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Je m’appelle Shayne, j’ai vécu New York;
j’y suis né en 1996; assurément je n’y mourrai pas.
NEW YORK → La page Wikipédia que j'ai consulté l'autre jour en études s’exprime ainsi: « New York exerce un impact significatif sur le commerce mondial, la finance, les médias, la recherche, la technologie, l'éducation et le divertissement. Regroupant l'ensemble des caractéristiques d'une ville mondiale, elle est parfois considérée comme 'la capitale du monde'. » Moi, ça ne me dit rien du tout, ces descriptions-là! D’abord, ce ne sont pas ces choses politiques que l'on retient de New York ; je sais bien que New York est censé amasser le plus de gens avec ses bâtiments, ses voitures, ses doses de nourritures dans l'assiette, ses belles nanas; mais ce qui est le plus déroutant, ce ne sont pas tous ses impacts, c'est que ce qui portent des t-shirts I <3 NY, ce ne sont pas les touristes, mais bien les new-yorkais pur souche. Très vite on comprend donc que c’est une fierté que de vivre New York, c’est tendance d’habiter New York, et surtout : ça se mérite. Diverse, frénétique, électrique, magnétique, magique, vertigineuse, inventive, intensive... les adjectifs se bousculent pour la décrire. C'est la ville des concrétisations qu'on m'a amené à croire des dizaines de fois. Et j'y ai vécu 18 ans. NAISSANCE → Union d'un père avocat et d'une mère confectionneuse de prêt-à-porter pour plusieurs marques de luxe, moi Shayne, je nais à New York au beau milieu d'un quartier prisé en janvier 1996 pour venir chambouler le quotidien de mes deux parents déjà bien écrasés par leurs occupations respectives. Maman, très catégorique – d'ailleurs je lui dois cette facette de ma personnalité –, souhaitait absolument que je me nomme de la sorte. “Shayne, c'est magnifique Shayne, ça fait très vedette de cinéma.” s'exclamait-t-elle, toute pimpante à l'idée d'avoir son premier enfant. Alors ça sera Shayne Kit Winters. Encore môme, je suis gardé par tata Lana qui m'a inculqué les valeurs d'une vie saine à la place de mes parents, chose qui ne leur a pas empêché de se targuer des années après, de m'avoir fait entrer ces mœurs dans l'esprit. “Heureusement que nous étions là, Shayne, pour t'éduquer !” s'exclamait donc papa. Étrangement, c'est à ce genre de phrases que mon esprit faisait barrage, repoussant ces dires. Toujours est-il qu'ils m'ont aimé comme des parents, du fond de leur cœur. ENFANCE → “Ici c'est parfait je vous dis, allez lâchez la table de chevet !” grognait maman trépignante d'impatience car on rénovait comme neuve ma chambre pour fêter mes 6 ans. Moi, j'étais plutôt préoccupé par la vue panoramique qui s'offrait à nous par les baies vitrées longeant le mur entier de la salle de vie. Oui, on peut dire que ma petite enfance comblée se résume à ce vaste appartement exposé plein sud où les rayons du soleil arrachaient honteusement nos yeux lorsqu'on relevait un peu trop la tête vers le ciel à 14h pointé. Il faut dire qu'on n'allait pas se plaindre; perchés à notre 15ème étage, on échappait à la pollution stagnante et on ressentait le soleil rayon contre peau. Autrement, je passais le plus clair de mon temps chez ma tante lorsque la porte d'entrée claquait deux fois, marquant le départ de mes deux parents jusqu'au soir. Ces après-midi étaient rythmées par des promenades sur l'avenue de Manhattan ou bien par son chien, nous trois perdus dans son jardin je me souviens, où elle m'apprenait à m'occuper d'un animal avec patience et volonté. C'est à 7 ans que mes parents prendront l'initiative de m'offrir un chien, un jeune labrador, qui pourtant traité comme un pacha, n'a pas survécu une année; je peux vous assurer que maintenant je déteste ces molosses. ADOLESCENCE → Dès mes 16 ans, mes parents désespérés de constater que mes notes peinaient à atteindre une moyenne de dix sur vingt, ont pris la décision ridicule de m'enfermer dans le lycée-internat le plus coté de Manhattan avec comme espoir que je trime du matin au soir; mes vieux ont travaillé tellement autrefois qu'ils ne pourraient survivre de voir leur fils échouer sa scolarité. Par malheur, mes deux premières années de lycée n'ont pas été aussi glorieuses que leurs sévères attentes le prédisait. Il faut dire que de nature assez ennuyé, plutôt que de me perdre dans les étagères des bibliothèques regorgeant de centaines de livres usés par des années de lecture, je passais mes journées entières à traînasser dans les couloirs à la recherche d'une préoccupation qui pourrait m'emmener jusqu'au retentissement de la sonnerie finale de la journée plus rapidement. Je n'excellais peut-être pas dans mes études, mais en amour, j'ai toujours eu la côte. Et pour preuve, ma personne m'a souvent permis d'être quelqu'un d'apprécié du côté de la gente féminine. D'ailleurs au fond, j'ai la fâcheuse habitude de souvent me proclamer grand dragueur ou briseur de cœurs, même si en réalité je ne suis jamais tombé raid dingue d'une fille, quelques idylles mais rien de plus. “Le temps viendra.”, je me répète. TRAGÉDIE → “Fermeture express des portes.” et un son furtif qui même sans tourner la tête pouvait nous indiquer que le bus avait refermé ses portes, prêt à démarrer, avec le quai bondé de jeunes se rendant tous à cette soirée au cœur de Manhattan. De mon côté, ce n'était pas la première soirée branchée que je côtoyais, vous savez, celles où rien n'est interdit, où les petits déjeuners se prennent à minuit, où les échéances sont vite oubliées et où l'alcool est suffisamment fort pour nous anesthésier; c'était typiquement ce qui nous attendez, et nous n'étions pas sans le savoir. Toutefois, l'ampleur qu'elle a prise a été la chose la plus regrettable qui me soit arrivé. Je rejoignais de vieilles connaissances là-bas, six types qui déjà sur place étaient éméchés, bien trop éméchés. Quand l'un d'entre eux, nommé Kyle, s'est emporté pour une babiole qui lui a coûté la vie; il a suffit qu'un mec dépravé vienne titiller son sang alcoolisé pour qu'une bagarre entre ces deux-là éclate. Kyle commença la guerre et l'éborgna avec son poing quand le gaillard revint aussitôt à la charge en le renversant à terre pour lui asséner des coups plus violents les uns que les autres. Je ne pourrais dire si l'alcool lui avait accru sa force, mais c'est sous la pression de ses heurts que Kyle, inerte et ensanglanté, expira son dernier souffle. La foule était ébranlée, et j'en faisais partie, alors entre l'effroi et le choc de la situation, il a pas fallut cinq minutes pour qu'une patrouille de policiers débarque tapageusement à la fête. J'étais horrifié, je n'avais plus le mot à dire, seul mon cœur qui tentait en vain de s'arracher de ma poitrine me rappelait que j'étais encore vivant. À ce moment-là, deux options s'offraient à moi: la dignité ou la lâcheté. À y repenser, j'ai été bien lâche et je l'ai réalisé lorsque le karma a frappé; les cinq mecs et moi n'avons pas assumé la présence de la police, par peur d'être inculpé puisque nous étions en compagnie de Kyle toute la soirée jusqu'à son décès inattendu, alors en tapinois nous nous sommes éclipsé de la scène de crime afin de regagner la voiture de Jimmy garée à l'arrière de la soirée pour s'enfuir secrètement. Mais rien de bon ne commence dans une voiture avec laquelle on prend la fuite; nous étions maudits, et pour preuve en l'espace d'une minute, roulant à 110km/h en plein Manhattan, trois véhicules de police nous pourchassait à toute vitesse. Nos veines gonflaient à mesure que le compteur de vitesse s'en allait dans des grandeurs inimaginables... Mais l'alcool, la pression, un virage mal exécuté, un grincement de pneus, des cris ont entraîné le noir total. “Il est vivant, il a ouvert les yeux !” braillait maman au chevet de mon lit d'hôpital, florissante de constater que j'étais bien en vie malgré la tumultueuse folie d'il y a 3 soirs qu'elle venait de me raconter brièvement. C'était si clair dans ma tête qu'elle me revenait en horribles migraines, par morceau net et précis, comme un supplice. J'étais condamné à rester enclaver 2 mois à l'hôpital pour une simple question de réhabilitation, le temps nécessaire pour que le traumatisme se dissipe et que mes quelques os abîmés guérissent m'a-t-on baratiné; mais le plus dur dans tout ça à encaisser, c'était de réaliser que quatre d'entre nous avez perdus la vie dans ce tragique accident; quatre vies volées, quatre famille anéantis. À ce stade, j'avais juste besoin de solitude pour comprendre pourquoi je suis encore de ce monde et pour pouvoir repartir plus enhardi que jamais: ces deux mois se sont avérés bénéfiques au final, seul face à moi-même j'ai pu réaliser un tas de choses majeures et intrinsèques pour moi. Changé, les deux mois ont pris fin, et j'ai enfin pu retrouver ma famille pour fêter le réveillon de Noël qui, malgré la joie de se retrouver tous ensemble, s'est déroulé sous un nuage de mélancolie... HARVARD → La toute dernière année de lycée s'est avérée particulièrement compliquée, tout ce retard accumulé m'a écrasé et je n'avais plus un week-end à m'accorder serein si je voulais être sûr de briller en fin d'année. Toutefois, je devais au moins ça à mes parents; alors j'ai chaumé, je peux vous l'assurer, et mes résultats aux SATs se sont avérés convenables, suffisamment convenables pour avoir une chance d'intégrer la prestigieuse université Harvard, implanté à Boston qui n'est pas si loin de Manhattan. Devinez quoi ? Ma demande a été acceptée; j'ai pris le premier vol, et pour m'assurer une vie plus que correcte, mes parents m'ont stocké une bonne masse de billets à la banque. “C'est parti !”