(calson) - thousand pieces

calson ☾ thousand pieces
w/ @caleb edelstein — boston, Janvier 2019
je crois que c’est typiquement ce genre d’action qui pourrait précipiter ma chute. à toujours vouloir aider les autres, à un peu trop me préoccuper des gens autour de moi sans jamais me soucier de moi-même. une qualité que ma mère trouvait adorable, la même qualité qui faisait que j’étais sans arrêt seule. probablement parce que je voulais tout réparer chez les gens. parce que j’avais ce besoin de rendre la vie des autres meilleures même si j’étais incapable d’y arriver. « je le qualifierais plutôt d’intéressant. » alors bien sûr qu’on y entend des histoires à pleurer, des récits qui fileraient la gerbe à n’importe qui mais on est aussi la transition. ceux qui permettent à celui traversant ce genre de trouble de s’en sortir au moins un peu, de vider ses ressentis. et même si avoir mon cabinet comme le docteur solano n’était absolument pas ce que j’avais envie de faire, je ne pouvais m’empêcher d’y trouver une certaine satisfaction. « ce genre de rendez-vous, ça peut sauver des vies » réellement. et si ce n’était pas le cas, les gens ne viendraient pas continuellement, semaine après semaine, heure après heure. toi, tu ne viendrais pas. j’hausse les épaules d’un air nonchalant inspirant l’air frais de l’extérieur. « mais je voudrais travailler avec les enfants. les enfants autistes. leur montrer qu’on peut les comprendre. » qu’ils sont pas si différents que ça si on s’y intéresse au moins un peu. mais, j’supposais que dans le fond, cette curiosité n’était qu’une manière de m’éloigner du sujet que tu pouvais représenter et moi, j’étais pas là pour insister. « comment tu te sens quand tu.. frappes quelqu’un ? » j’essaie sincèrement de comprendre, c’est plus fort que moi.

Elle était intéressante, cette jeune femme. Elle devait être proche en âge de Caleb, et elle respirait la gentillesse. Quelque chose que Caleb s’était amusé à briser chez les gens, en général. Il y avait tellement de possibilité dans le monde pour matcher avec une personne, mais non, lui, il choisissait toujours la plus propre et rendait un tablier dégueulasse à la fin de l’histoire. C’était quotidien. Mais elle était différente, elle, n’est-ce pas ? Elle parlait le regard jovial, elle était psychologue et pédagogue. Son métier d’être comme ça donc impossibilité de la briser non ? Il réfléchissait ensuite à sa question et à la capacité qu’il avait de frapper. Parce que chez Caleb, ce n’était pas une envie capricieuse d’un mec trop nerveux, c’était littéralement un besoin qu’il avait du mal à ne pas assouvir. Il avait touché à la drogue auparavant, après l’épisode Roxanne, mais rien n’avait eu plus de sens qu’une mâchoire qui craque sous le poids de ses phalanges. Heureusement que la boxe existait. « C’est… le pied. » Il fronçait légèrement les sourcils, les mains dans ses poches et le regard hagard. « J’ai testé la cocaïne, le LSD ou même l’oxy. Rien ne me procure plus de bien que de frapper. Comme si… j’sais pas, un trop plein en moi qui déborde enfin et libère de la place sous ma peau quand je laisse sortir… ça. » Il fait un mouvement avec ses mains qui part du bas de son ventre vers le haut de sa gorge pour illustrer ses propos. Ce n’était jamais de la haine, toujours de la rage, un besoin irrépressible de la bête à ressortir. Et même s’il était moche, son monstre était celui qui l’avait tenu en vie jusqu’alors.

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w/ @caleb edelstein — boston, Janvier 2019
je ne suis pas portée sur le jugement de toute façon. je ne l’ai jamais été et quand je pose des questions, ce n’est pas pour adresser des regards noirs ou rire des explications que l’on pourrait me donner. bien au contraire. j’ai toujours cherché à comprendre comment fonctionne le monde, comment fonctionne les gens. alors oui, je veux savoir ce que ça te procure de taper sur les gens. d’user de violence pour libérer toute cette haine que tu ressens. je veux comprendre pourquoi est-ce que tu as besoin de ça pour te sentir mieux. « mh » je fronce les sourcils, l’air réellement réfléchi. j’entends que ça puisse faire l’effet d’une drogue. à chacun son addiction. pour certains ce sera la cocaïne, pour d’autres l’alcool, pour d’autres encore seulement quelques cigarettes et pour toi.. les coups. les donner. « parfois, on peut échanger une addiction contre une autre moins dangereuse » t’avais essayé les sports de combat ? aller dans des salles pour te défouler ? sûrement. je me doutais que les solutions, t’avais déjà dû les chercher des milliards de fois et j’avais rien à proposer de bien innovant dans tout ça. j’aime pas. j’aime pas parce que le seul truc qui me soulage, moi, c’est d’aider les autres. peut être que c’est ça mon addiction. disons juste qu’elle est moins dangereuse que la tienne. « oh, deux secondes » ce que j’adorais à boston, c’était les vendeurs ambulants. les petites roulottes que l’on pouvait croiser n’importe où et proposant toutes sortes de vente. tendant un billet, je récupérais deux café d’un sourire avant de t’en tendre un. « tiens, cadeau de la maison. »

Elle n’était pas pleine de jugement, et c’était rare de rencontrer des personnes avenantes comme elle l’était. Il y avait de la bonté en elle et étrangement, Caleb se sentait rassuré à ses côtés. Avait-elle conscience que quelque part, dans le fond de sa carcasse, le bête de Split sommeillait en lui et pouvait sortir à tout moment, s’il se sentait débordé ? Il y avait plusieurs parties de lui qui pourraient rendre heureux n’importe quelle femme mais à chaque fois, c’était celle qui avait faim et qui criait sa peur du noir qui offrait un visage déformé de la réalité. « Je sais. J’suis champion de boxe dans la catégorie poids-lourd, j’en fais deux heures par jour, j’avais un groupe de parole mais… j’ai arrêté. J’suis fatigué d’être une bête de foire. » Et il la remerciait en récupérant le café, une idée lumineuse par ces temps d’ère glaciaire que la belle ville de Boston offrait. Il réfléchissait une seconde, une addiction par une autre… « Je ne touche plus à la drogue, à la clope ou ces conneries dans l’genre. J’suis sain dans ma vie… physique, tu vois ? » Il but une longue gorgée de son café en soufflant légèrement, car il venait de se brûler la lèvre. « Ouch. Chaud. » Il prit une grande inspiration par la bouche pour refroidir sa cavité buccale en souriant, fatigué. « J’garde le docteur Solano comme soupape. Mais j’fais plus rien pour soigner mes TEI, j’en ai marre. Ca ne fonctionne pas, j’laisse tomber. » Autant être la machine à taper qu’il était.

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w/ @caleb edelstein — boston, Janvier 2019
parfois, j’ai l’impression que l’on accorde pas assez d’importance aux gens qui en ont réellement besoin. toi, par exemple. je pourrais mettre ma main à couper que t’es catégorisé aux yeux de beaucoup de gens. comme le mec violent, le mec dont il ne faut pas s’approcher. celui qui pourrait user de ses poings sous peu importe quel prétexte. et partant de là, personne ne cherche à comprendre. sûrement que t’es la bête de foire et les jugements doivent aller bon train à ton sujet. moi, je préfère de loin essayer de saisir. avoir l’opportunité de me plonger un peu plus loin dans ton cerveau pour tenter de mettre le doigt sur ce qui te rends comme ça. il y a toujours une raison. il y a toujours une explication. quelque chose de rationnelle qui permet de répondre à la question pourquoi. et sûrement que si on essayait un peu plus, il y aurait bien moins de problèmes dans ce monde. malheureusement, personne n’a l’air de réellement de se soucier de l’autre. société d’opportuniste. « t’en est pas une. » que je rétorque d’un haussement de sourcil. « tu fonctionnes différemment. les bêtes de foires sont ceux qui te regardent. » ni plus ni moins. et probablement que l’on devrait arrêter d’accorder autant d’importance aux regards des autres même si encore une fois, il est plutôt difficile d’échapper aux jugements. « mh, je vois » mais être saint dans sa vie physique ne voulait pas dire l’être mentalement. tout le monde avait ses propres démons à combattre. les tiens étaient peut être juste plus imposants que ceux des autres. « est-ce que t’aimerais que ça fonctionne ? » avoir envie d’être aider, c’est probablement la toute première étape à passer. et si t’es pas dans cet état d’esprit là, tu pourras essayer n’importe quoi que ça ne fonctionnera pas.

Le café dans les mains qui brûlent sa gorge, cordes vocales qui s’essoufflent un peu par la chaleur. Il boit ce breuvage du démon pour se réchauffer le corps, mais rien n’empêche à son monde de s’écrouler toujours un peu plus. Alors étrangement, une alliée comme Addison, ça lui faisait du bien. Elle n’avait pas de tristesse et de peine, elle ne lui apportait que du positif et elle dégageait l’aura d’une sirène. Caleb respirait cette essence concrète pour s’enivrer de son parfum. Et malgré ça, il n’avait pas envie de voir ses démons disparaitre pour autant. Caleb vivait avec eux depuis tant de temps qu’il les avait apprivoisés, comme de vieux amis maintenant. « Oui et non. Pas en ce moment. » En ce moment, il avait besoin de haine et de colère, il avait besoin de décharger, et rien ne l’aidait à ça mieux que la boxe. Ou le sang. Il avait besoin de cogner, c’était tout ce que son corps réclamait. « Mes TEI m’ont appris que si j’laisse pas sortir la rage au bon moment, elle risque de faire beaucoup plus de mal que de bien. » Quand elle était contenue, elle détruisait tout sur son passage, comme la soupape d’une cocotte-minute dont on ne libérait pas la vapeur. Ca avait le mérite d’être clair, il préférait cogner maintenant, que plus tard. C’était un bon point pour lui, non ? Et plus il marchait, plus il ralentissait, cette conversation pour un petit moment d’accalmie. « J’ai besoin de cette violence. » Et pourtant il voyait le docteur Solano. « Ma bête est devenue une alliée, une amie même. Elle me connait et se présente à moi quand j’en ai besoin. » Et souvent quand il ne faut pas. Comme quand elle avait cogné Roxanne.

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w/ @caleb edelstein — boston, Janvier 2019
alors pour pouvoir être aidé, faut en tout premier lieu en avoir envie. et ça, c’est universel. ça fonctionne pour tout le monde. puis dans tous les cas, j’étais clairement pas en train de dire que j’avais la réponse pour toi. si j’étais capable d’aider tout le monde -ce que j’aimerais réellement pouvoir faire- ça se saurait. « mh » je me plonge dans mes pensées pendant quelques secondes. c’était très particulier comme cas. et je crois que c’est pour ça que ton dossier m’avait tenu éveillée pendant autant de temps. t’étais.. intéressant. « faudrait peut être que maintenant tu l’a laisse sortir au bon endroit » donc pas sur le corps d’une femme. pas sur le corps de la mère de ta fille. ce serait déjà un bon moyen de commencer. « pourquoi tu as l’impression d’en avoir besoin quand tu es avec elle ? » si c’est ton alliée, ton amie comme tu dis, pourquoi est-ce qu’elle se manifeste devant la mère de ta fille ? pourquoi est-ce que tu lui fais endurer ça ? j’ai du mal à trouver ça logique pour le coup. non pas que je juge, je ne suis clairement pas là pour ça mais j’ai probablement besoin d’avoir bien plus de réponses pour réussir à réellement cerner le personnage. « c’est toi qui frappe ou c’est elle ? » parce que j’ai l’impression que tu sépares les deux. que tu ne te tiens pas réellement responsable de ce qui arrive quand tu laisses la colère te contrôler.

Elle le déroutait. Elle posait les questions qu’aucun psychiatre ne lui avait jamais posé, ces incapables. Elle tapait juste et étrangement, elle donnait l’impression d’être beaucoup plus à l’aise maintenant que dans le cabinet du docteur Solano. Alors il utilisait cette opportunité pour l’ouvrir, et exprimer réellement des sensations, sentiments qui le parcourait de toute part. « Je… » Question complexe. « Parce qu’elle était facile à atteindre. » Honnête. Il avait Roxanne devant lui tous les jours de la semaine. Maintenant qu’il était séparé, que ça faisait une pair d’année, il avait usé de ses poings sur à peu près n’importe qui et dans n’importe quel contexte. Mais étrangement, la seule personne dont il crevait d’amour, c’était la personne sur laquelle il tapait le plus, Alexis. Et elle lui rendait merveilleusement bien, la plupart de ses contusions au visage ayant été faite par elle lors de combats de boxe un peu trop virulent. « C’est elle. » Est-ce que sa bête n’était qu’un prétexte à la violence ? Parce qu’il avait vraiment cette sensation que ce n’était pas lui qui contrôlait. Il justifiait de sa bête pour dédouaner chacun de ses gestes mais. Ok. Elle appuyait réellement là où ça faisait mal. « C’est toujours elle qui dirige… non. C’est moi ? » Il fronçait les sourcils, incapable de discerner la réalité. Elle était une personne à part entière, sa bête. Ou pas ? Il n’en savait rien. Il secouait sa tête en se frottant les yeux d’une seule main, dérouté.

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w/ @caleb edelstein — boston, Janvier 2019
alors si vous êtes deux parties totalement dissociable, je veux savoir pourquoi est-ce qu’elle débarque dans ce genre de moment là. pourquoi est-ce qu’elle a l’impression qu’il faut te protéger de cette femme là. et la réponse qui tombait n’était clairement pas celle que j’attendais. mais comme toujours, je gardais le silence tentant d’analyser rapidement les choses dans ma tête. « donc avec elle, ce n’était pas de la protection. » si elle était facile à atteindre, elle ne constituait pas un danger. donc techniquement, tu n’avais pas besoin de la protection de cette deuxième partie de toi. « je pense qu’inconsciemment, c’est toi. mais que tu n’as pas le contrôle quand ça se produit. » comme si dans ce genre de moment, tu étais incapable de te rendre compte de ce que tu faisais. et ça ne veut pas dire que tu n’es pas fautif mais ça ne veut pas non plus dire qu’il faut te laisser tomber. « ça fait longtemps que tu viens ici ? » voir le docteur solano. parce qu’autant, mon stage me tient à coeur, autant, je ne suis pas forcément fan de la personne. entre les regards insistants, les gestes un peu trop déplacés par moment et sa manière peu conventionnel d’agir avec les gens. j’me dis que ce serait pas forcément le genre de personne vers qui je me tournerais si j’avais besoin de parler à quelqu’un. « t’as l’impression d’avoir fait des progrès ? » dans le fond, c’est ce que tu ressens qu’est le plus important.