ED HUTCHINSON ► Liam Payne

      Tu viens d'Écosse, d'Édimbourg très exactement, ville remplie de ces chefs-d'oeuvre architectoniques, bien conformes aux anciens principes de construction de l'époque; rien n'a bougé là-bas, c'est qui fait le charme de cette nation du Royaume-Uni. Y ayant toi-même vécu, tu racontes bien souvent que la tranquillité était bien (trop) au rendez-vous: pour parvenir à grimper jusque chez vous, il fallait emprunter une route très difficile, où les voyageurs mal préparés rebroussaient chemin en moins de cinq minutes. En effet, ce chemin boueux et ardu zigzaguait entre les flaques formées par les pluies incessantes. Mais disons que cette inaccessibilité, c'était un peu ça qui faisait la fierté du propriétaire, soit ton père. D'ailleurs, vers tes 12 ans, il s'avérait bien compliqué de traînasser sur ton dos un sac aussi lourd que l'enfant que tu étais et de traverser cette route chaque soirée...

      Tu as passé une grande partie de ta vie là-bas, il faut dire que tu adores les Écossais et tout ce qui les distingue du monde d'autour : leur culture mêlée à leur accent, leurs haggis, leur bière, et tous les autres détails qui font d'Édimbourg ton endroit favori au monde. Tu ne peux pas nier le fait que tu as terriblement adoré cette maison perdue dans les vallées anglaises avec tes deux parents aimants et ta petite sœur. Quelques années vous séparent mais vous êtes si proches que vous vous partagiez presque tout. Une sorte de pacte, vous savez. Ça ressemblait à des vacances interminables, même en pleine période scolaire, constamment bercés par le bruit du vent agité et l'odeur du haddock. Mais à l'époque tu étais bien jeune, trop insouciant, et tu idéalisais ta vie en affirmant qu'elle allait se dérouler de cette manière, un point c'est tout. Malheureusement, ce petit côté rêveur qui t'est toujours encré n'a pas été si réel que ça.

      Dans l'adolescence, captivant, passionné et passionnant, tu étais le sujet de discussion qui ravissait ta famille anglaise. Tu as toujours avoué que tu appréciais que le monde t'écoute, que tu sois le point premier des gens qui te choient ; indispensable à ton entourage proche, et ça te plaisait. Hélas, fatale fut la chose lorsque tu as été contraint de devoir emménager aux States, en plein Las Vegas, lorsque ta mère vous a forcé, toi et ton père, à vouloir se rapprocher de sa famille américaine. Et comme te l'a toujours dit ton père, “Les désirs d'une femme demeurent les premiers.” Une phrase bateau qui depuis ce jour-là, tu haïs profondément. Mais le plus dur dans tout ça, ce fut toutes ces interrogations : Comment survivre loin de ton pays natal et de ta famille anglaise ? Pleurer ou s'enthousiasmer ? Comment s'y opposer ? Toutes ces questions qui n'ont mené à rien, strictement rien, car tu as bien compris qu'un pubère de 15 ans ne peut rien changer à un choix pareil.

        C'est à ce moment précis de ta vie que tu as cru voir ton monde brûler dans une énorme flambée et mourir dû à ton installation dans le Nevada, dû à ce premier vol. Tu as ressenti l'air chaud de la pollution stagnante de Las Vegas et perdu le goût de la tranquillité. Les tensions sont apparues, les questions se sont soulevées et le tonnerre d'une famille a grondé. Désespéré, tu as longuement supplié le ciel qu'il te ramène chez toi, à Édimbourg, car le calme apaisant avait disparu, et le vent mélodieux n'était plus présent pour calmer l'orage. Tu détestais Las Vegas, la pluie acide, les lourdes nappes de pestilence qui remontent, le décor grimaçant de toute cette fausse lumière, et ces gens aux visages éteints et sans expression. Une déchirure, ta déchirure. La sadique main de la tourmente n'avait fait que ruiner tes belles années, notamment lorsque tu as dû intégrer un collège, puis lycée américain. Le regard avide de haine de tous ces ricains, le sourire manquant pour accueillir un pauvre Anglais inquiet. Tu as très mal vécu cette période, si bien qu'après le lycée et les SATs validés, tu as supplié à tes parents de changer de coin rapidement.

        L'âge des 18 ans avait retenti quand la liberté venait frapper à ta porte. Tu étais libre, grand, adulte – ce n'est pas pour autant que tu étais qualifiable de personne “responsable”. Mais surtout, te voilà indépendant et déjà paré pour un voyage autour du monde avec la fortune de papa et maman ; Tokyo, puis Lyon, après Glasgow, les pinacothèques, le cinéma, puis l'amour et enfin la vie. Un non-sens qui avait finalement beaucoup de logique pour toi et tes idées farfelues. Tu avais mûri en un homme – certes immature, pas trop débrouillard, et insouciant – avec tout de même un minimum de réflexion, de perspicacité et d'ambition. Tu savais très bien qu'il t'était impossible de retrouver Édimbourg après cette rupture fracassante et ce dégoût accumulé avec les années, alors tu allais vivre de la manière que tu souhaitais sans que personne ne puisse te dicter à nouveau quoi faire et où aller.

      Boston, parlons de Boston, cet endroit où tu résides depuis 2 années, soit depuis tes 19 ans. Il faut dire que tu as eu la brillante idée – ça arrive – de solliciter tes parents à un nouvel emménagement, car ici tu te sens comme chez toi. Tu as trouvé à Boston des similarités qui t'ont drôlement manqué ; des lieux comme ces allées boisées d'un vert luxuriant qui enjambe la Charles River, où les pêcheurs passent le temps en lançant leur ligne depuis le bord car les eaux sont riches en poissons, ces immenses parcs bordés d'herbes hautes qui chatouillent le nez de ceux qui s'éloignent du chemin, les cafés bostoniens, cette ville de la joie, sans cesse en mouvement, débordante d'activité et de modernité, et enfin cette atmosphère relaxante et naturelle qui est conservée dans les différents lieux de la ville. Tu aimes tout, y compris les habitants. Ici, tu as l'impression de construire, bâtir le monument qui te survivra des années encore. Ici, c'est ta renaissance.