ROXANE NESBITT ► thi ngoc

first letter

Chère Marla,

à l’ère d’internet, ça peut sembler étrange d’opter pour une lettre. après tout, si j’ai ton adresse physique, j’aurais probablement pu dénicher ton mail et avec beaucoup plus de facilitée. disons que.. j’ai trouvé que ça rendait le tout plus personnel. c’est idiot parce que mon stylo va sûrement baver un peu, il y aura des ratures et des phrases sans sens tout ça pour pouvoir envoyer un bout de papier parfumé. j’ai longtemps réfléchis à ce que je pourrais dire, écrire. à tenter de mettre de l’ordre dans le fil de mes pensées pour donner un semblant de cohérence à cette histoire. dans le fond, je ne suis pas certaine qu’il y en ait. personne n’a envie de se lever après vingt deux ans d’existence et se rendre compte des mensonges et des secrets qui l’entourent. peut être qu’on pourra blâmer ma curiosité mal placée mais à un certain point, j’avais beau tout avoir, je me suis mise à envier. à envier les autres, à jalouser les relations. une belle-mère, c’est pas une mère. tiphanie elle est arrivée dans ma vie je devais avoir.. six ans ? alors d’aussi loin que je me souvienne, c’était ce qui se rapprochait le plus d’une figure maternelle. mais elle avait déjà un fils, et puis d’autres ont suivit et j’ai eu l’impression d’être juste la pièce rapportée. ce qui est stupide puisque c’est elle qui est venue en premier lieu. et les questions sans réponse, ça finit par fatiguer. j’avais besoin de savoir, d’avoir quelque chose de concret. que ma mère biologique me regarde dans les yeux et me disent pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas voulu de moi. pourquoi est-ce qu’elle était partie et pourquoi est-ce qu’après vingt deux ans elle n’avait jamais tenté de renouer le moindre contact. mon père (le tien ? on y reviendra plus tard) a toujours eu la mauvaise manie de me couvrir de cadeau pour taire mes questions. c’est commun chez les nesbitt, on tait les problèmes à coup d’objet hors de prix et on passe à autre chose. pas cette fois. dans le fond, je ne sais pas trop ce que je m’attendais à trouver. sûrement tout et rien à la fois. c’était difficile et évident en même temps. puis avec un peu de persuasion et beaucoup d’argent, on arrive plus où moins à tout. je crois que j’ai juste mis du temps à l’accepter. et plus je remontais vers « elle » plus je remontais vers toi. marla. j’ai du mal avec les dates, sûrement parce que c’est trop flou pour moi et que lui ne me réponds pas mais j’ai touché une corde sensible je crois. j’avais pourtant que des questions et aucune conviction mais parfois, les réactions en disent long. j’ai peut être pas si faux que ça pour qu’il réagisse de la sorte, non ? en tout cas il a eu peur. j’ai dis ton prénom et il a eu peur et ça me conforte dans l’idée qu’on est reliées toi et moi. marla. ça me rend dingue de ne même pas pouvoir mettre un visage sur ton prénom. est-ce que tu me ressembles ? je crois que j’aimerais bien. j’ai toujours rêvée d’avoir une petite soeur de toute façon, sûrement parce que j’ai grandi entourée de gars et que les primates me dérange. enfin bref.. j’espère sincèrement une réponse.

Roxane

« roxy ? » papier qui se froisse légèrement sous ses doigts, elle le jette dans le tiroir de sa commode, tapote sur le pad de son ordinateur et feint un sourire innocent quand la porte de sa chambre s’ouvre sur l’imposante stature de son père. roxane, c’est la seule femme de la maison. bien sûr, il y aurait tiphanie mais entre les multiples rendez-vous au spa et soirées lectures avec les riches du coin, il est rare de la croiser dans le dédale d’un couloir. ce qui ramène à roxane une nouvelle fois. seule nana au milieu d’un père et cinq frères. demi-frères. une moitié d’appartenance seulement. pour le premier, rien du tout. étrangement, c’est celui avec qui elle ne partage rien qu’elle est le plus proche. peut être parce qu’il est plus âgé, moins emmerdant que les autres. les jumeaux sont exécrables pour la plupart du temps. tom à quinze ans pense être le roi du monde et lucas révèle des tendances psychopathes. quoi de plus normal ? « le dîner est servi » elle hoche la tête mais ses yeux retournent sur son écran, pas le moindre mouvement en sa direction. « tu ne peux pas me faire la tête éternellement » haussement d’épaules et la porte qui se referme sur un soupir de la brune. c’est ce qu’on verra. en tant que gamine pourri gâtée, roxane elle déteste qu’on lui dise non. qu’on lui refuse quelque chose et en mettant des barrières sur son passé, c’est exactement ce qu’il avait fait. elle tends l'oreille, attends que les bruits de pas s'éloignent réellement et ressort finalement la lettre l'air concentrée. une enveloppe, une adresse et elle glisse la missive à l'intérieur, prends soin de la refermer et la glisse dans la pile de courrier à déposer. fine enveloppe passant inaperçue au milieu des autres et l'espoir d'avoir enfin des réponses.



second letter

Chère Marla,

trois semaines. trois semaines que je coure jusqu’au courrier tous les matins dans l’espoir d’avoir quelques choses. au final, rien d’autres que les pubs des abonnements auxquels j’ai pu souscrire mais rien venant de toi. je sais pas si je suis en colère ou bien alors juste déçue. peut être un peu des deux. je crois que dans l’utopie que je me suis créé, j’ai pensais que tu répondrais presque immédiatement. avec du recul, je peux comprendre que ce soit difficile à digérer. t’as même sûrement pensé que j’étais un peu folle dans le fond. alors peut être que si je livre des choses plus.. personnelle ? t’auras envie d’apprendre à me connaître. je l’espère. le truc, c’est que je ne sais même pas par où commencer. alors.. enchantée, moi c’est roxane. comme l’adresse l’indique, je viens de glasgow et si t’as eu au moins un peu de curiosité, c’est bel et bien en écosse. alors je sais que t’es aux états-unis mais tu sais, ça a du charme par chez moi. c’est pas le rêve américain mais on s’y plaît bien. je crois que j’aime surtout la quiétude qui s’en dégage ce qui est étrange si on part du principe que j’organise toujours les meilleurs soirées. bref, j’ai vingt deux ans. je crois que tu en as dix-neuf, c’est ça ? trois ans. j’ai beau cherché ce qui a bien pu se passer en trois ans pour qu’on ait même pas la chance de se connaître mais je trouve pas. dans mon monde, tout le monde fait comme si t’existais pas et moi, j’ai arrêté de poser des questions. je crois que j’ai espéré que tu me les donnes toi. la patience, ça n’a jamais été mon fort, loin de là. sûrement à cause de l’environnement. gosse pourrie-gâtée, tout ça. je crois que le problème dans le fond, c’est que j’ai toujours eu qu’à claquer des doigts pour obtenir ce que je voulais et là, je me heurte à des murs à chaque fois. sûrement qu’on pourrait dire que je n’ai pas à me plaindre, dans le fond, j’ai jamais manqué de rien. le souci, c’est qu’à compenser l’affectif par le matériel ça ne donne pas forcément le meilleur des résultats. est-ce que t’es heureuse toi ? je crois que je l’ai été moi. probablement que je le suis toujours, ce serait égoïste de prétendre le contraire à vrai dire. je devrais probablement arrêter d’être défaitiste, tu vas forcément me répondre. pas parce que t’y est obligée mais parce que t’es un être humain et que par définition, t’as besoin de réponse toi aussi. je sais même pas si j’essaie de te convaincre toi ou moi. mais ce serait bien que tu me fasses un signe ? n’importe quoi. je veux juste.. je ne sais même pas ce que je veux et si toi tu ne me réponds pas, à qui est-ce que je peux parler de ça ? je crois que là, je voudrais par dessus tout que t'ai un peu de compassion et.. l'été approche. peut être que tu pourrais venir par là ? j'ai glissé un billet avec la lettre, j'espère que tu viendras.

Roxane

« nesbitch ? » le silence et la brune qui reste allongée, les yeux rivés sur les étoiles brillantes. « tu deviens vraiment chelou » elle réagit finalement, se tourne légèrement sur le côté, ses prunelles qui se posent sur l’énergumène à côté d’elle. fidèle acolyte depuis sa tendre enfance. camarade en tout temps mais qui lui semble d’un ennui à mourir désormais. ━ t’as déjà eu la sensation que tout t’échappe ? que tu ne contrôles plus rien ? un nouveau silence alors que la gosse téméraire attends une réponse. comme si ça allait soulager son esprit des multitudes de question pouvant l’envahir. « t’as fumé quoi ? » et elle soupire roxane, reprend sa position initiale. « y a une fête chez ed, bouge ton cul on y va. » elle se redresse doucement, regarde les étoiles encore une fois et finit par obtempérer le pas traînant, rejoignant la décapotable flambant neuve que son père cru bon de lui offrir pour excuser les silences à répétitions. […] mate moi ce cul ed les rires des primates retentissent et roxane offre son meilleur doigt ajusté d’un sourire hypocrite. toujours la même rengaine. le même refrain. c’est éreintant de se retrouver autour d’une bande d’idiots n’ayant jamais évolués après le lycée. elle lève les yeux au ciel, exaspérée par cet ex qui pense encore prouver ses valeurs en ingurgitant des litres de bières. par cette peste de natasha qui se frotte à tout le monde en lançant des regards noirs à toute la gente féminine. c’est peut être plus pour elle tout ça. et quand on l’a bouscule renversant au passage un verre de punch sur son chemisier dernier cri, c’est encore une fois le silence qui prends place dans la pièce. ━ putain, fais attention elle peste alors que tasha s’en mêle, visiblement trop ravie de la situation. « faut croire que t’es plus la reine du lycée roxane. » et un deuxième verre qu’elle prends en plein visage avant de prendre la fuite. ne jamais, ô grand jamais, provoquer roxane.



third letter

Chère Marla,

j’en viens à me dire que si tout dérape, c’est un peu à cause de toi. sûrement à cause de moi aussi. je dois porter trop d’importance à tout ça. à attendre une putain de réponse de ta part. une saloperie de réponse qui ne vient jamais. alors quoi ? je ne suis pas assez bien pour toi ? ta vie est tellement parfaite que tu penses pas me devoir au moins ça ? je demande pas grand chose, merde. je voudrais juste. un signe. que tu me dises au moins que t’as reçu tout ça même si c’est pas le moment pour toi. n’importe quoi qui arrêterait de me faire sentir comme si j’avais pas le droit d’avoir des réponses tout ça. alors désolée, peut être que le billet c’était trop. sûrement que je me suis un peu trop emballée et t’as peut être flippé en te disant « quel genre de tarée peut penser qu’une personne qu’elle ne connait pas traverserait l’océan pour la rencontrer ? » je crois qu’encore une fois, j’ai visé l’utopie. j’ai seulement pensé au fait que tu voudrais peut être connaître ta grande soeur et que comme dans tout film disney qui se respecte tout irait pour le mieux. alors bien sûr, c’est pas disney channel ici. y a pas les happy ending que l’on souhaite forcément alors encore une fois, désolée si t’as eu peur du geste. j’aurais voulu que tu viennes mais je comprends que tu ne l’ai pas fait. je ne comprends par contre pas pourquoi est-ce que tu ne réponds pas. on ne se connait pas, c’est pas comme si je t’avais fais quelque chose de mal à toi. est-ce que tu me reproches quelque chose marla ? je me sens misérable tu vois. misérable à attendre inlassablement de recevoir quelque chose de toi. je crois que y a tout qui me fatigue là. toi, moi, le monde autour de nous. j’ai regardé les tickets d’avions en me disant que si tu venais pas, j’allais venir. et puis je me suis dis que tu me catégoriserais encore plus comme étant une psychopathe. c’est pas ce que je recherche. en fait, je ne demande rien de plus qu’une chance, même minime. du coup cette fois, j’ai joins des photos. pour que tu puisses mettre un visage sur moi, sur tout ça. tu sais, je suis pas fautive marla. je crois que t’es en famille d’accueil, c’est ça ? c’est pas à cause de moi. je me dis que peut être tu me blâmes pour avoir eu notre père alors que toi t’es pas là mais c’est pas à cause de moi. et si j’avais eu le choix, si on m’avait demandé rien qu’une fois mon avis, j’aurais tout fait pour que tu sois là. essaie au moins de croire en ça. putain, je donnerais n'importe quoi pour être dans ta tête quelques secondes et comprendre ce qui se passe. comprendre pourquoi est-ce que tu ne réponds pas, pourquoi est-ce que tu ne veux pas. j'ai pas de solution miracle pour tout ça mais j'espère que cette fois-ci sera la bonne. sincèrement.

Roxane

━ lilas, attends moi elle accélère le pas roxanne alors que son amie de toujours semble chercher à l’éviter. et quand elle pose sa main sur son épaule, lilas se dégage lançant un regard autour d’elle comme pour vérifier que la voie était libre. « on t’as pas vu de l’été roxane » roxane ? personne l’appelle comme ça. pas ici. nesbitch la plupart du temps. alors perplexe, elle hausse un sourcil marmonnant de vagues excuses pour justifier ses absences à répétition. « tasha a raison, t’es plus la reine. » et elle tourne les talons, la laissant seule dans les couloirs de l’université, sans plus de raison. […] ━ je dis juste que tout le monde m’a évité. toute la matinée. lévi lève les yeux au ciel, visiblement agacé. roxane a toujours été la seule à ne pas l’emmerder, à le traiter comme un être humain. mais à côté de ça, elle a toujours pris garde à ne pas lui adresser la parole en compagnie de sa troupe populaire. « tu sais rox, t’as plongé toute seule dans ce « monde » impitoyable. fallait bien t’attendre à un retour. » et il l’a plante à son tour, plus contrariée que jamais. bientôt, elle dépasse les portes, tourne à droite pour rejoindre le parc et profiter des derniers beaux jours, repère aussitôt le groupe, avachis sur l’herbe, se chamaillant comme bien souvent. les regards qui se tournent vers elle, le rictus mauvais qui vient étirer les lèvres de natasha, le regard fuyant de lilas et ed qui mime un vague désolé avant de se concentrer à nouveau sur son sandwich. « la reine déchue est de retour » quelques rires qui s’élèvent et tasha qui lui fait face, mains sur ses hanches, visiblement fière d’avoir gagné la première place. ━ ne me provoque pas. la voix calme de roxane qui s’élève, les rires qui se taisent et tasha qui provoque. « sinon quoi roxane ? tes menaces n’effraient plus personne. » et c’est au tour de la brune de sourire d’un air mauvais, avançant d’un pas, son téléphone à la main en guise d’arme. ━ t’as déjà oublié ? et natasha, elle perd de la contenance, s’agite un peu trop. « la vidéo a été supprimé » la voix qui tremble, qui cherche la confirmation. ━ ça, c’est ce que tu crois




fourth letter

Chère Marla,

je crois que je ne t’ai pas écris depuis un moment. quelques mois à vrai dire. tout vas très vite aussi et.. j’ai été comme absorbée dans une spirale infernale. puis t’as toujours pas répondu alors je crois que quelque part, j’ai juste laissé tomber. je me dis que je passe sûrement beaucoup trop de temps à me battre pour des choses sans importance. je ne dis pas que tu ne l’es pas mais si tu n’as pas envie d’essayer, pourquoi est-ce que je continuerais de mon côté ? et pourtant, je suis de nouveau là, à laisser les mots prendre place les uns après les autres et.. je sais pas. je ne sais même plus ce que j’attends à vrai dire. je me dis que je dois me faire une raison. que tu ne répondras pas à celle-là tout comme tu n’as pas répondu aux autres. que c’est une perte de temps de continuer à le faire tout en sachant que je n’aurais rien de l’autre côté. et en même temps, je trouve ça libérateur de pouvoir poser ce genre de connerie sur le papier. contrairement à ce que l’on pourrait croire, j’ai un tas de truc à confesser. si j’ai pas écris, je crois que c’est surtout parce que j’avais du mal à porter le blâme de tout ce qui a pu se passer. de ce que j’ai fais. et tu te demandes peut être ce que j’ai bien pu faire mais je crois que si je te le racontais, j’aurais définitivement plus aucune chance d’avoir une réponse un jour. je pense que depuis quelques temps, ce que je me demande surtout est : est-ce que je suis une bonne personne ? et qu’est-ce qu’être une bonne personne veut dire ? y a sûrement une infinité de réponse et finalement, je crois que j’ai trouvé. je ne le suis pas. je ne suis pas une bonne personne et je ne le serais probablement jamais. probablement parce que je suis responsable d’un sale truc et que j’arrive pas à ressentir la culpabilité. je peux pas faire semblant de l’être. elle le méritait et à mon sens, le mérite toujours. c’est sûrement pour ça qu’on me regarde comme si je n’étais pas dotée de compassion mais je l’ai jamais caché. j’ai jamais caché que je marchais à la vengeance et qu’il ne fallait jamais marcher sur mes plates bandes. alors dans le fond, elle a tiré elle même les cartes de ce qui lui est arrivée. elle savait que ça lui pendait au nez et a préféré jouer avec le feu comme si je ne mettrais pas mes menaces à exécution. mais tu vois, j’ai gagné. c’est comme si toute ma vie était une partie d’échec et que je mettais constamment des échecs et mats à tout le monde. trop combattive pour certain mais je crois que j’ai juste jamais su me contenter de la deuxième place. après tout, tout le monde fait ce qu’il peut pour trouver un moyen d’exister. mais tu sais marla, si tu me laissais une chance, je ne te ferais jamais ça.

Roxane

flashback ━ s’il te plaît lévi, fait ça pour moi elle bats des cils roxane, tente de l’amadouer. et lui semble mal à l’aise, dansant d’une jambe à l’autre alors qu’il se trouve dans l’antre de la reine elle-même. roxane se lève, esquisse un sourire aguicheur, le pousse vers le bureau où l’ordinateur traîne attendant sagement de jouer sa partie dans ce rôle destructeur. « il y a quoi sur la vidéo rox ? » qu’il demande, sa conscience prenant sûrement le dessus. ━ t’occupes pas de ça, j’ai juste besoin que tu l’envoies ses yeux valsent de ceux de la brune à l’ordinateur, visiblement partagé entre ce qu’il devrait faire et son crush de toujours. « qu’est-ce que tu mijotes encore roxy ? » et peut être qu’il l’a connaît trop bien. qu’il sait que quand elle a ce regard ça ne présage rien de bon. peut être qu’il sait dans le fond qu’il devrait partir en courant et pas se laisser amadouer par ses grands yeux. et elle s’approche toujours plus, laisse sa main glisser sur son torse, soutient son regard alors qu’il perd peu à peu sa contenance. « ok rox. je l’envoie à qui ? » ━ tout le monde. je veux que ce soit virale. que tout le monde le voit. et il s’assoit, pianote de longue minute sur le clavier alors que roxane fait les cent pas. « voilà. » elle sursaute presque alors que son téléphone se met à sonner dans tous les sens. rictus mauvais qui s’affiche, l’air victorieux. un jeu d’enfant.


« POURQUOI T’AS FAIS ÇA ? » natasha qui débarque soudainement, les yeux injectés de sang, l’air paniquée. roxane, elle ne bouge pas le petit doigts, continuant de pianoter sur son téléphone comme si de rien était. « tu le savais putain. tu le savais que ça causerait des problèmes. si ma mère voit ça.. » elle lève finalement les yeux, l’air amusée. ━ tu veux dire quand elle verra ça. parce qu’elle le verra, t’en fais pas pour ça. roxane, elle compte surtout sur ça. tout les autres, c’était juste pour l’humiliation. la mère, c’est pour le coup final. « roxy s’il plaît.. efface ça.. » doucement elle s’étire, se redresse, fait face au désespoir de la blonde qui semble sur le point de fondre en larme. ━ oh, tasha.. lueur d’espoir qui allume les prunelles bleus avant que nesbitch enfonce le couteau un peu plus loin. ━ t’aurais du te douter qu’une sextape avec ton beau père ça t’apporterait rien de bon. et c’est son coca light qui vole au visage de la blonde au regard effarée. ━ qui est la reine désormais ?



fifth letter

Chère Marla,

c’est la quoi ? cinquième lettre ? je crois. y en a pas tant que ça mais à force d’écrire dans le vide, j’en perds le compte. je crois qu’en fait, je multiplie les faux pas avec toi. je choisis pas les bons mots, fait les mauvaises actions. entre le billet d’avion et les révélations sur mon manque de compassion ça doit pas spécialement te donner envie et.. je comprends. tu vois, souvent les gens donneraient tout pour être à notre place. la jeunesse dorée, l’argent à en pleuvoir, les soucis de riche à savoir qui aura la plus grande pool party de l’été. mais ils se trompent lourdement. y a rien à envier de ce côté-là. plus t’as d’argent, plus tu fréquentes des gens vicieux et par association, tu finis par le devenir toi aussi. je crois que ça pourrait expliquer pas mal de chose chez moi. je ne suis pas née comme ça. on arrive tous totalement neutre et c’est l’environnement et les actions qui forgent ce que l’on devient. je crois que si tu venais demander aux gens, on dirait probablement que je suis une garce. c’est pas pour rien que tout le monde m’appelle nesbitch dans le fond. mais est-ce que quelqu’un s’est un jour demandé pourquoi ? pourquoi est-ce que je suis comme ça ? je ne pense pas. ils mettent ça sur le compte d’une gosse qui a eu bien trop de privilège. et bien sûr que j’en ai eu, j’en ai toujours d’ailleurs mais je crois pas que c’est ce qui m’a conduit où je suis. je crois plutôt que c’est la pression constante, cette façon d’être épiée et adulée alors qu’on a jamais rien demandé. devoir renvoyer cette image parfaite, briller en toute circonstance et se montrer la meilleure dans tout pour ne pas se faire manger par les vautours. ouais, c’est la pression le problème. et quand t’es dans ce genre de spirale, je crois que finalement, tu n’en sors plus jamais. regarde, il a suffit de quelques semaines pour que je perde ma place. j’ai du taper le plus fort possible pour la reprendre. ce qui penche en ma faveur c’est les ressources que je peux avoir. je sais où aller et où frapper. c’est juste que ce n’est pas le genre de chose que j’emporterais au paradis. et toi, tu vas bien ? je ne sais même pas pourquoi je pose la question. je raconte ma vie comme si ça pourrait t’intéresser mais y a rien d’autre que du silence chez toi. je suis fatiguée marla. y a un moment où je laisserais réellement tomber. parfois, j’espère le faire et que tu finisses par t’en rendre compte. mais ce serait trop tard et ce sera à mon tour de ne jamais te fournir de réponse. juste pour que tu vois ce qu’on ressent dans ce genre de moment-là. juste pour que tu comprennes que ça fait mal de subir ça.

Roxane

« mais putain, est-ce que pour une fois tu pourrais rien qu’un peu te rendre compte de la merde que tu fais ? » roxane sursaute, l’air hébétée. jamais lévi n’avait levé la voix sur elle, jamais encore il ne lui avait parlé de la sorte. ━ oui bah calme toi. le regard noir qui lui lance lui glace le sang. c’est sûrement la première fois que roxane ne fait pas la fière. « me calmer ? TU m’as foutu dans cette merde. TU prends plaisir à détruire les autres et TU fais de nous tous des coupables. » délicatement, elle remet une mèche de cheveux derrière son oreille, fait craquer ses doigts avant de soupirer. ━ personne ne savait qu’elle ferait sa dramatique. tout ça pour attirer l’attention et les mains de lévi qui l’empoigne, la secoue soudainement. « ILS L’ONT RETROUVÉE PENDUE DANS SA CHAMBRE ROXANE. » elle ne bouge plus, respire plus, attends que la tempête passe. qu’est-ce qu’elle y peut si natasha n’assume pas les conséquences de ses actes ? « t’as de la chance qu’ils soient arrivés à temps. t’as de la chance qu’elle soit vivante putain. » de la chance ? roxane, elle ne se voit pas coupable dans tout ça. elle n’a pas poussé tasha à faire ce qu’elle a fait, elle n’en portera pas le blâme. ━ tu as envoyé la vidéo qu’elle claque dans l’air, le défi dans le regard. et lévi, il se décompose, la lâche finalement pour se passer les mains sur le visage. ━ t’es immonde roxane. tu me files la gerbe une porte qui claque et roxy qui se retrouve seule, encore une fois.



sixth letter

Chère Marla,

et si cette fois j’étais allée trop loin ? si à force de croire que jamais rien ne me tomberais dessus, j’avais dépassé les limites ? c’est pire qu’une spirale infernale. enfin.. je crois ? c’est pas ce que j’ai voulu en tout cas. j’ai beau détester tasha au plus haut point, j’ai jamais souhaité que ça aille plus loin. c’était.. ma revanche pour avoir tenté de m’évincer. ni plus ni moins. à quel moment est-ce que j’étais censée savoir qu’elle irait aussi loin ? que ça la détruirait à ce point ? elle a lancé le jeu contre moi, commencée les humiliations. j’ai juste répondu un niveau au dessus. j’ai porté un grand coup pour la faire redescendre et si j’ai de toute évidence gagné la partie face à elle, j’ai perdu face à tous les autres. forcément. même mon père -notre père- ne me regarde plus dans les yeux. comme si j’étais la honte de la famille ou quelque chose du genre et je peux battre des cils autant de fois que je le veux, ça ne change rien. j’ai juste.. dépassée les bornes. sûrement que c’est trop tard pour dire que je suis désolée et dans le fond, je ne sais toujours pas si je le suis. elle a juste joué au jeu de l’intimidation avec un adversaire plus grand qu’elle. mais tout le monde se fichait bien avant de ce que ça pouvait faire sur moi. kian dit que je suis égoïste de rapporter encore une fois les choses à moi comme si le monde tournait autour de ma personne mais je crois que c’est humain de faire ça. de voir les dégâts sur soit et non pas sur les autres. ou alors je me contre fou des autres. quoi qu’il en soit, j’ai été virée de l’université. l’argent n’aura été suffisant que pour étouffer les raisons. disons que si je veux en intégrer une autre, c’est toujours mieux de ne pas voir inscrit sur mon dossier coupable d’harcèlement moral, de menace et de diffusion d’éléments emmenant une de ses camarades jusqu’à la tentative de suicide. c’est aussi par l’argent qu’on ne m’intente aucun procès alors on pourrait dire que je m’en sors plutôt bien. oui mais dans tout ça, c’est quand même moi qui suis mise de côté et toi qui ne réponds toujours pas. je ne crois pas être si horrible que ça. est-ce qu’on juge les personnes sur une seule action ? bon d’accord, j’ai pas non plus été irréprochable avant mais c’était pas une sainte tasha. elle profite bien de la situation pour redorer son image tandis que je coule ouvertement. je crois que là, j’aurais bien besoin de quelqu’un à qui vraiment en parler. s’il te plaît, réponds-moi….

Roxane

elle étire ses muscles endoloris et comme tous les soirs depuis quelques temps, profite du fait que la nuit soit tombée pour rejoindre l’extérieur. à l’heure où elle ne croisera personne, où personne ne sera là pour l’injurier. roxane, elle se dit que ce n’est qu’une question de temps, que ça finira par s’apaiser. que tout rentrera dans l’ordre et que les gens finiront par oublier. mais le temps s’éternise et les blessures sont toujours là, elle est toujours seule, ça n’avance pas. elle traîne des pieds sur le bitume, abîme sa nouvelle paire de basket par la même occasion et tourne dans une rue qu’elle connaît rapidement, loin de la bourgeoisie qui la hante. lévi habite par là, elle pourrait le jurer. elle hésite mais finit par escalader le petit portillon, contourne l’habitation modeste et découvre la fenêtre à la lumière toujours allumée. avec précaution elle escalade la toiture, se râpe les genoux en même temps mais finit par taper contre le carreau, la gorge un peu serrée. le visage de lévi qui apparaît, surpris puis consterné. la fenêtre qui s’ouvre et les premiers murmures. « tu ne devrais pas être là roxane. » elle sait. elle le sait mais elle a les yeux larmoyants et lévi finit par se pousser pour la laisser passer. ━ c’est un foutu merdier qu’elle lâche enfin, se laissant tomber sur son lit, l’air un peu hagard. lui, il garde le silence ce qui vaut sûrement mieux dans cette situation. ━ j’savais pas que ça irait aussi loin lévi, j’savais pas il est peut être là le problème, personne ne sait que ça peut déraper de la sorte avant d’être allé plus loin. et quand des larmes commencent à ruisseler sur son visage, lévi prends place à ses côtés, l’attire contre lui et la berce doucement jusqu’à ce que la fatigue gagne la partie.



seventh letter

Chère Marla,

je suis fatiguée. sincèrement. je suis épuisée aussi bien mentalement que moralement. alors je crois que c’est la dernière lettre que je t’envoie. le dernier essai. t’en fais ce que t’en veux, c’est ce que t’as toujours fait au fond mais si je n’ai pas de réponse, j’arrête là. je ne peux plus me battre contre tout le monde. contre tout ceux qui ne veulent pas de moi. bref. l’affaire commence à s’étouffer. sûrement parce qu’ils ont trouvés d’autres ragots sur lesquels parler. quoi qu’il en soit, j’ai la paix. même notre père me parle désormais. je crois que dans tout ça, il a finit par ressentir ma propre détresse et.. je sais pas. je ne sors plus beaucoup de toute façon. tiphanie m’envahit de brochure pour les universités, pour que j’en choisisse une nouvelle, que je recommence à zéro ailleurs et y a cette part de moi qui voudrait tenter les grandes. celles des américains. des ivy-league. pff, je ne sais même pas si je serais au niveau. sûrement pas. de toute façon, je crois que la date limite est demain alors c’est trop tard pour prendre une décision. c’est bien beau de réussir les sat’s mais si je ne suis même pas capable de rédiger un essai, à quoi bon ? puis t’aurais sûrement pas voulu me voir là-bas alors quelque part, c’est peut être mieux pour toi. je sais pas. je sais plus grand chose je crois. je suis juste exténuée par la vie en générale, par l’hypocrisie des gens. la différence entre eux et moi est sûrement le fait que je n’ai jamais prétendue être un ange. c’est bien plus facile de me faire porter le chapeau par la suite quand tout le monde sait que « nesbitch » est capable du pire. peu importe. le seul qui vaille le coup dans ce trou c’est lévi. et j’crois que si j’avais pas passé autant de temps à me soucier de mon image, je me serais rendu compte avant de tout ce qui le rendait meilleur que les autres. maintenant, c’est sûrement trop tard. j’ai joué trop longtemps de ce qu’il ressentait pour moi et j’suis pas bête. il a beau me parler, venir me voir et rire avec moi, il ne me porte plus le même regard. j’oublie pas les mots qu’il a pu avoir contre moi et parfois, je me dégoûte de lui avoir fait ressentir ça. merde. je viens de me rendre compte que finalement, t’es devenue un peu comme mon journal intime. tu encaisses tout ce qui va pas chez moi mais tu m’apportes pas de solution. disons que tu m’aides juste à extérioriser tout ça même si t’es pas là. j’te dirais au moins merci pour ça. prends soin de toi.

Roxane

━ P’PAAAA ? OÙ SONT MES TALONS ROUGE ? LES GUCCI ? elle hurle à plein poumons du haut des escaliers alors que comme bien souvent, tout le monde l’attends. « j’en sais rien roxane, mets une autre paire on va être en retard » elle tape des pieds, ronchonne. putain, elle est certaine que c’est tiphanie qui les lui as encore piqué et bien décidé à ne pas changer de tenue au dernier moment, elle passe les portes de la chambre conjugal, poussant les portes de l’immense dressing à la recherche de ses stilettos. et puisque ça l’agace roxane de ne pas remettre la main dessus, elle s’énerve, dérange les cintres, laisse tomber des tissus par taire, fait tomber des boîtes. si bien que le dressing impeccable donne l’impression d’avoir vu naître une tempête. « ROXY SI T’ES PAS EN BAS DANS DEUX MINUTES JE VIENS TE CHERCHER » bla-bla-bla. elle lève les yeux au ciel, pas le moins du monde impressionnée. elle sait qu’elles sont ici, c’est pas de sa faute à elle. et elle grimpe sur une étagère, tire sur une pile de boîte qui s’éventrent au sol et.. elle se laisse tomber. à genoux au milieu du foutoir, les yeux rivés sur les diverses enveloppes. ses enveloppes. celle pour marla. elles sont toutes là, impeccables, cachetés. et y a son père qui passe les portes, d’abord furax puis embêté. « roxy ? » la jeune femme redresse la tête, les enveloppes en main, cherchant à comprendre. « c’est pour ton bien rox.. » justification vaine qu’elle ne veut pas entendre. c’est l’ultime trahison. c’est pas marla la sans coeur, c’est lui qui a condamnée cette relation avant même qu’elle ait une chance. ━ je te hais t’entends ? je te hais.