Invité
est en ligne
Invité
"Au fait, on dit quadragénaire." Heureusement qu'il sait pas que je suis à Harvard, je ferais honte à l'école. J'ignore son sourire crétin et j'le suis. [...] On marche, on marche. Je pensais qu'il m'emmenait dans le bar d'à côté moi, pas bien loin. Je vais avoir des cloques à force de crapahuter, perchée sur mes échasses. Il m'entraîne finalement dans une petite ruelle, propice aux tragédies. La dernière fois que j'ai échoué dans un coin sombre comme celui-là, ça a mal fini. J'le regarde pas rassurée mais il s'en fout et pousse finalement une porte sombre. J'ai pas le temps de lire l'enseigne lumineuse, je suis à l'intérieur, comme happée par la lumière des néons. Il s'arrête, me reluque de haut en bas. "Oh ça va, j'te gê..." - "Ca fera l’affaire." J'ai un regard pour mon petit jean et mon top qui n'ont rien demandé à personne. Ils feront l'affaire pour quoi, au juste ? "Henderson, visiteurs." Il me lance un hochement de tête entendu, mais je suis perdue. On est où là ? Ce bleu néon, ça fait endroit sordide, maison close bizarre. Je suis pas à mon aise, puis je le connais bien ce Yann ? Si ça se trouve, je viens de me jeter dans le piège d'un dangereux psychopathe, un détraqué, j'aurais dû le deviner à ce sourire de con. Et pourtant je le suis dans ce couloir sombre, avant qu'il me fasse passer devant. Je mène la marche, pas super rassurée. Je sens mon manteau glisser le long de mes épaules. Elles sont nues à présent, je tremble. Je lui lance un regard derrire mon épaule mais, j'le vois, il jubile. On déambule dans ce couloir, prenant mille détours, j'me perds au milieu de cette succession vertigineuse de portes. Yann en ouvre une. Je vois d'abord de la peau, des gens collés les uns contre les autres, à se trémousser. Des plumes, des perles, des masques. Et ces portes avec deux accès : visiteurs et habitants. "Bienvenue dans le monde des grands, Michelle." Je sursaute, surprise par son souffle chaud qui vient se poser dans mon cou. Je fais volte-face, mon visage un peu paniqué trop proche du sien. Je recule d'un pas mais bute contre un petit fauteuil de velours placé contre la porte. "C'est quoi cet endroit ?" Je crois que j'ai compris le principe. La luxure, le vice. Moi qui pensait être devenue une pro du pieu ces derniers mois, force est de constater que j'y connais rien. "Tu... on est censé faire quoi ? Tu me touches pas hein !" Je chuchote, l'index levé. Je sais pas pourquoi je murmure. Je voudrais pas qu'on nous entendre, qu'on me surprenne dans cet endroit sordide. Imaginez la réaction de la doyenne si elle savait qu'une de ces étudiantes passait ces soirées par ici. Des bruits de basses qui me font sursauter, de nouveau, je pivote, je scrute la pièce et les deux accès. Visiteurs et habitants. On dirait le début d'un film d'horreur porno. "Je hum..." J'le sens pas. Mais je veux pas le dire. Marre d'être prise pour une minus, une petite chose fragile.
(Invité)