Je suis née le jour de la Saint Valentin, et c'était la douce époque où tout roulait entre mes parents. Elle était encore dans la salle de travail quand il est parti lui chercher un énorme bouquet de roses rouges, pour fêter mon arrivée en ce bas monde, et pour lui montrer qu'il l'aimait. Il ne neigeait pas, ce jour là. Le ciel était clair, d'après ce qu'on m'a raconté. Une journée où visiblement, tout était heureux. Ils ont décidé de me nommer Orianna, parce que c'était beau, que ça collait aux origines de mon paternel, et Marge. Pourquoi Marge ? Parce que c'était le prénom du chat de ma mère, qui est mort deux jours avant que je vienne au monde. J'ai un putain de prénom de chat, mais heureusement, personne n'est au courant de ce prénom, sauf ma famille, et Mia.
Quand j'ai eu dix-huit mois, ma mère est retournée en salle de travail, et m'a donné une petite soeur, Jessica. Au départ, j'étais pas trop prête à partager ma mère avec cette patate baveuse et chauve. Mais finalement, c'était plutôt agréable de grandir avec elle. Elle était souvent mon alibi, la victime de mes conneries parce que je l'accusais pour pas me faire engueuler, mais aujourd'hui, je l'aime trop. Mais je n'accepte pas qu'elle grandisse si vite, même si on a si peu d'années d'écart.
A sept ans, mes parents se séparent. Après un jugement chaotique, elle obtient la garde exclusive de Jess et moi, et mon père, un droit de visite hebdomadaire et le partage des vacances scolaires. Depuis ce jour là, je ne l'ai jamais revu. Je ne sais pas s'il est retourné au Mexique ou s'il nous a complètement oubliées. Mais j'ai pas eu besoin de lui pour grandir convenablement.
Ma mère travaillait beaucoup, et souvent, des nourrices s'occupaient de nous. J'avais ma préférée, une femme avec le coeur sur la main, plutôt jeune à l'époque. Elle s'appelait Rosa. Elle savait comment réagir avec nous, comment nous redonner le sourire quand ça n'allait pas. Elle a beaucoup participé à notre développement personnel, finalement.
CHAPITRE DEUX : c'est l'appel de la rébellion, le coeur se soulève et les âmes perdues se renversent.
Les joies de l'adolescence et ses changements perpétuels. Comme tous les ados de la planète, j'ai eu ma crise, autant identitaire que caractérielle, physique et musicale. Un matin, je me suis réveillée avec cette furieuse envie de changement. Je suis partie au centre commercial avec des copines, et j'ai fait la totale. Changement capillaire. Du châtain clair naturel, je suis passé au noir de geai. Niveau fringue, même ton. Du maquillage sombre à outrance, une vraie gothique Quand je suis rentrée à la maison, ma mère a vraiment tiré la gueule.
« Qu'est-ce que tu fous habillée comme ça ? Et qu'est-ce que t'as fait à tes cheveux ? » Son air ahuri, c'était vraiment une récompense pour moi.
« C'est mon nouveau look, y'a un problème ? » Elle ne disait rien de plus. J'allais m'enfermer dans ma chambre, sur mon ordinateur et faisais hurler la musique dans la pièce, jusqu'à la rendre folle. Puis ma période gothique passait peu à peu. J'en avais marre qu'on me prenne pour Morticia Addams. Alors j'ai troqué le noir pour un rouge pétant, et le total look noir pour des fringues plus colorées, mais toujours dans l'esprit rock.
Au collège, j'avais un groupe de copines, et Mia. Elles parlaient toutes de mecs et de ce qu'elles imaginaient avec eux. Et j'avais souvent le droit à la fameuse question
« C'est quoi ton genre de mec ? » et à chaque fois, la question me mettait mal à l'aise. Mais heureusement, Mia venait me sauver le cul à chaque fois.
« Laissez la, elle se respecte. C'est pas une salope comme vous, les meufs. » Cette fille, c'est vraiment pas la classe incarnée, mais elle me vend du rêve depuis maintenant huit ans. C'est d'ailleurs grâce à elle que j'ai connu mon orientation sexuelle. Elle était la première à sortir du placard, comme on dit. Elle m'a expliqué comment c'était devenu une évidence pour elle, que les hommes ne l'attiraient pas. Quand j'y pensais, je me disais que mon regard ne se portait jamais sur eux, et que de regarder une fille n'était pas déplaisant. Un soir où Mia est venue dormir à la maison, je me suis endormie enlacée à elle et j'ai trouvé cette sensation vraiment agréable. On a pas bougé de la nuit et au réveil, un seul mot est sorti de ma bouche.
« Merci. » Elle se tournait vers moi, avec un regard interrogateur.
« J'ai la tête dans l'cul là, merci pour quoi ? » Un léger rire sortait de ma bouche.
« D'être toi, c'est déjà pas mal. Et de m'avoir aidée à me trouver. » Ainsi venait le temps de s'accepter, ce qui fut assez rapide, finalement. Ma mère et ma soeur l'ont bien pris, c'est tout ce qu'il comptait pour moi.
CHAPITRE TROIS : le temps des amours ne dure qu'un temps.
Maintenant que mon orientation sexuelle est définie, je peux enfin m'ouvrir aux autres. Quand je vois Mia aux bras d'une fille, je trouve ça mignon, mais ça m'emmerde un peu. Parce que Mia, elle mérite une fille bien, et souvent, c'est pas le cas. Souvent, on discute de ses relations. Elle a toujours été plus frivole que moi.
« Cette fille, elle est pas faite pour toi. Elle te parle mal, je vois que t'es pas heureuse. Pourquoi tu t'accroches ? » lui disais-je quand l'une de ses ex la prenait pour une merde. Pourtant, elle voulait y croire, jusqu'au jour où c'est allé trop loin.
« Allo, Ori ? C'est moi... Elle m'a frappée. J'peux venir chez toi ? Ouais, j'sors de l'hôpital et des flics. Merci, j'arrive. » Ce jour là, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai eu envie de démolir son ex comme j'ai jamais eu envie de démolir quelqu'un. Personne n'a le droit de toucher ma meilleure amie, surtout qu'elle est adorable, quand on la connait bien et qu'elle se laisse apprivoiser. A ce moment là, j'étais en couple avec une fille, mais ma proximité avec Mia la dérangeait. Elle était persuadée qu'on avait déjà couché ensemble, alors qu'il ne s'était jamais rien passé. Ca a eu raison de notre relation, parce qu'elle n'a pas supporté. Il faut dire que je suis le genre de fille qui ne couche que lorsque j'ai des sentiments pour la personne en face. Au final, je n'ai eu que très peu de relations, souvent durables, avec une période de célibat respectable entre chaque histoire, pour bien cicatriser.
Je dois avouer que dans certains moments de solitude, avec Mia, ça a dérapé, mais pas complètement. C'est rare que ça se produise, mais on s'arrête à chaque fois bien avant que ça devienne trop chaud. Mais j'ai vraiment envie de voir où ça pourrait nous mener, tout ça. Puis, il parait que les relations entre meilleures amies diminuent le risque de divorces, donc si jamais on doit se mettre ensemble, ça pourrait marcher, non ?
CHAPITRE QUATRE : c'est Harvard, bébé !
En dehors de mes histoires de coeur, amicales et familiales, il y avait aussi mes études. Ma mémoire étant assez bien développée, je n'ai jamais eu aucun mal à m'en sortir lors des examens que je passais. En entrant à Harvard, j'ai eu une telle fierté ! J'ai su m'épanouir au sein de mes cours, en me liant de nouvelles amitiés, de nouveaux amours, et toujours accompagnée de près ou de loin par la plus belle partie de moi, ma meilleure amie, Mia. J'ai trouvé un job comme masseuse dans un salon de bien-être, et j'en suis plutôt satisfaite. L'ambiance est bonne, puis c'est assez drôle d'entendre les potins des clientes qui se plaignent de leurs maris. J'ai souvent tendance à leur dire en plaisantant qu'elles devraient changer de partenaires, et de sexualité. En général, ça passe bien, sauf avec les vieilles connes qui portent une moumoute sur la tête pour cacher qu'elles ont une calvitie.
Je vis dans mon appartement, seule. Ca me laisse le plaisir d'y inviter qui je veux, quand je veux. Enfin, j'ai un colocataire qui passe son temps à dormir sauf entre 4 heures du mat' et l'heure de mon réveil. Et tout ce qu'il trouve à me dire dans ces moments là, c'est « Miaou ! » Son nom ? Théodore, comme le Chipmunk, ouais. Il est tout gros et tout mignon.Puis, vu que mon deuxième prénom c'est celui d'un chat crevé, pourquoi mon chat aurait pas un nom de Chipmunk, franchement ? Pendant le Summer Camp, il est avec ma soeur. Je sais qu'elle s'en occupe à merveille. Voilà la vie que je mène.