TOPIC DE GROUPE ► Luna Caffe

La brune aux origines joliment marquées sur sa peau sembla hésiter à son tour ; qu'avaient-elles en cette journée de réveillon de Noël ? Il lui adressa un sourire et la rassura : un peu trop vite je suis peut-être venu à votre table. Pardonnez-moi, prenez votre temps. Il glissa la carte de la Luna Caffe poliment entre ses mains et tourna un petit temps entre les tables pleines – qui l'appelaient pour commander – et le comptoir – où il réceptionnait les commandes pour les mener jusqu'aux clients –. Il ne put remarquer le signe joyeux de Syd (@Sinna Sinclair) , ni la mine lasse de celle qu'il comprend être écrivaine (@Anna-Katrina Hutton), mais il se rattrapa bien assez tôt.

Une fois les habitants de Boston tous assis et servis, il glissa en direction de ceux qu'il avait mis un peu de côté et demanda tout d'abord à Syd : alors, tu en penses quoi ? Avait-elle une préférence ? Il se permit de prendre le petit cadeau entre ses doigts, lui mit la tête à l'envers avant de le replacer tout droit dans sa paume. Les petits flocons de neige tombaient sur la scène. Un renne était attelé à un traîneau, sur lequel deux lutins colorés plaçaient les cadeaux. Regard furtif vers la demoiselle à l'autre table, il lui offrir une esquisse et leva la main plate pour lui présenter ce qui s'ajoutait aux commandes qui contenaient , au minimum, une boisson et une pâtisserie ou un sandwich.

Il n'avait pas besoin de crier pour lui lancer : vous voyez ? Sinon, puisqu'elle n'avait pas de plateau, elle pouvait toujours s'avancer et prendre une chaise au plus près du serveur nord-coréen. À Harvard, je pensais te croiser, adressa l'Asiatique à celle qui s'était présentée à lui comme stagiaire à l'université de l'élite, au moins à la cafétéria !

L'exclamation de Syd (@Sinna Sinclair) laissa un éclat échapper d'entre les lippes du nord-coréen, sourire si grand qu'il plissa davantage ses yeux bridés. Elle adorait. Quoi ? Il ne savait pas, mais quelle importance tant qu'elle se sentait bien, et à son aise. Boule à neige entre les mains, il lui fit faire une cabriole afin de voir se jouer la scène pour la énième fois. Il n'en avait pas connu de pareil avant d'arriver aux États-Unis et trouvait apaisant de regarder la neige – ou tout autre petit confetti – redescendre doucement sur les plus gros éléments.

Les bâtiment de littérature et de médecine sont à l'opposé, dit-il en gardant ses yeux rivés sur les flocons. Séparés par Charles River même, ceci expliquait donc cela. Mais on mange bien à la cafétéria, tu devrais aller y faire un tour , suggéra-t-il. Lui ne savait pas cuisiner, alors c'était rare qu'il prenne avec lui de quoi casser la croûte dans un des parcs adjacents. Ils sont sympa, les professeurs avec qui tu manges, enchaîna-t-il. À moins qu'elle préférait rester dans son coin, ce qu'il trouverait étrange vu son degré de sociabilité.

J'ai déjà attaqué la rédaction de ma thèse , avoua-t-il en reposant le cadeau. Un brouillon ordonné dans lequel il écrivait tout dans le moindre détail. Son superviseur lui avait dit de laisser ça pour la/les dernière(s) année(s), mais c'était déjà assez complexe de devoir s'exprimer dans une langue qui n'était pas la sienne pour qu'il se risque à s'embrouiller dans le cheminement de ses idées. Et j'ai fait de bons temps en compétition, même si la dernière me reste au travers de la gorge, confia-t-il ; le milieu de classement était dur à avaler.

Mots à peine terminés d'être prononcés que ses yeux furent appelés à se poser sur ce signe discret de l'autre cliente (@Anna-Katrina Hutton). Excuse-moi , adressa-t-il à Syd avant de sortir son carnet et de s'avancer vers la jolie trentenaire. Pas du tout, je serai heureux de prendre votre commande, dit-il, l'esquisse ne lâchant pas l'épaisseur de ses lèvres, Vous avez craqué du coup, demanda-t-il en notifiant le numéro de table en haut de sa feuille. Il releva ses agates et ajouta pour plus de clarté : pour le cadeau, vous allez prendre un menu ?

Ji-hun laissa Syd(/Sinna) savourer son menu pour revenir auprès de la brune (@Anna-Katrina Hutton) qui l'avait interpellé d'un petit signe du doigt. Arrivé près d'elle, il lui assura qu'elle ne le dérangeait pas. Cette petite teinte rosée collée à ses joues lui faisait perdre quelques années ; il trouva que ça donnait à la jeune femme un air mignon. Il lui proposa de nouveau le menu, supposant bien puisqu'elle lui confirma avoir opté pour ce choix-là. Je vous écoute , dit-il, donnant posture à son stylo contre la feuille du carnet. Et il répéta : sandwich, boisson, dessert. Menu complet donc, elle aura définitivement le droit à son cadeau.

Il allait pour lui demander plus de précision mais il n'en eut pas besoin ; il conclut : poulet, café noir et brownie. Un point final valsa en bas de page, et le crayon rejoignit l'arrière de l'oreille du brun. Nous avons prévu des quantités suffisantes, ne vous en faites pas, rassura-t-il l'écrivaine avant de reprendre : je vous apporte ça tout de suite. Il tourna les talons, contourna les tables, prit l'allée centrale, le tout à grandes enjambées, pour se retrouver au comptoir, là où il déchira le morceau du feuillet et le tendit à l'un de ses collègues. Bonjour, et bienvenue à la Luna Caffe. Il s'exclama, tout sourire, en direction d'un couple qui venait de faire son entrée.

Quelques minutes suffirent pour que le plateau de sa cliente soit préparé, il revint alors jusqu'à elle, déposant minutieusement les trois éléments sur la table, et... La boule à neige, bien sûr , ajouta-t-il, la sortant de la poche avant de son tablier. Vous avez besoin d'autre chose, demanda-t-il, au cas où il pouvait compléter son service ; de compagnie, peut-être ? Vous aviez l'air pensive, tout à l'heure , se permit-il de constater. Ailleurs, complètement. À des miles d'ici. Il n'avait bien évidemment pas vu l'épisode avec le portable, l'aurait sans doute trouver exaspérée à ce moment-là.

Heureux d’enfin pouvoir satisfaire l’écrivaine, l’esquisse enchantée, Ji-hun partit rejoindre le comptoir pour passer la commande à ses collègues qui s’y trouvaient. Il n’y eut pas besoin de préparer un sandwich au poulet, ni de refuser le brownie commandé, puisqu’ils étaient frais et disposés dans la vitrine. Il n’avait suffit que de les tirer à l’aide de pinces pour les placer sur le plateau. Le temps que goûte le café noir, le nord-coréen eut le temps de saluer un couple tout juste entré dans l’établissement. La tasse rejoignit serviette, cuillère et carrés de sucre emballés – juste au cas où, avant que ce petit monde puisse être transportés jusqu’à la jolie brune.

Cadeau dévoilé une fois servie par le doctorant, L’exclamation qui chatouilla les cordes vocales de la plus âgée attendrit le serveur. Il se permit d’engager la conversation, au risque de paraître indiscret, mais les nombreux soupirs qui avaient dévalé sa bouche le rendaient désolé. C’était sa dernière journée ici, et dans quelques minutes à peine la fin de son service sonnera. Il avait tout juste le temps de tenter d’adoucir un peu la journée de cette jeune femme avant de déposer le tablier. Il prit place sur la chaise face à elle comme suggéré, non sans un regard sur la salle ; les nouveaux clients avaient été abordés par une collègue.

Oh…, fut-il surpris de l’annonce, mais pas le moins du monde déçu, je n’aurais pas deviné. Mais ça ne change rien, pour moi. Au contraire, ils avaient tous deux signés pour le même document déontologique, et partageaient ainsi la même éthique, ils étaient plus à même de se comprendre, et ça fit tilt. Vous ne serez pas avec vos proches pour le réveillon, c’est bien ça, l’interrogea-t-il ; visait-il juste ? Ça faisait partie de leur domaine d’activité ; les autres avant soi. Ça n’empêchait pas qu’il y avait de ces moments où on aimerait passer du temps avec les siens, auprès de ceux qu’on aime. C’est ce qui vous rend triste, demanda-t-il avant de pincer ses lèvres et baisser ses rétines.

Il suivit les défauts incrustés dans le bois de la table, compatissant ; lui non plus ne sera pas avec sa famille biologique ce soir. Je peux faire quelque chose, se proposa-t-il à la consoler ; n'importe quoi ?

Les clients étaient tous servis, le dernier couple a entré fut accosté par l'une de ses coéquipières, il put alors mettre sur pause son rôle de serveur et s'installer en face de l'une des habitués. C'était aussi ça travailler dans une brasserie, être l'oreille attentive que les passants n'avaient réussi à trouver nulle part ailleurs – si tant était que le boulot était fait ; les bonnes notes octroyées, en tout cas, les félicitaient pour le professionnalisme et l'humilité – l'humanité – des employés. Cette proximité lui permit d'apprendre que la jeune femme donnait ses heures aux urgences de l'hôpital. La surprise marqua ses traits, car il l'avait vue bon nombre de fois remplir les pages d'un roman sur son ordinateur.

Je veux dire, commença-t-il à se reprendre, cherchant les mots adéquats pour exprimer le fond de sa pensée – qu'elle lui pardonne s'ils n'étaient pas ceux appropriés, vous auriez pu être vendeuse dans un seven/eleven que vous n'en auriez pas été moins intéressante à mes yeux. Il les plissa d'ailleurs, inspira profondément et reprit : j'aime voir vivre les gens. Les regarder, les analyser, parfois les copier pour mieux intégrer cette société à laquelle il aimerait un jour appartenir. Même après presque une année aux côtés des Bostoniens, il arrivait encore à être bluffé par certaines manières d'agir ou de fonctionner. Et puis vint naturellement la conclusion qu'elle sera peut-être « seule » pour les fêtes.

Elle offrira son réveillon, probablement même son Noël, à ceux qui auront besoin d'elle quand sa famille célébrera ces événements ici ou quelque part ailleurs. Il remarqua bien évidemment l'humidité qui pointa dans ses yeux, ses sourcils se levèrent plein de compassion. Un jour lui aussi manquera probablement à l'appel autour de la table, captivé par le projet scientifique qu'on lui aura cédé, borné de terminer ce qu'il avait commencé, ou obligé d'attendre patiemment que les résultats puissent enfin tomber. Ça faisait partie de la passion du métier. Pourtant, il suffisait parfois d'un rien pour remettre sur pied, alors, de son maigre pouvoir, que pouvait-il exaucer pour un peu l'apaiser ?

Faneuil Hall, sortit-il aussitôt. Il était allé voir l'éclairage public de ce magnifique sapin de Boston en début de mois, et il est magnifique ! Il s'exclama tout en lui souriant. Pas le temps de papoter plus en avant que le responsable de Ji-hun l'interpella du bout de la salle, et ce dernier savait pourquoi. Les coups de seize heures venaient de retentir, il était tant pour lui de prendre son chèque et de partir. Profitez bien de votre repas, vous allez en avoir besoin, se montra-t-il prévenant avant de quitter l'assise. Dans les vestiaires il ôta son tablier, prit ses effets personnels, son salaire du mois entamé, revint dans la salle et se dirigea vers le comptoir pour qu'on lui donne le droit à ses pourboires.

Définitivement il quitta la Luna Caffe, mais ne partit pas sans laisser à une personne exceptionnelle une attention particulière. Car lorsqu'elle demandera l'addition de sa consommation, sur le papier la docteure y verra anoté « tout frais payé », un petit mot pour l'accompagner : « pour votre engagement, merci infiniment ».