once upon a time

« in a far far away kingdom, two princesses ... »

PARIS, août 1992. L'hôpital de la Pitié Salpêtrière s'endormait peu à peu, bercé par la douceur d'une nuit estivale parisienne. Seul le personnel de garde s'affairait encore au bon fonctionnement des lieux. Dans le service de maternité, on aurait pu penser qu'il n'y avait là, pas âme qui vive ; jeunes mères et nourrissons s'en étaient allés dans les bras de Morphée, abandonnant les lieux dans un silence religieux. Une infirmière était attablée à l'entrée, vérifiant les dossiers de soin de chaque patient présent entre ces murs. De temps à autres, les pleurs d'un nouveau né l'obligeait à abandonner sa tâche, mais elle parvenait à le calmer rapidement.
Soudain, un appel sur son bipeur la fit brusquement cesser son activité. Elle se leva rapidement et quitta son poste de travail pour rejoindre le médecin qui l'avait demandée. C'était l'occasion ou jamais.
Un homme chargé de l'entretien sortit de l'ascenseur, poussant un chariot recouvert de draps. Il emprunta le couloir qui menait aux chambres, sifflotant une mélodie proche de celle de l'hymne soviétique. Il s'arrêta devant la chambre où dormaient près d'une trentaine de nourrissons et, s'assurant d'un bref coup d’œil que nul ne viendrait perturber ses plans, pénétra dans la pièce.


Dès les premières heures du jour, l'hôpital reprit vie ; patients et personnel médical affluaient, brisant le calme régnant durant la nuit. Pour le service de maternité, tout s'était déroulé sans encombres, à une seule exception : un nouveau né avait disparu. L'enfant, Kallista Hawkins, était née quelques jours plus tôt seulement, et ses chances de survie sans soins adaptés étaient moindres. Pendant plusieurs heures, médecins, sage-femmes, infirmiers et aide-soignants s'étaient adonnés à de minutieuses recherches dans chaque recoin de l'hôpital. Malheureusement, ces recherches furent vaines. La fille de la célèbre famille Hawkins avait disparu et seule sa sœur jumelle Twiggy, aurait la chance de connaître ses illustres parents.


MOSCOU, septembre 1992. L'homme avait dissimulé des yeux derrières de grandes lunettes noires. Assis à la table d'un café, il attendait son rendez-vous. Soudain, un homme fit son entrée. Il le rejoignit, le salua, et entama la discussion. Les deux Russes discutèrent de longues minutes, devenant muets à chaque passage à proximité de leur table. Leur échange prit fin vers onze heures. Le second venu sortit alors une mallette imposante et la remis à son interlocuteur. Ce dernier l'ouvrit, en détailla le contenu, et confirma leur accord d'une poignée de mains. « Ma voiture est garée derrière. Ouvrez la porte passager arrière, et elle sera là, monsieur Seleznev. » « Comment s'appelle-t-elle ? » demanda l'autre homme en se levant. « Kallista. »

titre

« la lune trop pâle caresse l'opale de tes yeux blasés, princesse de la rue soit la bienvenue dans mon cœur brisé. »

BOSTON, mars 2008. Les ruelles de la ville étaient plongées dans la pénombre. Le voile obscur de cette nuit sans lune recouvrait désormais toute la côte est. Pas une étoile dans le ciel, seulement des nuages -identifiables grâce à la lueur des réverbères- qui semblaient menaçants.
Le bruit de ses pas glissa sur les pavés du vieux Boston, d'un claquement irrégulier et las. Elle ne cessait de chercher celui qui saurait l'aider, celui dont son père lui avait tant parlé, disant sans cesse à son sujet « qu'il était son seul lien avec le monde "ordinaire", populaire ». Mais, son paternel lui avait également annoncer qu'en cas de problème, si un jour lui-même ou sa femme venaient à disparaître, ce serait chez lui, qu'il faudrait se rendre.
La jeune fille tentait par tous les moyens de braver la fatigue qui l'accablait ; ses jambes semblaient se dérober à chacun de ses pas, et son visage subissait les méfaits de toutes ces nuits passées sans sommeil. Sous son joug, elle manqua plusieurs fois de trébucher, ses pieds se prenant dans des pavés mal scellés. Malgré cela, sa seule préoccupation était de garder l'adresse qui lui avait été donnée en mémoire : Spring Street. Elle ne cessait de la répéter mentalement, de peur de l'oublier et de devoir errer éternellement dans ces rues sombres.
Ce n'est que bien plus tard que ses efforts furent récompensés ; devant elle, un panneau indiquait cette fameuse Spring Street. La jeune fille tourna sur la gauche, cherchant désormais l'enseigne du pub « Russian Roulette ». Celui-ci se trouvait quelques mètres plus loin ; une vieille enseigne lumineuse, dont plusieurs ampoules avaient déjà lâché, grésillait au-dessus de la porte d'entrée. A l'intérieur, tout semblait désert, à l'exception de quelques habitués venus boire leur vodka du soir. Mal à l'aise, la jolie blonde poussa la porte vitrée avec hésitation et pénétra dans les lieux. Un homme essuyant des verres derrière le bar la regarda avec étonnement ; c'était sans doute la première fois qu'une si jeune fille ne portant pas de minijupe ou de talons mettait les pieds dans son bar. « Tu vas me dire que tu as vingt-et-un ans, n'est-ce pas ? » lâcha-t-il sans même la saluer. Prenant son courage à deux mains, elle avança vers cet homme dont l'expression faisait froid dans le dos. Elle peinait à avaler sa salive, mais parvint à s'exprimer dans un anglais correct, son accent trahissant ses origines : « Non ... je recherche Mr Azarov ... » Le barman s'immobilisa, fixant la demoiselle de ses yeux bleus perçants avant de lui répondre « Кто ты ? » « Меня зовут Катя ... Катя Селезнева. » A nouveau, le visage de l'homme se figea, mais son air devint grave et perturbant. Il quitta sa place et, réapparaissant devant le bar, fit signe à l'adolescente de le suivre. Hésitante, elle finit néanmoins par s'exécuter ; dans sa situation, le doute n'avait pas sa place. Ils empruntèrent un passage menant à la réserve, et grimpèrent un escalier de métal ; à l'étage se trouvait un appartement mal entretenu, dans lequel l'ordre n'était pas une habitude. « Qu'est-ce que tu fous ici ? » lâcha soudainement l'homme en allumant la pièce qui avait l'apparence d'un salon. Elle le regarda sans dire un mot ; son corps tout entier croulait sous la fatigue, si bien que l'ensemble de ses muscles semblaient paralysés. Le barman ferma les yeux « Bordel, Alekseï ! Qu'est-ce que tu as encore foutu ... » dit-il dans un soupir. Devinant la détresse de son invitée, il se montra plus accueillant, mais son attitude austère demeura : « Écoute ... je veux bien te garder quelques jours ici. Mon frère s'est encore mis dans le pétrin et je lui ai fait une promesse ... Il y a une chambre d'ami au fond, tu peux t'y installer. Mais je te préviens ! Le gîte et le couvert ne sont pas offerts par la maison ! »
Katia acquiesça d'un hochement de tête et se dirigea vers la chambre qui venait de lui être attribuée. Alors qu'elle quittait la pièce principale, elle se retourna, regardant celui qui s'avérait être son oncle « Спасибо ... » dit-elle, le regard empli de tendresse, un sourire triste dessiné sur les lèvres. Puis, sans attendre de réponse, elle reprit sa route.

Un cri résonna dans l'appartement, mettant fin au silence régnant auparavant. Azarov se leva, les yeux mi-clos, et les nerfs à fleur de peau. Cela ne faisait que quelques heures et déjà, il regrettait d'avoir accepté la jeune fille chez lui. Il entra dans la chambre et, voyant qu'elle était plongé dans un sommeil particulièrement agité, tenta de la réveiller. Elle finit par ouvrir les yeux, ces derniers étant emplis de terreur et de fantômes qui la hantaient. Son front était brûlant et ses muscles, tétanisés par la peur. L'homme chercha à la calmer, avant d'espérer savoir quelque chose sur son cauchemar. « Ils ... ils étaient là ! Ils ... ils ... ils leur ont fait du mal ! » sanglotait-elle. Azarov saisit une chaise, la posa à côté du lit, et s'y installa. « J'aurais préféré éviter d'en arriver là, mais je crains de ne pas avoir le choix ... dis-moi ce qui s'est passé, Katia. »

journey to the past

« petite citation - petite citation - petite citation »

VLADIVOSTOK, décembre 2007. « Екатерина Алексеевна ! Пожалуйста девушка ... » s'écriait une femme aux pieds des escaliers de marbre. A leur sommet, une adolescente apparut ; ses longs cheveux blonds avaient gardé les traces de mèches roses faites sur un coup de folie, et ses grands yeux céruléens étaient cernés par d'épais traits noirs les intensifiant. « Calme-toi Masha ! » dit-elle d'un air nonchalant. « Si vous partez maintenant, vos parents vont s'inquiéter ... » La jeune fille étouffa un rire jaune et dit, le regard insolent « Tu penses qu'ils vont s'inquiéter ? Sérieusement, Maria ... tu es ma gouvernante depuis que je suis née ; tu sais aussi bien que moi que, la seule chose qui risque de leur déplaire, c'est que je débarque saoule au milieu de leur petite soirée » Elle esquissa un sourire compatissant et ajouta d'une voix douce « Ne t'inquiète pas ! Ils ne te renverront pas ... » La nourrice ne parvint pas à masquer son inquiétude, mais ne dit rien. Elle se contenta de regarder sa petite protéger descendre les marches, et de regretter de ne pas avoir pu l'empêcher de se comporter ainsi.
Du haut de ses quinze ans, Ekaterina Kallista Alekseïevna Selezneva, de son vrai nom, n'avait rien de l'adolescente angélique qu'elle semblait être à première vue ; derrière ce visage doux et ces cheveux d'or se cachait une jeune fille en proie à de nombreuses souffrances, qui n'hésitait pas en faire payer le prix fort à ses parents. Ces derniers n'étaient autres qu'Alekseï Dmitrievitch Seleznev et Valentina Ivanovna Selezneva. Alekseï Seleznev était officiellement un homme d'affaire brillant et rusé, spécialisé dans le milieu du tourisme. Officieusement, il œuvrait pour une cause bien moins honnête, puisqu'il se trouvait être le bras droit d'un éminent parrain de la Bratva. Mais cette information était un secret de polichinelle pour les renseignements secrets. Jusque là, il était parvenu à épargner sa famille sur ses agissements, et espérait réussir à la protéger encore longtemps. Il ignorait encore que ce soir là, la vérité serait mise à nue, mais qu'il n'aurait pas l'occasion de s'expliquer.
Katia saisit une veste en cuir noire accrochée sur un porte-manteau, l'enfila, et attrapa un paquet de cigarettes qu'elle avait préalablement caché dans un tiroir. Elle embrassa sa gouvernante qui lui rappela, comme à chacune de ses excursions nocturnes, d'être prudente, tout en sachant qu'il n'en serait rien.
Maria Sergueïevna Vassilieva travaillait pour les Seleznev depuis la naissance de Ekaterina. Elle était l'unique personne qui comptait vraiment aux yeux de la jeune fille. En effet, les absences répétées de ses parents avaient entraîné un transfert chez l'adolescente ; Masha s'était toujours comportée comme une vraie mère pour elle et, même si ses agissements laissaient à penser qu'elle ne tenait pas compte de ses avis, Katia aimait profondément la femme qui l'avait élevée. De son côté, la nourrice savait au fond d'elle que sa protégée n'avait rien de mauvais ; elle n'était qu'une adolescente prête à tout pour attirer l'attention de ses géniteurs, attention qui lui faisait défaut depuis bien des années.
Enfant, elle était une véritable artiste : danse, piano, harpe ... son rêve était d'intégrer un prestigieux opéra, dans le but de devenir danseuse étoile. Mais, tous ses espoirs furent réduits à néant après une violente blessure à la jambe : sa carrière de ballerine resterait un rêve.
Aux yeux de ses parents, tout cela n'avait rien de dramatique ; en effet, la petite avait su montrer, très tôt, de grandes capacités intellectuelles. Elle n'était pas surdouée, mais certaines choses qui pouvaient sembler incompréhensibles pour le commun des mortels, étaient pour elle claires comme de l'eau de roche. Ainsi, dès son plus jeune âge, Ekaterina avait la capacité de résoudre des problèmes mathématiques, entre autres, d'un niveau bien plus avancé que le sien. Cependant, l'annonce brutale de la fin de son éventuelle carrière dans le monde de la danse ne l'avait pas poussée à mettre à profit son potentiel ; elle s'était rapidement rebellée, reprochant ses souffrances au monde entier, et avait enchaîné les échecs scolaires. L'adolescente avait mis de côté ses activités artistiques premières, préférant les arts martiaux au piano.


Une pluie de verre s'abattit sur le sol. Le bruit d'une explosion se fit entendre, réveillant les habitants auparavant plongés dans un sommeil profond. Puis, ce fut au tour d'un coup de feu de perturber le calme régnant. Le plancher craqua sous la frénésie des pas, incitant les propriétaires à agir. Mais ils étaient cernés. Aucune issue. L'homme fit signe à sa femme de fuir, mais celle-ci ne put que se contenter de se cacher. Ce dernier se leva, saisit une arme dissimulée parmi ses affaires, et attendit que l'assaut ne soit donné.

Ekaterina venait seulement de rentrer. Il était deux heures passées ; la soirée à laquelle elle s'était rendue avait été coupée court par la présence des forces de l'ordre dans les lieux. Elle était parvenue à s'enfuir avec ses amis avant de se faire embarquer pour consommation d'alcool en tant que mineure. Épuisée par la course effrénée dans laquelle elle s'était lancée jusque chez elle, l'adolescente n'avait pas pris le temps de se changer pour aller dormir. C'est alors qu'elle entendit le fracas du verre et les coups de feu au rez de chaussée. Masha arriva en trombe dans sa chambre, paniquée. « Il faut partir, mademoiselle ! Ces hommes sont là pour votre père ! » La jeune fille chercha à comprendre, mais sa nourrice l'entraîna dans le couloir. Elle fit coulisser un des pans du mur, dévoilant ainsi un passage sombre. « Cachez-vous ici ! Ne sortez que lorsque tout sera fini ! » « Et toi, Masha ? Où vas-tu ? ». La femme ne répondit pas et rabattit la porte sur la pièce secrète.

Le règlement de compte tournait au massacre. Les murs, dans lesquelles s'étaient perdues plusieurs balles, étaient désormais maculés de sang. L'homme s'était assis, adossé contre le mur de la chambre, gémissant après qu'un tir ne lui ai touché la jambe. Sur le sol gisait le corps de sa femme, une balle en plein cœur. De son côté, Katia s'était aventurée à travers les murs. Elle avait alors réalisé qu'une partie du passage donnait sur la chambre parentale. Elle fit lentement glisser le mur, et découvrit le corps sans vie de sa mère et son père à l'agonie. Elle retint un cri en collant une main sur son visage.
Soudain, les coups de feu cessèrent. Un pas lent et régulier claqua sur les marches de l'escalier. Il le savait. Tout n'était plus qu'une question de secondes. Un homme passa le pas de la porte et découvrit sa cible sur le sol. « Aliocha ... je t'avais donné ma confiance. Pourquoi est-ce que tu as tout fait foiré ? Je t'ai même offert ta fille sur un plateau en argent ! » Katia sentit tout le sol se dérober sous elle. De quoi parlait-il ? « Tu sais combien ça a été difficile d'enlever cette gamine ?! Mais je l'ai fait en hommage à notre amitié ... » L'adolescente eu du mal à cacher sa souffrance. Sa respiration et son rythme cardiaque s'était accéléré sous le joug de la douleur. « Je te l'ai dit, Sasha ! Je ne suis pas un homme de confiance ... » L'intrus esquissa un sourire malveillant, révélant une cicatrice sur sa joue gauche. « Хорошо ... Mais avant d'en finir, j'aimerais que tu m'explique pourquoi la cargaison a été intercepté à la frontière géorgienne ... » « Иди на хуй ! » lâcha-t-il dans un dernier effort, un sourire insolent et provocateur dessiné sur les lèvres. Aleksandre soupira. « Comme tu voudras ... Dis bonjour à Satan de ma part ! » Il pointa son arme sur son front et appuya sur la gâchette.

Cloîtrée derrière la porte du faux mur, Katia tenait à s'assurer qu'elle était désormais seule. Elle patienta quelques minutes et se décida à sortir. Son esprit était embrouillé et son corps comme paralysé. En une soirée, toute sa vie était devenue poussière ; son histoire et sa jeunesse n'étaient faites que d'illusions. Pas une goutte de sang de Seleznev ne coulait dans ses veines ; elle n'était désormais qu'une de ces filles sans passé, sans racine. Les jambes tremblantes, elle s'approcha doucement des corps gisants dans des mares de sang. Elle s'accroupit à leurs côtés et explosa en sanglots « Почему ?! Почему папа ?! ». Elle scruta la pièce plongée dans l'obscurité, cherchant sa gouvernante du regard. Elle espérait qu'elle s'en soit sortie. Mais l'heure n'était pas aux questions ; sa famille adoptive morte, elle ne pouvait rester plus longtemps. Elle devait fuir.

i wish someone were waiting for me somewhere

« Too long we’ve been denying, now we’re both tired of trying we hit a wall and we can’t get over it »

BOSTON, août 2010. « Kallie ! Tu me fais deux expresso et un latte macchiatto pour la 5 ! » La jeune fille s'exécuta et apporta les boissons chaudes à la table indiqué. En deux ans, le Russian Roulette avait bien changé ; à l'aide de sa nièce, Azarov avait revu l'agencement et la décoration des lieux, faisant désormais de son ancien pub délabré, un café où travailleurs et étudiants venaient se retrouver. De son côté, Ekaterina -que son oncle avait toujours appelé Kallista ou Kallie- avait quitté l'appartement pour s'installer avec un jeune américain, qui s'avérait être son petit ami. Voyant sa petite protégée heureuse, Azarov ne s'était pas opposé à leur union prochaine ; il devinait la volonté de Kallie d'acquérir la nationalité américaine et, pour elle, seule cette option était possible. Elle avait cependant choisi de garder son travail de serveuse afin de se forger un petit capital pour sa vie de future jeune mariée.
19 heures. Fin exceptionnelle du service. Mikhaïl Azarov ferma la porte après le départ des derniers clients, et offrit à boire à sa nièce. « C днём рождения » dit-il en levant son verre. La demoiselle fêtait ses dix-huit ans. Cette nouvelle année ne lui autorisait pas encore l'alcool sur le territoire américain, mais Misha s'évertuait à dire que s'il existait des règles, c'est qu'elles étaient faites pour être transgressées. Ils avalèrent leur verre de vodka et, l'homme reconnut une silhouette familière derrière la baie vitrée. Kallista se leva pour lui ouvrir et l'embrassa tendrement. Cet homme n'était autre que son fiancé, celui auquel elle dirait oui dans quelques jours. A l'occasion de son anniversaire, il avait décidé de l'emmener diner. Mais les choses semblaient prendre une autre tournure sur le pas de la porte.

« Je ne comprends pas ... » Le jeune homme leva les yeux au ciel en soupirant « Écoute Kallie ... je ne sais absolument rien sur toi ! J'ai l'impression que tu ne me fais pas confiance et je n'arrive pas à le supporter. » « Bien sûr que si, tu sais beaucoup de choses à mon sujet. Je t'ai dit d'où je venais, depuis combien de temps je suis ici, ce que je fais actuellement et ce que je veux pour l'avenir ... » « Non. Ce que je sais c'est que tu viens de Russie, que tu ne parles plus à tes parents, et que tu t'es installé chez ton oncle aux États-Unis avant de me connaître. Rien d'autre. Si tu tiens vraiment à ce mariage, alors dis-moi dans quelle ville tu as grandi, pourquoi tu as coupé les ponts avec ta famille, et pour quelles raisons tu es venue t'installer ici ! » Le regard empli de tristesse, et la conscience pleine de remords et de culpabilité, elle fuit son regard. « Non ... ça, je ne peux pas ... » Il soupira à nouveau et conclut la discussion « Dans ce cas, je pense qu'il vaut mieux qu'on se sépare. Si tu ne parviens pas à accepter qui tu es, nous ne pourrons jamais avancer ... »
Elle le regarda s'éloigner, les yeux baigné de larmes et éclata en sanglots sur le bord de la route. Il avait raison : son passé la torturait et elle n'en avait jamais parlé à quiconque. Mais comment aurait-elle pu ? Elle même n'avait pas la moindre idée de qui elle était. Elle ignorait si une famille l'attendait quelque part ...

at the beginning with you

« we were strangers starting out on a journey. »

CAMBRIDGE, août 2011. Harvard. L'université la plus importante des États-Unis se trouvait là, sous ses yeux, et Kallista y faisait son entrée. Après avoir obtenu une note exemplaire au SAT, la jeune femme avait pu intégrer ce prestigieux institut. Après la rupture avec son fiancé, elle avait décidé de se prendre en main ; son oncle refusait de la voir rester serveuse éternellement et était prêt à y mettre le prix. Les choses ne furent pas des plus simples, mais ils y étaient parvenus. En effet, durant sa jeunesse, on avait découvert chez la jeune russe un certain potentiel ; elle n'était pas une surdouée, mais elles avaient des facultés innées pour certaines choses, notamment les langues et les sciences. Cependant, elle avait choisi de ne pas exploiter ses facilités et s'étaient comportée comme n'importe quelle adolescente. Mais elle était désormais déterminée à réussir, et n'abandonnerait pas.