(numsin) ≈ cheek to cheek

Une robe qui tourne. Indice qui en dévoilait déjà bien trop sur l'adresse que j'avais déniché. Du côté du port, assez loin d'Harvard pour ne croiser personne. Je comptais là dessus. Je glisse dans ma robe rouge, look un brin rétro, call me Marylin. Je suis prête bien trop tôt. Il est 18h et je fais déjà les quatre cents pas dans mon appart. 19h pile, ma voiture devant chez Tam. Même si je voulais faire la meuf désintéressée, pff j'y arriverais pas. Me fais pas attendre Tam, je serais capable de rester plantée toute la nuit en bas de ton immeuble. Je lance un regard vers mon rétro. J'ai l'air trop excitée ça va pas. Déjà faut que j'ai l'air un peu endeuillée, merde y avait eu un terrible attentat et je sautillais, légère, insouciante. Cet attentat, putain. La petite soeur de Marla va mal, le boulanger chez qui je passais chercher mon pain mort, je m'étais fait un sang d'encre. Je guette la porte de l'immeuble. Robe qui tourne ?

@Tamsin B. Watts

Une robe qui tourne ? J'avais réellement aucune idée de ce dont Numa voulait parler. J'en savais rien, je savais pas non plus où on allait. Pour être très franche, le coup de la robe, ça ne me donnait pas plus d'indice. J'ignorais la longueur, comment il fallait que ça tourne et pire encore, pour trouver une robe dans ces placards, il fallait que je cherche. Je m'y étais mise assez tôt, sauf mes robes pour les bals des dernières années, que je dois d'ailleurs penser à revendre, je mettais que peu de robes pour le plaisir. Je trouve enfin la perle rare, l'enfile, me maquille légèrement et descends à l'heure indiquée. Le sourire fend le visage quand je vois la voiture avec la belle dedans, et m'avance jusqu'elle. Je sais que le sourire ne devrait pas être présent, plus effacé, mais après tout ça, ça m'fait du bien de me dire que la vie reprend son cours, que tout redevient normal. Presque. Je ferais quand même attention en traversant, je regarderais tous les endroits publiques de manière différentes, du moins certainement pendant un temps. Je me considère juste heureuse de ne rien avoir. J'ouvre la porte côté passagé, entre, m'asseoit. Le bras s'avance, se cale dans la nuque de la jeune femme et je la tire contre moi. Je l'enlace. Je suis vraiment contente de savoir qu'elle a rien. J'ai, quant à moi, quelques bleus ici et là, ça se voit même, vu la robe, mais je vais bien. "J'espère que ma robe tournera assez." que je lance près de son oreille. J'ai pas envie d'en parler, de tout ça, tout ce qui s'est passé. J'ai juste envie de me changer les idées.

Tam débarque. Un sourire se dessine sur son visage alors qu'elle aperçoit ma voiture. J'ai la banane, le smile jusqu'aux oreilles à m'en faire mal aux joues. J'ai eu tellement peur, le coup des attentats putain. J'ai pensé à Asha, à Marla, à Cali... A Tam. J'ai eu tellement peur pour elle. C'est qui pour moi ? Ma petite-amie ? Ouais, peut-être bien. On s'était revues depuis cette soirée arrosée que je finis dans son lit et le verdict est indiscutable. Quand elle  ne m'embrasse pas mes lèvres la demandent, quand elle regarde quelqu'un d'autre mon ventre se serre, quand elle me sourit je ris comme une ado in love. Elle me rend heureuse, une boule de bonheur qui part de mon ventre, qui me remonte jusqu'à secouer ma tête. Elle ouvre la portière, s'assoit et direct se jette sur ma nuque, me serre contre elle. J'ai le coeur qui bat fort, fort, fort. Et vite. Je prends le temps de la sentir contre moi, elle qui a été épargnée par l'accident. Je devine quelques hématomes que dévoile sa robe mais elle est vivante, deux jambes opérationnelles, elle semble encore avoir toute sa tête : c'est le principal. "J'espère que ma robe tournera assez." Un murmure taquin. Je la regarde avec l'oeil pétillant, un regard pour sa tenue. "Par-faite !" Je souris et dépose un baiser sur ses lèvres, super rapide, volé. Oh hé Numa, dans le centre de Boston, tout va bien ? Dans le centre de Boston planquée dans ma voiture. "En route !" Je souffle avec un sourire et je démarre, mes fidèles sabots en plastoc au pied, mes escarpins sont dans le coffre. En route vers l'endroit surprise. Vingt minutes et je me gare, coupe le contact. On est près du port. Je descends tout sourire, troque mes Crocs pour une jolie paire de talons qui galbe mes jambes de girafe. Je fais signe à Tam de me suivre et on s'arrête devant la devanture d'un bar d'où s'échappe de la musique groovy, rock. Un néon rouge. "Chicken on a Stick." Bar 50's, venez twister sur du Elvis Presley. Je dois avouer que d'ordinaire, je mise sur les boîtes de nuit et les derniers sons du moment mais... Je voulais un truc plus... romantique ? Je sais pas. "Chiche ?" Je glisse à l'oreille de Tam juste à côté de moi. On pousse la porte. Plein de couples de vieux qui dansent le twist, le rock, la java sur la piste. Un chanteur, un petit orchestre. Un bar aux couleurs rétros. J'avais passé la soirée à googler "adresse sympa" sur Boston et je suis tombée sur ce bar à remonter dans le temps. Je lance un regard inquiet vers Tam, me mords la lèvre. "L'endroit te plaît ?" Je demande avec un sourire, les sourcils haussés. Please, please, faites qu'elle kiffe. "On peut toujours s'enfuir si les vieux qui se déhanchent te font peur, je reconnais que je les trouve flippants." Mais devant des vieux que je connais ni d'Eve ni d'Adam, peut-être que j'aurais pas peur de la dévorer des yeux, de rire à toutes ses blagues, de laisser mes mains balader, vouloir la toucher, tout le temps.

hj : jsuis pas là pendant une semaine et après je sors un pavé, désolééée

J'ignore ce qu'on est, j'ignore ce qu'on sera. Dans ses yeux, j'ai l'impression qu'elle me veut, et dans ses gestes, c'est autre chose. Rien n'est définit, rien n'est écrit, rien n'est dit. Moi, ça me va, je fonctionne comme ça. Les longues conversations, les définitions, les sentiments, je vis pas pour ça. C'est bien de les ressentir, c'est moins bien quand on doit mettre les choses à plat. Définir un duo sous un terme, définir une relation, la mettre sous un mot, répondre de ça. "Par-faite !"  qu'elle dit de ma robe. Je souris, elle s'approche, pose un baiser. Rapide, trop rapide. Si j'avais le droit, il fallait me le dire avant, je l'aurais fais sans aucune retenue. "En route !" Je la regarde en riant, j'ai même pas le temps d'attraper ses lèvres, de lui offrir un retour. Je le réserve pour après. Cette fille, vraiment. Je pourrais la regarder des heures, allongée à côté de moi. Que ce soit entrain de dormir, de rire d'un film ou encore le corps chaud, la respiration haute. Elle est belle, Numa, sous tous les angles.

On arrive près du port, elle échange ses horreurs pour une paire de talon, ça me tire un sourire, forcément. Je la suis jusque devant un bar, qui a l'air.. rétro, si c'est le mot.  "Chiche ?" Je rigole et hôche la tête, bien évidement. Tu sais pas à qui tu t'adresse, là. On entre, des couples dansent, sur de la musique live. Le sourire est large en observant l'endroit, ma main frôle celle de Numa. Je connais pas tes interdits, encore. Je sais pas ce que je peux faire ou pas. Si ça tenait qu'à moi, je m'autoriserai tous les droits. "L'endroit te plaît ?" souris large, hoche la tête,  "On peut toujours s'enfuir si les vieux qui se déhanchent te font peur, je reconnais que je les trouve flippants." J'explose de rire, attrape sa main, "On s'enfuira quand j'aurais trop envie de toi." souris en coin, lance un regard complice. Je tire sa main vers moi, l'attire contre mon corps et pose mes lèvres contre les siennes. Un vrai baiser, cette fois, pas juste un à la volée. Parce que j'ai pas pu réagir au précédent, parce que j'ai pas eu le temps de dire bonjour. Mettons ça sur ce compte là. Je me décolle, lui souris, garde sa main dans la mienne, "Maintenant on peut aller danser." oublions tout ce qu'il s'est passé. On a qu'à mettre les attentats de côté, nos inquiétudes, nos peurs. On peut juste être nous, ce soir. Nous, au milieu de ces vieux un peu flippants. Au moins ici, personne ne nous connait. Je tire sa main jusque la piste de danse, garde ses mains et commence à imiter la danse des autres. Attrape ses mains, la rapproche, la recule, la fait tourner sur elle-même. Quelques chansons passent, avant que je demande enfin ; "On va boire un truc ?" j'espère au moins que les boissons n'ont pas passé leur date de péremption. Je tire sa main jusqu'à une table libre, m'asseyant sur la banquette à côté d'elle, le sourire aux lèvres, "Cet endroit est gé-nial !" J'espère qu'elle y amène pas toutes ses conquêtes.

La chair de poule le long de mon bras quand la main de Tamsin frôle la mienne alors que nous entrons dans le bar. Un frisson qui court jusqu'à mon épaule, mon cou jusqu'à faire vibrer mes oreilles. Elle a l'air d'aimer l'endroit, viouf, j'ai eu tellement peur de la décevoir, de l'emmener dans un vieux trou à rats. "On s'enfuira quand j'aurais trop envie de toi." Elle sait l'effet que ça me fait ces mots là ? Y a mon cerveau qui explose dans un feu d'artifice fou, des fusées sous le crâne. Et puis un tsunami dans le ventre, place à la tempête qui emporte tout. J'tourne mon regard chocolat vers elle, pas le temps de sourire, elle attrape ma main et attire mon corps contre le sien. Un baiser plein de fougue, d'envie qui fait gronder le bas de mon ventre. Je ferme les yeux, mon coeur manque de percer ma poitrine, il tape trop fort. Finalement Tam recule, rieuse, l'oeil qui crache des étoiles. Je sens des regards brûlants sur nos peaux : tous les vieux de l'Amérique puritaine se seraient pas retrouvés dans ce bar ? le KKK va surgir de je sais pas où pour nous mettre au bûcher ? Je tourne la tête vers la piste de danse, suivant Tam. Personne a l'air d'en avoir quelque chose à secouer. Deux nanas qui se roulent une pelle, eux ils continuent de twister. Je souffle soulagée, regarde ma petite-amie avec un sourire et saute sur la piste. Ouais ma petite-amie, ouais. Ma copine, ma meuf. Dans ma tête, j'assume. On tente de reproduire les pas des danseurs à côté de nous, putain ils ont de ces ressorts dans les jamnes à soixante-dix ans ! On part vite en n'importe quoi, à tourner en riant. Je laisse parfois ma main tomber sur son épaule ou sur sa hanche, parfois mon bassin se rapprocher du sien incognito. Je connais personne ici, j'ose. "On va boire un truc ?" Je hoche la tête, haletante. "Je meuuuurs de soif." Mine de rien, je suis crevée, à bout de souffle, quelques mèches rebelles collées sur mon front. Je la suis, elle nous trouve une table vide, je glisse sur la banquette. "Cet endroit est gé-nial !" Je suis trop trop heureuse que ça lui plaise, ça doit se voir à ma tête : le sourire qui fend mon visage, gaga comme une gosse. Un petit coup d'oeil pour la carte. "Tu penses que leur milk-shakes sont vegan ?" Y a littéralement "milk" dedans, sorry être in love de Tamsin ça rend con. La faute aux papillons dans la tête. J'me rends peut-être compte de c'que je viens de dire, me gratte le derrière de la nuque en riant nerveusement. "Nan y a que moi pour mettre du lait d'amande dedans, dommage le choco me tentait bien..." Je ferme la carte, la regarde avec un petit sourire en coin. "J'pense que je vais devoir me rabattre sur un mojito, à mon graaaand regret." Une Numa alcoolisée c'est une Numa entreprenante, fais gaffe à tes fesses Tam. Le serveur repart, inconsciemment j'en profite pour me rapproche d'elle, mon buste qui tombe vers la gauche, malgré moi. "Je crois qu'on fait drastiquement baisser la moyenne d'âge ici." Et puis je lui lance un regard taquin. "Quoique... Vingt-cinq ans déjà pour toi, viouuuuu..." Déjà le quart de siècle, le pied dans la tombe.

Numa, elle est légère. J'aime quand elle me regarde, quand elle me souris, quand elle rougis. J'aime quand ce sont mes mots, qui lui procure toutes ses émotions, surtout. J'aime savoir que ce soir, elle sera possiblement dans mon lit, que ces cheveux vont cacher quelques unes de ses courbes, que mes mains en dévoilerons d'autres. Numa, elle me donne envie de tout vivre, de tout revivre. Je sais que c'est toujours compliqué, quand c'est pas assumé. Je le sais, je craque toujours pour les filles comme ça, pour celles qui se cachent, quand moi, je veux montrer au monde qu'elles sont belles, et non pas à côté d'un homme. Je suis prête à attendre, et la vérité c'est que ça m'arrange. Si on ne se montre pas, personne ne peut faire de jugement hatifs, de conclusion. Tamsin n'est pas en couple, Tamsin ne le sera pas. Rien n'est dit, rien n'a été défini, et du moment que c'est comme ça, le coeur est léger et tout me va. Ici, elle ose. Elle se rapproche, se recule, ses mains se baladent, se posent sur mes hanches. Dans la tête des gens, on est sûrement deux amies qui s'amusent. Surtout pour ceux qui n'ont pas vu l'entrée. Rien que deux amies. Ca marche aussi comme ça, tu vois. "Je meuuuurs de soif." souris, hôche la tête. On prendra les deux plus grands verres possibles. L'endroit est génial, l'ambiance environnante, j'ai l'impression d'être retournée quelques années en arrière et j'adore ça. Numa, c'est que des bons choix. "Tu penses que leur milk-shakes sont vegan ?" Regarde la brune, rigole franchement. "Du lait ? Ouais ça doit être 100% vegan j'pense !" elle est adorable, elle s'en rend même pas compte. Je rigole, me mords la lèvre en la regardant, détaillant son visage. J'avais presque oublié pour son régime alimentaire. Les prochaines semaines risquent d'être compliqué, moi qui adore les pizzas les plus chargées.  "Nan y a que moi pour mettre du lait d'amande dedans, dommage le choco me tentait bien..." Je la regarde en souriant, prenant compte de l'envie. "J'pense que je vais devoir me rabattre sur un mojito, à mon graaaand regret." je souris, "On sera deux !" et même quand le serveur arrive, qu'il prends la commande, j'ajoute ce petit ; "C'est possible d'avoir aussi un milkshake choco ?" souris en coin, regardant son amie, "avec du lait d'amande." j'ai l'impression d'être forcée d'ajouter ; "intolérence au lactose, c'est une horreur !" bien évidement que je mens, mais ce débile serait capable de mettre le lait d'amande qu'à moitié, juste pour s'économiser du travail ou même des frais. Or, l'intolérence, ça peut faire plus de dégâts pour l'établissement. Numa se rapproche, et ma main glisse sur sa cuisse. J'y peux rien, si je prends trop vite mes aises, si j'aime le contact humain, si j'aime savoir qu'elle est mienne. "Je crois qu'on fait drastiquement baisser la moyenne d'âge ici." hoche la tête, souriant, "Quoique... Vingt-cinq ans déjà pour toi, viouuuuu..." mine de choquée. Ouvre la bouche, souriant qu'à moitié, bien qu'amusée. J'approche mon visage du sien, "J'ai toujours aimé les plus jeunes." appelle-moi cougar, tu peux. "Surtout qu'elles ont quelque chose d'innocent.." lève les yeux au ciel, souriant en coin, taquine, "et que j'peux leur voler leur première fois féminine !" souris, montre les crocs, imite un tigre. Je sais que c'était faux, que t'avais déjà expérimenté. Je les reconnais, celles qui n'ont jamais été touchée. Je le sens entre mes doigts, et j'ai faillis me faire avoir avec toi. "Quand est-ce que tu t'es posée des questions ?" je veux tout savoir, et je sais que c'est compliquée, mais j'en ai envie. Je veux tout connaître, je veux pouvoir te raconter. Dire que je la connaissais comme personne, cette fille qui commence à m'aggriper dans ses filets.

Malgré ces attentats survenus, je garde en tête que j'avais un bzizutage à terminer pour intégrer la cabot house. Plâtre à la jambe et béquilles en main, je ne perds toujours pas mon objectif de vue. Juste une chose, il me fallait deux proies, deux femmes. Juste que ces temps-ci c'est légèrement désert parce que les gens ont peur, peur que d'autres assaillants prennent à partit la ville et commette d'autre terribles attentats. Alors je décide d'entrer dans un restaurant sympa au premier abord, mais ce qui m'intéressait et que je voyais assises à une table, c'est les deux femmes en face à face qui sont sûrement venu boire un coup ou quelque chose dans le genre. Du coup je rentre dans le restaurant et me dirige droit vers elles, faisant mine d'être surprise, comme si que je venais de voir un fantôme ou que d'autres attentats vient d'avoir lieu. Je me mets à faire ma petite garce. "Salut les filles. Permettez-moi de vous dire que ça ne va pas du tout ! Plus rien ne va dans ce monde depuis cet attentat, mais ce n'est pas une raison pour se laisser aller. Regardez-moi ça ! Vous pourriez tellement être bien plus jolies si votre maquillage vous irez à votre teint. Toi par exemple, t'as une belle robe, mais ton maquillage ne la mets pas du tout en valeur." Je regardais Tasmin, l'air outrée sur mon visage, comme si c'était la fin du monde. Puis me retourne vers Numa. "Ça ne va pas du tout ! Laissez-moi vous aider." Je fouille mon sac et en sors une pochette de maquillage, sortant le tout sur la table. Je fais comme chez moi, allez c'est la fête. Je prends mon crayon noir et mon mascara ainsi que du fard à paupières blanc et mauve. "Voilà ce qu'il vous faut. Ça fera ressortir vos beaux yeux." Je suis carrément folle et j'assume. Elles vont sûrement soit rigoler soit plutôt et sûrement me dire de m'en aller, mais je suis là avec mes béquilles, je tiens à peine.


(hj: sorry bizutage )

Carte en main, so le mil-shake vegan t'en penses quoi ? "Du lait ? Ouais ça doit être 100% vegan j'pense !" Je pouffe de rire en secouant la tête, vas-y moque toi de moi c'est du propre ! Je relève deux petits yeux rieurs vers elle, je remarque ses incisives qui se plantent tendrement dans sa lèvre, sa lèvre rose, pulpeuse, à croqu... Viouuuu, je divague. Pour éviter de fondre, rester un semblant maîtresse de moi-même, je replonge sur la carte. Mojito girl. "On sera deux !" Le serveur arrive, prend la commande. "C'est possible d'avoir aussi un milkshake choco ?" Je lance un petit regard confus à Tam, qu'est-ce tu fous ? "Avec du lait d'amande... Intolérence au lactose, c'est une horreur !" Elle me lance un regard complice et moi je la regarde trop gaga, trop heureuse. Une Tamsin et un milkshake vegan rien que pour moi, je suis sur la Lune. On dirait une ado à son premier date, j'vous jure. J'me fais glisser sur la banquette, me rapproche d'elle subtilement. Sa main se pose sur ma cuisse, discrète sous la table. Je lui lance un petit regard gourmand. Oh je sens que j'vais pas rester chaste très longtemps, bigre. Tu me fais revivre Tam, t'y crois toi que je nous faisais le burn out d'une vie y a un mois et que depuis ce petit jeu entre nous deux, j'ai le sourire éternellement collé aux lèvres. Le sourire pour elle, ma vieille, ouais déjà le quart de siècle. Sa petite mine faussement outrée me fait rire. Elle approche son visage du mien, le sourire félin. "J'ai toujours aimé les plus jeunes. Surtout qu'elles ont quelque chose d'innocent... et que j'peux leur voler leur première fois féminine !" Je ris, ma bouche pas bien loin de la sienne. "Innocente moi ?! J'suis la reine des dévergondées !" MDR. A côté d'elle, je dois passer pour une sainte-nitouche. Je baisse mes yeux vers mes pompes un instant avant de les remonter vers les siens, timides. "Tu sais... ça m'était déjà arrivé, avant..." Je murmure ça toute penaude, les mains entre mes cuisses comme une enfant toute gênée. Pas le souvenir dont je suis le plus fière, cette soirée où je m'étais littéralement jetée sur Cali, trop bourrée et où je l'avais ensuite repoussée comme la pire des vipères, l'accusant de m'avoir forcée la main. Je suis l'incarnation du courage, ouais, ouais... "Quand est-ce que tu t'es posée des questions ?" Je fais une petite grimace, commence à me ronger les ongles, sale manie. Après avoir rompu avec Toni sûrement, peut-être même avant, peut-être depuis toujours. "Je..." Cloc, cloc. Je suis coupée par le bruit de deux béquilles qui se ruent vers nous. Et une voix nasillarde qui m'interrompt : "Salut les filles. Permettez-moi de vous dire que ça ne va pas du tout ! Toi par exemple, t'as une belle robe, mais ton maquillage ne la met pas du tout en valeur." Elle pointe Tamsin du bout de son doigt, vernis rose bimbo, of course. Elle a de la merde dans les yeux c'est pas possible, elle a pas vu que ma meuf c'était une bombe atomique ? Aucun fard à paupière n'y changera quoi que ce soit. Je relève des yeux mauvais vers la blonde et... Putain, une Cabot, une fille d'Harvard. Une décharge électrique dans la cuisse, je fais sauter la main de Tam qui atterrit sur le banc, je glisse sur la banquette pour m'éloigner d'elle. On est deux amies qui sortent pour aller draguer des beaux mecs ok ? Va pas t'imaginer des trucs. "Qu'est-ce que..." Mais wtf, elle commence à sortir sa trousse de maquillage, le mascara, la poudre, le blush, le je sais pas quoi... "Voilà ce qu'il vous faut. Ça fera ressortir vos beaux yeux." J'ai un mouvement de recul, j'envoie mon bras qui fait balader son beau crayon khôl. "Oh ! tu fais quoi là au juste ?" J'suis la gentille Numa, qui mord pas, qui sourit toujours mais elle me casse résolument les pieds celle-là. De quel droit elle vient saboter mon rendez-vous super romantique avec ses remarques à la con ? Je me tiens à un mètre de Tam au moins, rigide, un glaçon. Adieu l'ambiance sexy mojito, j'suis sur les nerfs. "Merci pour mes beaux yeux mais ils ont pas besoin de tes talents." Bats les steaks qu'elle soit infirme, puis j'me doute que c'est le bizutage. J'en toucherai deux mots à Arizona. "Bonne soirée." Je lance, glaciale, avec un regard noir charbon pour la jeune femme. Traduction : casse toi, aussi vite que tu peux avec tes cannes.

Je me moque bien des autres, quand je suis avec Numa. Je les écraserai tous, pour lui arracher un sourire. Ce serveur ferait parti des premières victimes, même. Surtout si il oublie le lait d'amande, surtout s'il s'amuse à le couper avec du vrai lait. Qu'il mette tout son coeur, dans la réalisation de ce milkshake. Je la sens taquine, sur mon âge. Au final, je relativise. Sans tout ce vécu, ma route n'aurais peut-être pas croisé la sienne. Cette inconnue, qui rempli un bizutage. Cette brune, qui prend mon numéro, qui réponds à mes messages, qui m'envoie son compte instagram. J'ai tout de suite vu qu'elle était belle, qu'elle était celle que je voulais, quand la nuit tombait. "Innocente moi ?! J'suis la reine des dévergondées !" je rigole, amusée. C'est peut-être le cas, peut-être pas face à moi. Peut-être pas en ce qui concerne les femmes. "Tu sais... ça m'était déjà arrivé, avant..." Je la regarde, glisse ma main de sa cuisse à dans la sienne. Je sais, Numa, je sais. A l'intérieur, je suis heureuse qu'elle en parle. J'ai l'impression de gratter un peu de la surface, d'arriver à apercevoir l'intérieur, de me frayer un chemin jusqu'à son coeur. "Je..." mes yeux sont trop concentré sur elle, sur les traits de son visage, pour que je remarque une blonde venir vers nous. "Salut les filles. Permettez-moi de vous dire que ça ne va pas du tout ! Toi par exemple, t'as une belle robe, mais ton maquillage ne la met pas du tout en valeur." Les sourcils se haussent, les lèvres sont amusées. Je prends toutes les remarques et toutes les critiques, d'ordinaire. Je favorise quand même le maquillage quand il est léger, surtout parce que souvent, j'oublie de le retirer. Mes yeux sont sur la blonde, mais c'est la main de Numa qui m'étonne. Celle-la même qui retire la mienne, qui la laisse uniquement sur le banc. C'était rapide, Numa, j'ai presque rien vu venir. Je nous sentais dans notre monde, avant qu'elle n'arrive. "Qu'est-ce que..." je regarde la brune qui m'accompagne, je vois que la colère monte. "Oh ! tu fais quoi là au juste ?" du jour à la nuit. Je sens la tension, et au final, je sais même pas où me mettre. Parce que je sais que cette fille, c'est pas franchement ce qui énerve le plus Numa. Non, ce qui la met mal à l'aise, c'est que quelqu'un puisse la voir, que le monde puisse savoir.  "Merci pour mes beaux yeux mais ils ont pas besoin de tes talents." Numa, elle se rends pas compte que les gens s'en moquent, si elle m'embrasse entre deux cours. Elle voit pas que le monde s'en fout, quand nos mains sont baladeuses. Elle sait pas qu'importe homme ou femme, du moment qu'elle est épanouïe et heureuse.  "Bonne soirée." Je sais ce qui la rend mal, Numa. Moi, au milieu de tout ça, je sais pas encore combien de temps je vais pouvoir supporter ça. J'ai toujours adoré craquer sur les hétéros, elles ont ce côté interdit, cette découverte qui fait qu'elles sont différentes. Sauf qu'avec la brune à côté de moi, il n'y a pas que ça. Je regarde la blonde en béquille s'en aller, et regarde Numa. Notre commande arrive, je me pince les lèvres, "Ecoute je.." je soupire, "je crois que c'était pas une bonne idée." nous deux, ici, en sortie. Néanmoins je la regarde, lui souris, "si tu veux qu'on reste cachée, alors on s'voit dans des endroits fermés, chez moi, chez toi, au cinéma ou alors en prenant à emporter et en mangeant dans la voiture." je suis compréhensive, je nous trouve des solutions. "t'es pas prête pour ça." besoin de précision, "le regard des gens, c'est pas pour toi." et moi tu vois, j'me fatigue déjà. "on peut danser au milieu de mon salon, commander jap et tous ces trucs là, mais Numa, j'supporterai pas d'être envoyé valser comme ça à chaque fois qu'une tête pointera le bout de son nez." Harvard c'est grand, mais le problème c'est que tu as peur de tous les étudiants. Je souris, prends une gorgée de mon verre, hausse les épaules, "ou alors on reste amies." c'est pas que j'ai pas envie de plus, c'est juste que moralement, je tiendrais pas. Je suis pas la bête noire, ici, et je marche fièrement en étant attirée par qui que ce soit, quelque soit le sexe face à moi. Je sais que d'être prise et rejeté, amené et repoussé, c'est pas des jeux auxquels j'ai envie de jouer.

Je me raidis à la vitesse de l'éclair, fais éclater notre petite bulle, je prends l'air de la nana à la chasse aux mecs, distante de Tam. Oscar de l'actrice la moins crédible. J'vous jure qu'elle me casse les ovaires cette blonde, j'lenvoie balader, le ton agressif. Mais le pire c'est ce sentiment d'être en furie, le ventre qui hurle, la tête en feu. Oh, oh, du calme, c'est juste une nana qui vient faire un bizutage pas drôle, Numa chiiiiill. Mais le problème il est pas là, y a tout qui se mélange : notre bulle de douceur qui éclate, ces stupides mascaras, puis y a surtout le constat de ma lâcheté, de la vitesse à laquelle j'ai rejeté la main de la brune. C'est contre le Cabot wannabe que je suis énervée, ou juste contre moi-même ? La blonde se casse, claudiquante, la commande arrive, en synchro. Je me tourne vers Tam. Aïe, pincement de lèvres. Pas le même que tout à l'heure, pas celui qui me fait vrombir. "Ecoute je... je crois que c'était pas une bonne idée." Je fronce les sourcils, mes mains qui entourent mon milshake, la bouche entrouverte. Une mine de chien battu, qu'est-ce que tu me dis là Tam ? Elle me sourit, l'air de dire c'est pas grave. Mais si, si c'est grave, elle est passée où notre tendresse complice ? Repose ta main sur ma cuisse, elle est partie, oublions ça, je suis tout à toi, j'le jure. "Si tu veux qu'on reste cachées, alors on s'voit dans des endroits fermés, chez moi, chez toi, au cinéma ou alors en prenant à emporter et en mangeant dans la voiture." Elle dit même pas ça pour rire, c'est ça le pire. Ce genre de relation ça devindra toxique, bien sûr que je peux le deviner. Vivons heureux, vivons cachés, vraiment ? "Le regard des gens, c'est pas pour toi." J'ouvre la bouche, sais pas quoi dire, je pourrais gober une mouche. "On peut danser au milieu de mon salon, commander jap et tous ces trucs là, mais Numa, j'supporterai pas d'être envoyée valser comme ça à chaque fois qu'une tête pointera le bout de son nez." Bam. Le coup de massue. Je plonge mes yeux vers mon verre. Mon choco vegan. Déglutis avec peine. Je suis un boulet. Je rêve des montagnes russes de l'amour mais est-ce que c'est vraiment jouable, un idylle cloîtré ? Que dalle, elle se lassera de moi, je le sais, je suis qu'une contrainte. "Ou alors on reste amies." Je relève deux yeux catastrophés vers elle, secoue la tête doucement. Non, non Tam. Je veux pas être ton amie, je pourrai jamais n'être que ton amie, te regarder sans exploser de désir. "Je suis désolée..." Je peux dire que ça. Rien que ça. "Je crois que je tombe peut-être un peu amoureuse de toi." Un aveu étouffé. Le "peut-être un peu" sont à enlever, et voilà, tu l'as, mon coeur sur un plateau. Une petite larme de rage qui perle au coin de mon oeil. De rage parce que je me sens trop bête, minable. Mais comprends moi, j'peux juste pas. Un jour regarder mes parents dans les yeux, leur dire que je suis lesbienne, un jour entendre des ragots dans les couloirs, qui parlent de ma sexualité qui sort du rail. Je pousse mon mikshake du dos de la main, agrippe mon mojito. Le courage je l'ai toujours trouvé dans l'alcool, à défaut de le faire venir de mes tripes. Une gorgée, deux gorgées, sacrée descente. "J'aurais pas dû virer ta main, j'aurais pas dû..." Je tourne mon visage vers elle, deux petits yeux embués. Je suis bête, tellement bête. "Je veux pas que tu croies que j'ai honte de toi, je pourrais jamais avoir honte de toi, t'es..." Belle, drôle, absolument craquante. La première fille que je date de ma vie est une déesse grecque, vous y croyez vous ? Mes deux mains qui se saisissent de mon crâne, je plante mes coudes sur la table, me planque sous mes boucles brunes.