que je n’aurais pas de réelles explications.