NINO ESTRELLADO ► isha blaaker

no tienes familia, pero tendrás la fuerza
y te convertirás en el mejor

El niño, c'était moi. C'est comme ça qu'ils m'appelaient tous, le mioche lâché en plein bidonville, sans personne autour. Nada. Mais ça n'avait étonné personne, personne ne s'inquiète de rien dans un environnement pareil. Mexico, capitale du Mexique et des damnés. Là-bas, on crevait la dalle et on dormait par terre, pourquoi chialer devant un gamin orphelin quand vous risquez tous les jours de voir la moitié de votre famille se faire descendre sous vos yeux ? C'est un autre Monde, le nôtre, tout est réajuster, les limites repoussées, on est livrés à nous-mêmes et le seul but est de survivre une journée de plus. C'est comme ça que j'ai grandis, sans trop d'espoir, sans projet, sans rêve et sans famille. Je créchais à droite à gauche, les habitants se relayaient pour pas me laisser crever de froid dehors et dès que le jour se levait on se débrouillait pour trouver quelque chose à manger. On jouait au football avec une vieille boîte de conserve rouillée, on se battait, on riait, tout le monde connaissait tout le monde, les bons filons et les endroits à éviter. C'était pas triste, c'était simplement comme c'était. De El niño, je suis passé naturellement à Nino tout court. J'étais le gamin aux étoiles qu'ils disaient, parce que je passais mon temps à les regarder. Elles me fascinaient. Je m'y perdais. J'imaginais que mes parents étaient entre elles, je préférais les savoir morts que quelque part en train de sourire, en train de respirer à plein poumons de l'autre côté de l'horizon. Je préférais les imaginer pourrissants quelque part sous une couche de terre plutôt que capables de vivre sans leur fils. C'était plus facile, ça faisait moins mal. C'est comme ça qu'ils m'ont baptisé Nino Estrellado.

elige tu clan, trabaja duro para ellos
pero no olvides que no lo harán por ti

De gamin un peu nerveux je suis passé à adolescent trop violent. On était conditionnés pour. La compassion était rare, l'amour invisible, la justice inexistante. Il fallait trouver tous les moyens pour se faire une place et ne jamais flancher pour pouvoir la garder. Je l'ai fait. J'ai commencé par dealer, pratiquer les combats de rue, les courses de voitures pour gagner un peu de blés. J'ai vite été remarqué, observé, sélectionné par les gangs pour les sales tâches, celles que personne ne veut faire et que tout le monde craint. Ils savaient que je n'avais rien à perdre, aucune attache, aucune peur. Ils savaient que j'étais malin, habile et sans aucune limite, ce qui faisait de moi le candidat idéal. Mon caractère difficile et mes nouvelles activités ne plaisaient pas à tout le monde, les rumeurs couraient presque plus vite que nous, ça devenait officiel : j'avais sombré du mauvais côté. C'était facile, j'ai commencé par vendre quelques barrettes de shit puis quelques sachets de cocaïne, de l’extasy et puis de l'héroïne. De fils en aiguilles on m'a envoyé casser la gueule de types qui devaient du fric à ma hiérarchie. Parfois, j'ai du fracasser des inconnus, parfois ils n'en étaient pas. J'étais dedans, trop profondément pour faire marche arrière. C'est pas le genre de taf dont on se débarrasse un jour. Et puis c'est arrivé, j'ai fini par devoir buter un mec, celui d'une amie d'enfance que son mafieux de père trouvait un peu trop encombrant. C'était moi qui avait balancé son nom, son adresse, les heures auxquelles il voyait sa fille chérie. Quand on fait ce que je fais, on n'a pas le temps de se demander où se situe la limite entre le bien et le mal, de doser, de prendre une pause pour réfléchir. On fonce et on fonce vite avant de se faire rattraper. Parce que si ça n'avait pas été eux, si ça n'avait pas été lui.. Ça aurait été moi. Le cerveau éteint, les yeux plantés dans les siens. J'ai appuyé sur la gâchette sans ciller. Je l'ai tué. Elle a jamais su que c'était moi. A dix-huit ans, le gamin aux étoiles venait de devenir un assassin.

naces solo, morirás solo
entre los dos, confronta

Cinq ans plus tard, la famille pour qui je bosse retrouve enfin les traces de la princesse déchue, celle qui avait fuit le pays après la mort de son Roméo et la correction musclée de papa et ses frères, histoire qu'elle retienne bien la leçon. Un coup de téléphone et on m'annonce que je vais devoir rejoindre les USA, moi aussi pour la filer, la traquer, l'amadouer dans l'unique but de la ramener au pays. Ce n'était pas la première qu'on m'envoyait faire un petit voyage secret. J'avais déjà traversé quelques pays, foulé quelques villes en silence, la capuche campée sur mon crâne, l'arme planquée dans mon caleçon. Mais, cette fois c'était différent. Je devais emménager à Boston parce que c'était LA mission, ça allait être long, jeu de patience et de manipulation. Déjà deux ans que j'ai posé mon sac à dos comme unique valise dans le Massachusetts. Certains visages sont devenus familiers, parfois très familiers. Mon petit business indépendant s'étend de jour en jour et les liasses de billets cachées sous le matelas témoignent de mon investissement concernant les petits extras que les Mexicains réclament. Même si je me sens bien ici, je n'oublie pas pourquoi j'y suis et eux ne l'oublient pas non plus.