Invité
est en ligne
Invité
Je vois Callum se lever, tourner comme un lion en cage dans mon salon. "Bonjour, c’est pour des pizzas en livraison s’il vous plait. … Oui, alors une margarita pour madame et une banane nutella pour moi. … Super ! Ah, et vous rajouterez une mini quatre fromage pour la petite. Merci, vous êtes super !" Moi et mon sens de l'humour bancal apparaissons dans l'encadrement de la porte. Je me prépare déjà un discours pédagogique mais pas culpabilisant : "écoute Callum, hum, la quatre fromage pour la digestion de Jane c'est pas terrible..." Quoi ? On m'a jamais bien appris le second degré dans mon école protestante coincée des fesses. Sauf qu'il me devance et éclate de rire : "J’plaisantais, détends toi." Je me sens conne et le suis dans son fou rire. "Désolée, c'est que parfois je suis un peu sur les nerfs..." Parfois tout le temps ouais. C'est carrément pathologique d'être tout le temps sur la défensive comme ça. Je sors une petite cuillère que je pose à côté du petit pot fumant sur un petit plateau orange vif. J'ai fait réchauffé du lait. Pendant que je bouge dans tous les sens, je sens Callum à côté de moi, je le sens qui me regarde. Peut-être qu'il veut apprendre à bien tout faire, je devrais peut-être ralentir ? Ou lui expliquer ce que je fais, comme un tuto ? Il s'adosse contre le plan de travail et croise les bras sur sa poitrine : "J’étais pas sérieux quand j’demandais à Jane si elle aimait la pizza. J’pars de zéro mais, quand même.. j’pense avoir un minimum de bon sens. J’ai déjà eu un bébé dans les bras, j’ai déjà changé une couche – une fois ! -, j’ai déjà donné à manger à un p’tit bout..." J'arrête de gesticuler et le regarde, ouvrant la bouche et puis souriant en baissant mes yeux pour aller fixer mes basques parce que je me sens bête. Ma main vient gratter le dos de ma nuque, je me sens naze, je vois bien qu'il fait du mieux qu'il peut et moi je suis la mère chiante qui n'arrive pas à faire confiance. Puis je relève les yeux, mon teint se colore malgré moi : "Je suis vraiment, vraiment désolée." Je croise les jambes, les bras, je me dandine un peu gênée. "Tu veux lui donner à manger ?" Je veux lui prouver que je lui fais confiance et puis, j'ai absolument pas de doute sur le fait qu'il sache faire avaler un petit pot à la petite. D'ailleurs Jane commence à s'impatienter. "Baban !" Je l'entends s'égosiller dans le salon et puis la voilà qui se met à pleurer. Je fais un petit sourire à Callum et je quitte la cuisine pour le salon. A priori, elle en a marre du coloriage : ses crayons sont par terre, ses feuilles de dessins jetées en boule au pied du canapé. Et puis elle hurle. Elle a faim, un classique. Sauf que c'est pas le moment opportun. "Hum, tu veux bien apporter le plateau ?" Je crie à Callum depuis le salon. J'attrape Jane et la prend dans mes bras, elle commence à être plus lourde mais elle reste mon bébé, je la berce doucement : "Ça arrive, ça arrive..." Callum est là, avec le plateau, vif comme l'éclair. "Merci." J'installe Jane sur le petit canapé pour bébé, près de la table basse. On a l'habitude de manger dans le salon, la table riquiqui de la cuisine est pas super pratique. Je cours chercher un bavoir à la cuisine pour éviter qu'elle ne s'en mette partout, la laissant aux soins de Callum pour quelques instants. Le pauvre, à peine initié qu'il est déjà plongé dans une des plus chouettes expériences de la paternité. Surtout que même avec son petit pot sous le nez, Jane a pas l'air de se calmer, elle continue à hurler, à faire valser ses bras. "Babababa !" Elle s'époumonne, le petit pot n'y fait rien, Callum, rien ne va. Zen, rester zen.
(Invité)