RAQUEL DE SOUZA ► Sofia Jamora

caractèret'es une rose aux pétales fanées. la vie a été incapable de prendre soin de toi et ça paraît dans ce que tu reflètes. il suffit de regarder dans tes yeux pour deviner ta douleur. tu souffres en permanence bien que tu essayes d'avancer. t'as toujours le coeur au bord des lèvres. t'es toujours au bord du gouffre quoi que tu essayes pour aller mieux. t'es pas du genre à parler de ton passé parce que t'as l'impression que les gens ne comprendront jamais ce que tu as et ce que tu dois traverser. ils ne peuvent que s'imaginer une fraction de ta douleur. alors tu as tendance à rester en retrait et à faire tes affaires. t'es pas du genre à aller vers les autres bien que tu laisses les autres venir vers toi. mais tu te refuses à laisser quiconque avoir une importance dans ta vie. t'as plus la force de perdre quelqu'un, c'est à peine si tu as le courage d'exister. t'es pourtant quelqu'un qui vaut d'être connu, selon ta grand-maman. t'as le coeur sur la main, le bon au coeur.

admission à harvardtu n'as pas forcément eu un parcours facile et une jeunesse aisée et propice à la réussite. mais t'es loin d'être un cancre et tu étais en général première de classe. ton dossier était pas mal complet avec des références de tes enseignants et de tes employeur. des lettres de louanges à ton égard. puis tu as eu de très bons résultats aux sats. mais c'est ta dissertation qui te valut ton entrée à l'université. t'as mis tes sentiments sur papier, t'as parlé ouvertement du désastre de ton existence, mais surtout du désir d'un avenir meilleur.  

story of my life

“I didn't want to wake up. I was having a much better time asleep. And that's really sad. It was almost like a reverse nightmare, like when you wake up from a nightmare you're so relieved. I woke up into a nightmare.”

Du haut de tes douze ans, tu le savais que la vie pouvait être cruelle, deux fois plutôt qu'une. Sauf que tu étais loin d'imaginer qu'elle pouvait faire aussi mal. Tu avais pourtant essuyer un nombre incalculable de revers pour comprendre que la vie n'était facile. Abonnée aux coups bas de la vie, tu étais habituée à en prendre plein la gueule, depuis plusieurs années. Seulement tu étais loin d'être prête pour affronter un énième affront alors que tu n'étais encore qu'un pauvre gamine. Un enfant écorché à vif par un monde sans pitié dans lequel tu essayais péniblement de survivre. C'était seulement plus facile à dire qu'à faire lorsque tout semblait s'allier contre toi. Tu tenais la main de ta grand-mère fermement alors qu'elle était en train de rendre son dernier souffle sur son lit de mort. Des larmes perlaient le long de tes joues rosées mourant sur la commissures de tes lèvres. Un sanglot à fendre le coeur se délectait de la douleur par laquelle ton coeur se consumait graduellement. Triste scène auquel le personnel hospitalier assistait alors qu'ils ne pouvaient rien faire pour soulager ton coeur en dérision. Tu étais tombée à genoux diminué de toutes tes forces alors que ton corps ne semblait plus répondre. C'est la compréhension de la mort contre l'incompréhension de la vie. La détresse d'un coeur d'enfant qui comprend les subtilités d'une vie duquel elle ne peut pas échapper. C'est la peur d'un futur que tu n'étais pas sûre de vouloir emprunter sans ton pilier.

“They say when you are missing someone that they are probably feeling the same, but I don't think it's possible for you to miss me as much as I'm missing you right now”  

Tu étais née à São Paulo dans une famille qui était loin de posséder les caractéristiques d'un foyer aimant. Aux yeux de tes parents, tu n'étais qu'une erreur de plus qu'ils ajoutaient à leur tableau. Tu n'étais pas un enfant désiré au même titre que ton frère avant toi. Des fois, tu te demandais pour quelle raison ils n'avaient pas mis un terme à ses grossesses. Il y avait un non-sens dans ton esprit de mettre au monde des enfants qu'ils n'aimeraient pas. Tu n'avais jamais réellement compris cette logique de vouloir devenir parent sans assumer les responsabilités. Si tu avais été conçue d'un acte d'amour, en soit, tu avais grandis dans la douleur. Dès ta naissance, tu avais été abandonnée par tes propres parents. Tu avais été délaissée sans réellement porter les marques d'un abandon et c'était peut-être ça le plus triste dans tout ça. Ils avaient toujours fait parti de ta vie de loin comme de proche car ils avaient légitimement ta garde. Sauf que c'était auprès de ta grand-mère que tu avais grandis avec ton frère parce qu'ils ne s'occupaient pas de toi ni de lui. Selon ta grand-mère, ils étaient incapables de s'occuper d'eux-même, de quoi que ce soit. Tu avais longtemps pensé que tu étais la responsable du pourquoi du comment. Forcément c'était plus facile de mettre la faute sur toi que finir par accepter qu'ils ne t'aimeraient jamais. Alors tu avais cru dur comme fer que tu n'étais pas assez bien. Pendant des années, tu avais essayé d'être la petite fille parfaite, dans l'espoir qu'ils te remarqueraient. Sauf que tu avais plus de chance d'être remarqué par un aveugle que par eux. Parce qu'ils ne t'aimaient pas et ils ne t'aimeraient jamais. Après le décès de ta grand-mère, t'étais retournée vivre avec tes parents, parce qu'ils n'avaient pas le choix. Ils ne pouvaient plus faire comme si tu n'existais pas. Mais ils auraient bien aimé que ça soit le cas. Tu le savais que tu n'étais pas la bienvenue dans cette maison. Ils te faisaient sentir comme une vulgaire étrangère en permanence. Si tu survivais, c'était seulement parce que tu avais ton frère avec toi, ton allié de toujours. Il s'était évertué à préserver ton enfance même si pour ça il devait sacrifier la sienne en vertu de tout. Tu étais reconnaissante envers lui de toujours être là pour toi et tu avais longtemps cru qu'il était plus fort que toi. Sauf que t'avais rapidement compris que ce n'était qu'une façade lorsque tu avais retrouvé son corps sans vie dans la salle de bain. Il s'était ouvert les veines parce qu'il ne supportait plus cette vie, mais par-dessus tout parce que tu n'étais pas assez. Tu n'étais pas assez une bonne raison pour qu'il ait la décence de continuer à lutter. Tu ne serais jamais assez pour qui que ce soit même par pour toi.

“She was a genius of sadness, immersing herself in it, separating its numerous strands, appreciating its subtle nuances. She was a prism through which sadness could be divided into its infinite spectrum.”   

C'était quelques jours après ton quatorzième anniversaire que tu t'étais retrouvée seule au monde sur cette terre. Du jour au lendemain, tu étais privée, de lui et de tout. Tu ne te souvenais pas avoir verser une larme pour ton frère parce que ce n'était pas de la tristesse que tu ressentais mais qu'un seul flot de rage. À partir de ce jour-là, tu avais tout simplement arrêté de ressentir quoi que ce soit, parce que c'était plus facile. Tu étais passée de la gamine qui voulait trop plaire à cette adolescente écorchée qui ne voulait plus essayer. C'est dans une guerre froide que tu t'étais lancée corps et âme contre le monde entier. Tu la dédiais principalement à tes bourreaux, en soit, à ses êtres répondant aux rôles de tes géniteurs. Tu t'étais mis en tête de vouloir faire de leur vie un véritable enfer enchaînant les bêtises les unes après les autres. Tu étais allée jusqu'à rentrer complètement ivre d'un bar à tomber enceinte alors que tu n'avais même pas encore seize ans. C'était à ce moment là qu'ils réalisaient que tu étais complètement brûlée au plus profond de ton épiderme. À partir de ce moment, seulement là, ils réalisaient que tu étais brisée. Alors ils avaient tenté le diable pour que tu reprennes le droit chemin allant même jusqu'à forcer un avortement pour que tu reprennes ta vie en main. Or ça avait eu pour seul effet de rendre ton caractère plus amer. Tu le voulais tellement cet enfant mais tu savais que tu étais trop inapte pour prendre soin de lui. Une part de toi ne s'était jamais pardonnée d'avoir été incapable d'être une mère pour ton enfant. Ce n'était que là, du haut de tes seize ans, que tu avais compris. Tu ne pouvais plus continuer comme ça parce que ça servait à rien. Alors tu t'étais plongée corps et âme dans tes études dans le seul but de partir. Tu voulais intégrer une bonne université mais surtout tu voulais tout quitter. C'est dans la quête d'une nouvelle vie que tu t'étais retrouvée à Havard. Tu t'étais promis que tu ne laisserais pas ton passé avoir des répercussions sur ton avenir. Sauf que c'est plus facile à dire qu'à faire parce que t'es qu'un fantôme qui veut essayer de se fondre dans le monde des vivants alors que quelque chose en toi est mort: toi, tout simplement.