ANITA HOWARD ► lily maymac.

Assez fatiguée, la bouche pâteuse et les jambes courbaturées, tu sors de ton lit pour rejoindre tes parents et ton frère dans le salon. Tu as toujours adoré vivre dans ce grand appartement, au cœur de Copenhague. Ville que tu chéris particulièrement. Berceau de ton enfance, tu n’as jamais vécu ailleurs, tous tes repères s’y trouvent. Tu viens d’ailleurs d’y fêter tes 15 ans, lors d’une simple petite soirée avec tes amis. Comme tu aimes. Pas trop d’artifices, pas trop de chichis, juste les gens que tu aimes. Tu as d’ailleurs hâte de raconter à tes parents ce moment et leur montrer les cadeaux que tu as eu. Tu les retrouves, tous les trois attablés autour d’un joli brunch. Tu as super faim, tu repères déjà les pancakes et les muffins. T’as un problème avec le sucre, ça c’est indéniable. Tu t’installes après avoir embrassé tout le monde. Tu es extrêmement proche de tes parents, il n’y aucun tabou entre vous, vous vous dites tout. Ton amour pour eux est inébranlable, si tu pouvais choisir d’autres parents, tu les aurais choisis eux, sans aucun doute. Ton frère, c’est plus compliqué. Tu l’aimes énormément, mais il est… trop problématique à tes yeux. Tu ne fais donc clairement pas attention à sa mine déconfite, qui est tout bonnement son expression fétiche. Tu commences à te servir, quand soudain ton père te demande de l’écouter. Tu poses tes couverts et le regarde. Tu écoutes son discours, sans prononcer un mot. Son ton est chaleureux et dur à la fois. Tu comprends que tu n’as pas le choix. Tu tombes de dix étages. Comment peuvent-ils te faire ça ? « Je ne veux pas partir, papa. » lâches-tu, au bord des larmes. Tu les connais, s’ils t’annoncent un projet, il est confirmé. Tu vas quitter le Danemark, pour aller vivre à l’autre bout du monde. Qui dit nouveau projet immobilier sur un nouveau marché, dit changement de vie. Tu avais remarqué que ton père s’absentait de plus en plus souvent ces temps-ci. Cette fois, il est clair. Il part, et nous emmène avec lui. Et à ce moment précis, tu as exactement un mois pour faire tes adieux à tes amis, ta ville pour aller à la rencontre de ta nouvelle ville : Singapour.



Tes premières semaines dans ton lycée international de Singapour ne s’étaient pas forcément bien passées. Tu dirais que tu as un peu de mal à t’acclimater. Tu viens d’un petit pays, d’une ville pas très grande où beaucoup de gens se connaissent et où il fait bon vivre. Et te voilà en Malaisie, à Singapour, au cœur de tout ce que tu ne connaissais pas. La petite Anita réservée, simple, joyeuse et calme ne trouvait pas sa place parmi l’extravagance de cette ville. Bref, ce samedi soir, on t’a invité à une soirée. Ou plutôt, on a invité ton frère. Mais comme tes parents ont bien remarqué que tu ne t’intégrais pas, ils ont demandé à Nano de t’emmener. Tu t’en serais franchement bien passée. N’importe, te voilà embarquée. Vous arrivez tout les deux dans une immense villa, sûrement trois fois plus grande que la vôtre, que tu trouves déjà immense. Des voitures toutes aussi chères les unes que les autres dans la cour, et tu entends la musique battre son plein. Au vu des bruits de que tu entends, tu déduis qu’il y a une piscine, évidemment. Vous êtes accueillis par une fille, sûrement de l’âge de ton frère (c’est-à-dire 18 ans). Tu la fixes et hausses discrètement les sourcils. Cette fille est toute juste majeure et ses seins, ses lèvres et son nez sont déjà refaits. « Pas de conneries, je n’ai pas envie de te surveiller toute la soirée, alors t’es gentille et tu souris. » te lâches Nano, disparaissant déjà de ta vue. Toujours aussi sympathique. Tu rentres donc pour découvrir cette immense terrasse avec vue sur la skyline de la ville, avec une piscine presque olympique. Il doit y avoir au moins 200 personnes. Un mec s’approche de toi et te propose un verre. Tu acceptes, même si tu ne bois pas d’alcool. Tu le vois se fondre dans la masse, tu ne le quittes pas des yeux. Tu as bien fait, tu le vois au loin te servir un verre rempli d’alcool, alors que tu venais de lui demander un simple jus. Tu t’enfuis de là où il t’avait dit de rester, pour le semer. Tu prends place un peu en retrait, sur un canapé. La soirée passe, et tu te demandes comment tu peux te trouver ici. Tu t’avoues quand même que la soirée a l’air cool, malheureusement tu ne connais personne alors difficile de te mettre dans l’ambiance. Soudain, un autre gars s’assoit à tes côtés. Tu lui souris, pensant qu’il venait juste chercher un peu de silence. « Tu es nouvelle ici ? » Oh mon dieu. Il te parle. Tu réponds d’un hochement de la tête. Tu tournes enfin la tête vers lui. Il est plus vieux que toi. Mais qu’est-ce qu’il est beau. Tu sens ton cœur s’emballer quand il pose son regard sur toi. C’est fou, tu ne comprends pas comment un inconnu peut avoir cet effet sur toi. Ton moment de planage totale est interrompu par ton frère, qui décide de se ramener au mauvais moment, comme par hasard. Tu comprends rapidement qu’il a décidé de choper une fille, et que tu vas te retrouver seule. « Donc t’es la sœur de Howard ? Je n’y crois pas, c’est incompréhensible. » qu’il te balance. Tu le regardes, l’air malicieux. « On nous le dit souvent. Parait-il que je serais plus souriante. » dis-tu en rigolant, plongeant ton regard dans celui qui semblait être le premier point positif depuis ton arrivée dans cette ville. Il sourit à son tour. « Je m’appelle Kevan. »



Combien de fois tu aimes te rappeler ce souvenir. Ce si beau souvenir, celui qui remonte à ta rencontre avec Kevan, ton amour. Deux ans plus tard et nombreuses péripéties, Kevan fait amplement partie de ta vie et de ton cœur. Tu ne le remercieras jamais assez de t’avoir appris à vivre dans cette ville. Tu as découvert avec lui le bonheur, l’amour, le sexe, la vie. Il t’a tellement appris. Tu l’aimes tellement. Tellement que tu en as mal. Deux ans après votre rencontre, il te fait mal sans cesse, tous les jours. Depuis quelques mois, tu as découvert un nouveau visage de celui que tu considères comme l’amour de ta vie. Il te trompe, tu le sais. Avec plusieurs filles, sans arrêt. Tout le monde le sait. Mais tu ne fais rien, tu aurais bien trop peur de le perdre. Il est ton repère dans cette ville. Toutes les amies que tu t’es faite ne saurait te suffire autant que lui peut te suffire. C’est indicible, tu es folle amoureuse d’un homme qui te rend malheureuse. C’est ainsi que tu te sens. Seule, vide et indéniablement accroché à cet homme. Alors tu sors, avec tes copines, tu bois, pour oublier. C’est le cas, ce soir. Tu te retrouves là où tout a commencé, dans cette maison. Ton frère est aussi là. T’es complètement bourrée et Kevan débarque. Il t’attrape par le bras et te tire violemment, il est énervé, il n’aime pas que tu te bourres la gueule. Il s’emporte et tu n’entends rien tellement tu as bu. Il te serre, t’as mal mais tu es incapable de te débattre. Tu en as marre, tu es à bout. « Dégage, t’es qu’un connard. » que tu lâches, ne te rendant pas compte de la pesée de tes mots. Jamais tu n’aurais dit ça en temps normal, pas à lui. Et là, tu la sens. La dure réalité de cette relation qui te bouffe, cette amour toxique qui te consume petit à petit. Elle est partie, et tu n’aurais jamais cru qu’il lèverait un jour la main sur toi. Ô grand jamais. Tu tombes à terre et tu ne suis plus rien. Tu entends juste quelqu’un se ruer sur Kevan, en l’insultant et le frappant. Nano avait tout vu et tu réussis alors à parler, suppliant presque ton frère de ne pas faire de mal à Kevan. Tu étais tellement perdue.



Tu as mis longtemps à te remettre de cette relation. Difficile d’oublier un homme qui a eu tant d’influence sur toi et que tu as tant aimé au point de ne pas voir qu’il te détruisait à petit feu. Tu ne le vois presque plus ou seulement lors de soirées, qui se font rares. Tu as réorganisé ton cercle d’amis, et revu ta manière de vivre. Tu t’étais perdue dans un monde aux antipodes de celui dans lequel tu vivais auparavant et cela t’as à jamais changé. Tu as perdu beaucoup du regard innocent que tu pouvais avoir sur le monde. Ces quelques mois depuis ta rupture t’ont fait prendre en maturité. Tu n’as jamais été aussi proche de ton frère, également. Ce malheureux drame aura au moins eu le mérite de te rapprocher de ton frère aîné. Tu as travaillé ta fin de dernière année de lycée calmement, en te concentrant sur tes études et ta famille. Tu as travaillé d’arrache pieds pour décrocher ton droit d’entrée dans l’université la plus prestigieuse du monde, Harvard. Là où tu espères démarrer une nouvelle vie, loin du chaos qu’aura été ton petit bout de chemin à Singapour.