BRYCE STELLAN ► arthur gosse

CHAPTER ONE
sick of all the insincere, gonna give all my secrets away.

Les mèches gorgées d'eau et de soleil rebondissent sur le front transpirant du petit prodige. Le ballon passe dans la main de l'un, puis de l'autre, puis sur lui qui fonce à toute vitesse à l'autre bout de terrain pour marquer le panier de la victoire. Que demander de plus ? Ah oui, un père qui s'intéresse un minimum au match ne serait pas de refus. Parce que les mères, elles papotent et ne retiennent que les coups de sifflets, les bleus et les plaquages trop violents : n'oubliez pas vos protège-dents mes chéris. Certes, il n'est pas souvent à la maison, on se demande même s'il n'a pas une deuxième maison à Tokyo. Avec tous ces voyages d'affaires et allers-retours entre New York et ici.. Même quand il est censé être rentré, il n’est pas vraiment là. C'est affolant : il rate tout ! Des premiers babillements de bébé à ses remises de prix à l’école. Puis du côté de sa mère, c’est pas mieux. Encore heureux que le petit Bryce ait une grand-mère aimante et sachant contenir assez d'amour pour trois enfants. Elle est tellement géniale que c'est pour ça qu'il a toujours l'impression d'avoir une fête d'anniversaire acceptable. Certains trouve cela triste, d'autres en sont horriblement jaloux. Ça dépend de ce qu'on veut voir dans la petite vie que mène le fils, le petit bout de chou du CEO de cette grande entreprise d’informatique et de l’ambassadrice canadienne à Tokyo. Une voiture de sport coupée s'arrête près du terrain, tout le monde tourne la tête évidemment. Bryce, lui, souffle d'agacement : mais qu'est ce qu'il vient faire ici habillé comme un touriste ? De plus le match est terminé donc bon, c'était inutile d'utiliser de l'essence pour venir parader devant les potes. « Où sont ta mère et tes sœurs, Bryce ? » le petit garçon montre les gradins du doigt et boit à goulûment à la bouteille « Je vous ramène à la maison, hop hop dans la voiture ! » Depuis ce jour où son père est venu le récupérer à l'entraînement, pas mal de choses ont évoluées : il est plus disponible, invite ses collègues à la maison pour bosser sur place et surtout ... maman a plus de temps pour elle. Bizarrement, Bryce ne voit pas cela d'un bon œil. Du haut de ses 11 piges, inscrit dans une école du secondaire dite "prestigieuse", il est pas con le p’tit mec. Parce que son père, il envoyait maman à l'autre bout du pays en cure Thalasso, et il invitait plein de collègues. Il y en avait une, elle revenait tous les jours. Ouais, c'était la seule de ses collègues femme qui revenait tous les jours. Bien vous vous doutez un peu de la nature des réunions entre le père et sa superbe collègue : ils sont sur une bonne affaire, c'est certain. « Rose va rester ici le temps qu'on finisse le boulot, ça ne te dérange pas mon bichon ? Maman reviendra dans un peu moins d'une semaine. » Penché sur son bol de céréale, ça laisse une boule de miel dans le gosier comme annonce. En gros, il aurait pu balancer cash "foutez-vous de ma gueule, vous bosser au lit c'est ça ? Ou vous changez peut-être d'endroit ... je peux vous prêter ma chambre si vous voulez." il fit une grimace désapprobatrice et dévisagea la poupée décolorée que son père appelait une grande dame qui nous fera gagner du temps. « Ça me dérange pas. » il passe à côté de la bonne femme et s'arrête en regardant le sol. Il fait un sourire mesquin et lance avec une pointe d'ironie dans sa voix enfantine. « Faites pas de trop bruit ma chambre est au bout du couloir et ça me dérange vachement. » Boum. Malheureusement les deux grands dadets n'ont rien vu venir. Pour eux c'était qu'un pauvre gamin mais, les gamins ça comprend vite et puis, c'est pas toujours évident de se dire avoir une mère à l'autre bout du pays et que pendant ce temps, c'est cette collègue en or qui prend sa place, elle cuisine, elle pose ses chaussures sur le paillasson et disparaît jusqu'à ce que maman reparte. Il voulait pas briser le mariage, c'était juste qu'il aimait pas voir sa mère être aussi naïve et ne pas voir ce qui se tramait juste sous son nez. Aussi absente soit-elle, elle ne mérite pas ça.


CHAPTER TWO
burn your biographies, rewrite your history.

« C'est une blague ? » la lettre à la main, son cœur cognait fort dans sa poitrine. La colère montait à une vitesse fulgurante en lui et Dieu sait que Bryce ne s'énerve que dans de rares occasions mais quand il s’agissait de ses vieux... « Qu’est-ce que c’est ? La solution pour qu’oublie qu'il n'ait jamais été là pour nous ? » Il jeta la rage qu'il contenait en lui dans ces quelques malheureuses paroles, mais il se retenait. Il se retenait toujours lorsqu’il s’agissait de ses parents. Ils avaient beaux être mauvais dans leur rôle, le jeune homme faisait malheureusement preuve de loyauté et de respect. Mais c’était jouer avec ses limites. « C'est sûr que pendant toutes ces années, il a dû en avoir des remords à n'en plus pouvoir dormir la nuit dans son lit king size aux côtés de Rose … » pesta-t-il en relâchant tout simplement le chèque au dessus de la table de la cuisine et fuyant pour aller se réfugier dans sa chambre. « Bryce ! » Maeve le suivit jusque là. « Laisse tomber, je n'en veux pas de son argent. » Je vous passe les insultes qui déferlent mentalement par la suite, encore heureux qu'il gardait encore ça pour lui, sa douce jumelle ne les aurait sûrement pas supporter. « Bryce, calme-toi ! » « Bon sang, Maeve ! Ça ne t’énerves pas toi qu’ils se comportent comme si on était la responsabilité de trop ? Comme si on est de trop tout court ? » Elle était au bord des larmes. Il voulait la ménager, y aller plus tranquillement mais il était déjà bien lancer sur la pente pour faire marcher arrière et se calmer. « J’ai pas envie de passer le reste de ma vie à être le rejeton qu’on laisse dans le placard alors que… Merde quoi, on est jeune ! Et il y a pleins de choses à faire ! On ne va quand même pas..  » Sa lettre d’admission à Harvard sur le bureau. Tous les deux ont réussi à passer l’étape mais ils avaient postulé un peu partout, dans les universités japonaises aussi et il fallait faire un choix. Le sien était tout fait. Il se lève brusquement et fait les quelques pas qui le sépare de son bureau pour attraper le papier avant de se tourner vers « Il faut qu’on y aille Maeve. » Une petite lueur d’espoir illumine le regard du jeune Stellan. Ce qui était moins le cas chez la jeune Maeve. Il y avait une certaine réticence. « Me dit pas que t’as envie de rester ici toute ta vie... » C’était peut être idiot mais la plupart des grandes décisions, ils les ont toujours faites à deux. Le jeune homme veut que sa soeur jumelle soit de la partie évidemment. Elle est la seule personne qui le retient ici. « Tu peux pas me demander ça Bryce ! Mon petit-ami, mes amis sont ici ! Maman est ici... » Oui évidemment… « Et toi aussi je te signale ! Qu’est ce que tu fais d’Aya ? » Sa petite amie… Le brun baisse la tête quelques instants, cette dernière réplique retentissant dans sa tête. Honteux, peut être qu’il l’était, mais ce n’était pas cette relation qui allait le retenir. Elle était belle et gentille, mais ils n’en étaient pas au point de se marier non plus. Bryce soupira, puis s’approcha de la porte « Écoute, tu fais ce que tu veux. Mais moi j’y vais ... »


CHAPTER THREE
had to have high hopes for a living.

« Je crois, Monsieur Stellan, que vous ne saisissez pas l'ampleur de cette offre. J'ai suivi de près votre parcours depuis votre thèse d’admission à Harvard sur la régénération neuronale et cognitive. Pas tout à fait au point cependant... Mais très intéressant. » Bryce relève la tête vers lui et l'homme sait qu'il retient toute son attention. « C’était il y a deux ans ! Je ne savais encore rien sur le sujet ! » répond-t-il vexé, avant de se raviser d'en dire davantage. Cet homme semblait en savoir beaucoup sur lui. Beaucoup trop, pour un simple “scientifique”. Ce qui est sûr, c’est que scientifique ou non, le jeune homme est définitivement curieux de savoir ce qu’il lui veut pour s’être autant intéressé à lui. « Nous donnons la chance à un nombre très restreint d'étudiants de participer à notre projet. De mettre à profit leurs connaissances, leurs travaux, leurs recherches afin de signer l'avancée technologique, de laisser leur empreinte dans le progrès de la science. » « Vous me proposez du travail ? » « C'est exact. Nous vous proposons de travailler pour nous, sous certaines conditions. Et en échange de vos services, nous vous offrons l’intégralité de vos frais de scolarité de Harvard. Et bien entendu, vous serez rémunéré. Cela reste à définir, en fonction de vos avancées dans vos travaux. » Son regard parcourt les bibelots arrangés au millimètres près sur le bureau, mais ses pensées fusent dans tous les sens. « Cette proposition me paraît alléchante. J’imagine qu’il y a un côté moins avantageux à votre offre. » L’homme se réadosse contre son fauteuil en silence, jusqu’à ce qu’un léger rictus vient fendre ce visage bien trop sérieux. « Il n'y a pas de piège Monsieur Stellan, mais certaines contraintes je peux le concevoir, aussi je vais faire court : ce que nous faisons dans nos locaux doit rester dans nos locaux. » Ça y est, on y vient… « Il y a interdiction formelle de parler des travaux menés ou même de l'existence du Centre à qui que ce soit. Nous ne tenons pas à ce que nos recherches tombent entre de mauvaises mains. » À moins qu’elles ne le soient déjà, entre de mauvaises mains pense-t-il très fort, mauvaise langue. Soit, c'est surtout qu'ils ne voulaient pas qu'on les devance sur leurs travaux, ok. Il voulait bien le comprendre. Nous vivons dans un monde plein de concurrence, alors le secret est de mise. « Mis à part ça, nous vous demanderons une régularité dans vos travaux ici. Vous serez sous ma responsabilité et vous devrez me rendre compte de vos travaux régulièrement. Aussi, si ceux-ci ne sont pas concluants pour les attentes du Centre, nous mettrons fin à ce contrat et à tous les avantages qui en découlent. » Ouais c'est ça. Ne met surtout pas la pression. Il lui tend un petit dossier, que le jeune homme attrape précautionneusement. « C'est un engagement sur 25 ans à partir du moment où vous signez ce papier. Je comprend que la notion de durée peut effrayer, mais ce n'est pas vraiment une contrainte quand on a la recherche, l'avancée technologique et l'évolution du monde dans les tripes n'est-ce pas ? » Cet entrain et discours motivateur n’atteint pas les oreilles de Bryce. Vingt-cinq ans, ce n’est pas rien. Il aura la cinquantaine. En même temps, d’un autre côté, il avait raison sur une chose : si vraiment ce Centre de recherche a les moyens, c’est l’endroit idéal ou travailler plus tard et c’est une opportunité qui ne se représentera pas deux fois à lui. Néanmoins, Bryce se lève de sa chaise, le petit dossier toujours en main. « Il faut que j’y réfléchisse... » « Bien sûr, évidemment ! Prenez le temps de le lire ! Mais pas trop quand même hein. C'est une offre limitée. Vous apprendrez bien vite que la patience n'est pas une qualité chez moi... »