« Mylena, stop running, you’re gonna fall ! Come on, wait for me ! » « Hurry Ely, daddy’s here ! I saw his car outside. Come one, we’ll get a lot of gifts. Hurry ! Ouch !!! » « See ? I told you not to run. You’re okay ? » « I’m fine Ely. Just hurry. » Et elle repartit de plus belle. Comme toujours, je la suivais, loin derrière, dans son ombre. Mylena était ma sœur, ma jumelle. Nous nous ressemblions comme deux gouttes d’eau et pourtant, nous étions comme le soleil et la lune. Oui, cette image nous représentait à merveille. Elle était le soleil, éclatant et chaleureuse, celle que personne ne pouvait vivre sans. Moi, j’étais la lune, celle qui était toujours présente mais qu’on ne voyait que très peu, celle qui se cachait, froide et timide, celle dont le monde pouvait s’en passer sans réelles conséquences (si ce n’est sur les marées, mais ça, c’est dans un tout autre domaine). Je m’y étais habituée. Mylena était la préférée, je le savais, je l’ai toujours su. Nos parents l’aimaient tellement que par moment, ils me délaissaient, oubliaient qu’ils avaient une autre fille. Je ne les détestais pas, je les comprenais, parce que moi aussi, j’aimais Mylena, peut-être plus qu’il ne le fallait. Elle était plus que ma sœur, elle était ma jumelle, mon modèle, mon amour, mon âme sœur. Je ne pouvais pas vivre sans elle, et puis, la vie n’avait pas de goût, morose et triste. Grâce à Mily, elle était belle et chaque jour, je me réveillais à ses côtés, heureuse.
« DADDY !!!! Welcome back daddy ! I’ve missed you so much ! Did you get me some gifts? » Je la voyais sauter dans les bras de notre père, un grand sourire au lèvre. Je le voyais rire en la rattrapant, la serrant contre lui. Je l’enviais, moi je n’aurais pas montrer autant d’affection. De toute façon, papa aurait trouvé ça bizarre, que je l’embrasse ainsi.
« Oh Honey, I’ve missed you too. Of course, I got you gifts Here you go. And this is for you Elysia. » « Oh, thank you dad. » Bien sûr, j’avais aussi reçu un cadeau, j’étais contente. Il m’avait offert un livre, comme toujours. Je l’avais déjà celui-là, mais ce n’était pas grave, c’était l’intention qui comptait. Je regardais Mily ouvrir ses cadeaux un à un. Parce que oui, elle en avait reçu plusieurs, comme toujours. Parce qu’elle le lui demandait à chaque fois, moi je ne le faisais pas, parce que je savais qu’il était toujours très occupé.
« Wahou ! Did you see that Ely ? She is sooo pretty ! Thank you Daddy ! I’ll let you play with it Ely. » « Thank you Mily. » « Did you see that Ely ? Your sister is so considerate ! You’re such an angel Mily. » « I know Mommy, thank you ! » Je les regardais s’embrasser, seule dans mon coin, mon livre dans mes bras. Je ressentais toujours cette pointe d’envie, de jalousie aussi, cette petite douleur au Coeur. Parfois, j’avais envie de leur crier que j’étais là aussi, mais je ne pouvais pas, je n’osais pas. Mais je ne leur en voulais pas. Après tout, je n’étais que la fille en trop.
Je courrais, à vivre allure, la peur au ventre. J’avais mal aux jambes, continuant de grimper les escaliers à toute vitesse. Une étage, puis deux, trois, quatre. Je continuais, je n’entendais plus rien, je ne pensais plus à rien, juste ces mots, cette image.
Mylena, le toit, elle veut sauter. Je ne comprenais pas. Pourquoi ? Mais je ne parvenais plus à réfléchir. Tout ce que je savais, c’était qu’il fallait que je me dépêche. Encore, toujours plus vite. Et enfin, j’arrivais sur le toit, à bout de souffle. Elle était là, sur le rebord, derrière les grilles, regardant droit devant elle. Doucement, je m’approchais. Je tremblais, j’avais peur, terriblement et ça se sentait dans ma voix.
« Mily ? What are you doing ? Come back, please, I’m scared… » Elle ne s’est pas retournée. Je ne comprenais pas. Pourquoi faisait-elle ça ? Elle a toujours eu une vie heureuse, un petit ami qu’elle aimait par-dessus tout, des amis qui l’adoraient. Elle était populaire, elle m’avait moi aussi. Je ne parvenais tout simplement pas à me faire à cette idée. Elle voulait sauter… Non !
« Please Mily… I need my sister… I need you… Please, come back. » Et enfin, elle s’est retournée. Je souris. Je pensais qu’elle allait refranchir la grille et venir me prendre dans ses bras, comme elle le faisait si bien. Non, elle m’a souri. Un simple sourire, franc, un sourire triste. Et puis… Plus rien.
Des cris, encore et toujours. Des pleurs. Les sirènes d’une ambulance. Je m’étais retrouvée en bas, à ses côtés. Je la regardais. J’étais dans une flaque de sang. Mes cheveux blonds y baignaient. Je venais de perdre la vie. Je m’approchais un peu plus. Je tombais à genoux. Plus rien m’importait si ce n’était ce visage dans cette marre rouge. Doucement, je venais caresser sa joue. Et à nouveau, plus rien.
J’étais là, habillée de noir. Il pleuvait. Dieu pleurait. Il aurait du sourire, il venait de gagner un ange. Et j’étais toujours là, à la regarder. Je n’entendais plus rien, je ne voyais plus rien mis à part elle. Elle dormait, le visage serein. Elle paraissait heureuse. Je m’approchais un peu plus. Je lui caressais les cheveux. Ils étaient propres, elle était belle. Je l’embrassais sur le front. Le monde pleurait la perte d’un ange, moi je souriais. Parce qu’elle n’était pas morte, elle était là, avec moi, dans mes bras. Doucement, je lui disais à quel point je l’aimais. On voulait m’éloigner d’elle. Je ne voulais pas. Je hurlais. Encore une fois, plus rien.
***
Je hurlais. J’avais mal, terriblement mal, comme si on venait d’arracher ma peau, mon cœur. Je pleurais, encore, sans m’arrêter. Elle m’avait laissé, elle était morte et je la détestais pour m’avoir abandonné ainsi. J’avais peur, peur du monde, de l’inconnu, d’une vie sans elle. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas. 3 mois venaient de passer, je ne savais pas, je n’avais rien ressenti. Et il était là.
« Alekseï» Il me prit dans ses bras, me murmurant des mots doux à l’oreille.
« You’ll be fine » qu’il me disait, à chaque fois. Mais non, plus rien n’allait, sans elle.
« I’m here, I’ll always be here for you. » Je n’osais pas le croire. On m’avait déjà abandonné une fois, je ne voulais pas être laissée seule une seconde fois. Alekseï, c’est le frère que je n’ai jamais eu. Je l’ai rencontré trois ans auparavant, lors d’une visite en Russie. Mylena l’avait accosté dans ce bar et nous sommes restés en contact, toujours. Il est sans doute le seul à être venu me voir. 3 mois dans un hopital psychiatrique. 3 mois que la société mondaine de New York se faisait berné par mes parents. 3 mois que je l’avais perdue, elle, ma jumelle, mon amour, mon âme sœur.
Elle était belle, elle était rayonnante, elle me rappelait tellement Mily. Coraleen a été ma première amie à Harvard, celle avec qui je partageais ma chambre chez les Eliots. Elle a réussi à briser ma carapace et ma timidité en un rien de temps. Sans doute parce qu’elle me rappelait ma jumelle. Oui, en face d’elle, j’étais totalement sans défense. Je l’admirais comme j’admirais Mily, je l’adorais comme j’adorais Mily. Elle était un peu son remplacement, ce pansement qui, doucement, recollait les morceaux de mon cœur brisé. Et puis, il y avait aussi lui, Andy McDougal, la cause de la mort de Mily. Je l’ai détesté dès la première seconde où j’ai posé mes yeux sur lui. J’en étais sure, je savais que c’était lui, parce qu’elle m’en avait parlé. Ma sœur m’avait dit à quel point Andy était un type sympa et adorable, que peut-être qu’elle serait heureuse avec lui finalement. Mais ce n’était pas vrai, sinon, elle n’aurait jamais cherché la mort. Je ne l’aimais pas, et lui non plus d’ailleurs. A vrai dire, il n’avait aucune idée de mon existence. Il croyait s’être débarrassé de sa fiancée, mais non, quel était la surprise quand il m’a vu. Et il a osé me confondre avec elle. Je l’ai détesté quand je le voyais le matin, prendre son petit déjeuné. Je l’ai détesté quand nous avons eu cette conversation ce soir-là. Je l’ai détesté quand nous devions nous montrer devant nos parents comme deux tourtereaux. Je l’ai détesté quand nous avons fait l’amour pour la première fois. Et je l’ai encore plus détesté quand, finalement, il est tombé amoureux d’Apple. Et peut-être que finalement, je ne l’ai pas tant détesté que ça, parce que le voir avec elle me faisait mal.
Et puis, Apple. Je l’ai haie, tellement que j’aurais été capable de la tuer de mes propres mains. Parce qu’elle m’avait pris Coraleen. Oui, encore une. Mon cœur s’est encore brisé. J’ai eu encore plus mal, tellement que j’ai voulu mourir. Elle aussi, m’avait abandonné. Un accident de voiture, stupide. En une minute, je perdais une deuxième sœur. Et personne n’a vu ma détresse, je l’ai cachée au plus profond de mon être, jusqu’à ce que je meurs, ou plutôt, que j’essaie. Et encore une fois, je l’ai détesté, pour m’avoir sauvé. Je voulais mourir.
Se ressourcer au pays, voilà ce dont j’avais le plus besoin après cette dure année à Harvard. Oh bien sur, j’aurais pu retourner à Paris, mais je savais que ma mère y serait bien trop souvent. L’Angleterre, j’avais toujours rêvé d’y retourner vivre et puis, je savais que mon père n’allait pas revenir de si tôt. Je savais surtout qu’il m’éviterait suite au scandale que j’ai apporté, à toute la famille et à celle des McDougal. Oui, en rompant nos fiançailles, j’étais un peu devenue… Non, j’ai toujours été la honte de la famille. Je pense que si je n’étais pas leur dernière fille, ils m’auraient renié. Mais justement, parce que je suis une fille, je pouvais être vendue à n’importe quel bon parti. Maintenant que la vérité avait éclaté, je n’avais plus rien à perdre, si ce n’est me terrer jusqu’à ce que le scandale s’apaise.
J’étais dans cette bibliothèque, les yeux écarquillés. Je ne comprenais pas… C’était la première fois que je visitais la bibliothèque de ma tante. Je n’avais jamais prêté attention à cet arbre généalogique. Soudain, une colère noire m’envahi. J’avais l’impression que toute ma vie avait été un mensonge. Je trimais, j’ai toujours trimé, comme l’avait fait Mylena, pour ne pas décevoir nos parents ; parce qu’ils nous disaient à quel point la vie était dure, tous les sacrifices qu’ils ont du faire pour arriver à aujourd’hui. Tout n’était que mensonge pour nous berner un peu plus. Cette richesse, il ne l’avait pas acquise en travaillant, il l’avait toujours eu. Mon père n’était qu’un menteur. Il nous faisait croire des salades pour qu’on continue à travailler, encore et toujours. Je me souvenais encore de la fatigue de Mylena après chaque journée. Parce que nos parents avaient tout misé sur elle, elle ne pouvait pas les décevoir. C’était aussi à cause d’eux. Elle le savait, elle aussi, a vécu dans le mensonge pendant 17 ans. Je ne savais plus quoi penser. Tout était embrouillé dans ma tête. Ce n’était qu’un nom, qu’un titre, mais pour moi, c’était beaucoup. Ça signifiait une vie de mensonge. Peut-être exagérais-je ? Oui, surement, mais je ne savais juste pas comment apprendre la nouvelle. J’avais déjà trop encaissé pendant cette année et petit à petit, je laissais tout ressortir, et pas de la bonne manière.
« Come on, let’s drink more. Just one more. » Je ne comptais même plus les verres que j’avais déjà enfilé. Et je continuais, parce qu’il me demandait de continuer. Je ne le connaissais même pas. Ou peut-être que si finalement. Mais je m’en fichais. Je continuais, encore, toujours plus, avant de finir par m’écrouler. J’entendais des rires au loin. J’avais mal, je me sentais mal. Puis, plus rien.
Je me réveillais dans des draps inconnus. J’avais fini la nuit chez ce gars, dont je ne me souvenais même plus du nom. Je m’en fichais. Je me dégageais de son étreinte. Il grogna. J’en avais que faire. Et je sortais de son appartement. Pendant toute la journée, j’ai erré dans les rues. Je me fichais des regards des autres, plus rien ne semblait m’atteindre. Cette douleur au cœur persistait. J’avais envie de crever, j’avais mal à en crever. Puis soudain, je me sentais mieux. J’étais partie dans un autre monde. Il était à nouveau là, toujours le même gars. Je l’embrassais, encore et encore. J’ai encore fini dans ses draps. Sid qu’il s’appel. Un surnom je crois. Surement. On a continué de se fréquenter. Encore et encore. Je ne parvenais à décrire notre relation. Dealer ? Copain ? Sex Friend ? Sans doute les trois à la fois. Je m’en foutais. Au moins, avec lui, je n’avais plus mal.
Le temps passait, je devais rentrer. Je ne voulais pas, mais je le devais. Je devais terminer ce que j’avais commencé, Mylena l’aurait voulu. Alors je suis revenu à Harvard, emportant Sid avec moi, dans mes bagages. Parce qu’avec lui, je n’avais plus mal.