MIA G. CABALLERO ► lexus amanda

« Le 31/01/1995, San Francisco. Deux petits enfants pointaient le bout de leur nez, à quelques minutes d'intervalle. D'abord une petite fille, qu'on décidait d'appeler Mia Gisele. Mia, parce que c'était dans l'air du temps, selon vos parents. Et Gisele, pour votre grand-mère paternelle. Et un petit garçon, qu'on appelait Diego Luis. Et pour moi, c'était un jour merveilleux, car ma fille devenait maman une nouvelle fois, de deux petites merveilles. » Ma grand-mère nous a raconté cette histoire des centaines de fois. C'était une femme vraiment admirable. Et aujourd'hui, on vient lui dire un dernier au revoir. Le cancer l'a emportée dans la fleur de l'âge. Je garderai toujours en mémoire ces rires partagés, cette éducation qu'elle nous a donnée, quand nos parents travaillaient d'arrache-pied. Mon père, il était toujours ailleurs, sur des chantiers, à l'autre bout du monde, mais rarement à la maison. Maman, elle partageait son temps entre le tribunal, les visites en prison pour ses clients, son cabinet d'avocats. Heureusement que notre grand-mère était là pour garder un lien avec la famille, pendant notre enfance. Certes, on a jamais manqué de rien, on vivait dans une belle baraque dans la banlieue chic de San Fran', on allait dans une école privée catholique, encadrés par des bonnes soeurs. Mais ça ne faisait pas tout. Et aujourd'hui, tout le monde est réuni pour la première fois depuis des années. Le prêtre nous salue, il nous connait tous. Il a du mal à reconnaître ce que je suis devenue. De la petite fille sage, avec ses couettes châtains clair et le sourire toujours aux lèvres, ne reste que les cheveux noirs et le regard noisette. L'office commence sous le son de l'orgue, et le long discours se fait entendre dans la salle. Je n'écoute pas vraiment, mon regard reste figé sur cette masse en bois. « Mia, on va lui rendre un dernier hommage ? » La voix de Diego venait me tirer de ma torpeur. J’acquiesçai simplement de la tête. En me dirigeant vers le pupitre, je posais ma main sur sa dernière demeure. « Aujourd'hui, ce n'est pas le plus beau jour de nos vies. On dit au revoir à celle qui nous a toujours consolés, écoutés, éduqués, aimés, peu importait nos choix de vie. Et j'aimerais qu'elle sache à quel point on l'aime, même après cette boîte massive. Merci, abuela. Pour tout...» dis-je avant d'éclater en sanglots, dans les bras de mon frère, sous les yeux de notre grande soeur, Veronica. Elle aussi, était attristée de cette perte, mais elle gardait la tête plus haute que quiconque dans la salle. Elle restait forte pour moi, pour notre mère, notre cousine.