STORY OF MY LIFE
please tell us more
Vous le connaissez cet enfant toujours en retrait, marginal et mis de côté. Tout le monde le connaît, tout le monde l'a déjà vu… Installé au fond d’une salle de classe, le visage baissé et à la démarche plus que timide. Ce garçon que tout le monde l'a déjà pointé du doigt ou encore parlé dans son dos, sans grand regret, lorsqu’ils étaient plus jeunes.
Et bien, j’étais un de ces gamins. Je longeais les murs en silence et ne me faisais aucun ami. Je restais seul, parce que c’est dans cette solitude que je me sentais le mieux, même si j’en crevais pour être honnête. Peut-être aussi, parce que c’était cette solitude, ma plus proche alliée. En fait, le silence était tout simplement ma vertu. J’étais ce camarade de classe joufflu, mal dans sa peau, celui que l’on détaille jamais, que l’on n'invite jamais aux anniversaires ou alors aux soirées organisées. Ce gamin à qui l’on parle, simplement lorsque nous en avons vraiment besoin. Lorsqu’on a quelque chose à lui demander. J’étais ce genre de gamin au profil misérable, celui qu’on ne veut pas côtoyer. Je n’avais pas la lèpre, j’étais juste un garçon, peut-être un peu trop effacé. Peu sûr de moi et intimidé. Il m’en a fallu du temps pour devenir celui que l’on connaît aujourd’hui. L’événement déclencheur pour que je découvre réellement qui je suis. En bas âge, j’étais du genre à rester seul dans ma chambre pendant des heures à étudier pour toujours être le meilleur dans tout. Je voulais l’excellence, j’avais absolument tout pour réussir alors, j’en ai profité. Je ne suis pas né dans une famille comme les autres. Une famille aimante, certes, mais de deux parents du même sexe. Je ne suis pas adopté, ils ont seulement eu recourt à une mère porteuse. Et ils ont fait de même avec mon grand frère et ma petite sœur. Alors, j’ai avancé sans trop me poser de question, je me suis effacé parce que sous la montagne de cadeaux que je pouvais recevoir, c’était ainsi que je me suis toujours senti… Effacé. Toutes les personnes qui m’ont laissé dans l’ombre à l’école, ont involontairement façonné la personnalité que j’ai aujourd’hui. Peut-être que si les gens m’avaient donné plus d’attention et m’auraient traité comme une personne tout à fait normale, je serais peut-être quelqu’un d’un peu plus aimable, aujourd’hui…
« Voilà Baptista, les gars, planquez-vous. » Des réflexions de ce genre, j’en ai entendu beaucoup. D’autre disait que je manquais d’attention, d’affection de mes parents, ça ne se terminait jamais. J’en avais l’habitude, à présent. Je me suis toujours fait défendre par mon frère aîné, mais évidemment, il n’est pas toujours là. Du haut de mes onze ans, je comprends combien l’homme peut être méchant. Je ne le savais pas encore, mais d’ici quelques années à peine, je serai à la place de ces êtres puérils et pathétiques à souhait. Génération maudite, je me laisse porter par les moqueries des autres, sans me défendre et je souffre de tout ça en silence pendant des mois et finalement, il se passe quelque chose, un événement qui va tout changer. Un événement qui transformera à jamais le docteur Jekyll en Mister Hyde. « Hey ! V’là la petite sœur de Baptista. Regardez-la, j’suis sûr que c’est elle qui se bat à sa place. » Depuis la naissance de Tara, mon existence avait changé. Si au début, j’ai longtemps été jaloux de sa présence dans la famille, jusqu’à ce que je comprenne qu’elle ne prenait pas ma place, désormais, j’ai une mission. C’était la première année de Tara à l’école et il était hors de question qu’elle passe par où je suis passé. Alors, ce jour-là, lorsque mes tortionnaires s’en sont pris à ma sœur cadette, quelque chose s’ouvrit en moi, comme un déclic, cédant à jamais la place à une toute nouvelle personne. Un premier combat verbal, une première menace : « Touchez à un seul de ses cheveux et j’vous fais bouffer les plantes par la racine. » « Oh ! Baptista se réveille, les gars. J’crois qu’il s’est découvert une paire de couilles pendant la nuit. Pour qui tu t’prends ? » Toutes ces années perdues à se cacher, toute cette rage conservée et cette rancœur pour ceux qui m’ont mené la vie dure… En voulant prendre la défense de ma soeur, je commets l’irréparable. En assommant violemment ce mec, j’ai commencé à me faire craindre. Ils m’ont enfin laissé tranquilles. Je suis passé de petit gars invisible à quelqu’un de respecter. Je ne l’ai peut-être pas vu venir, mais passer de l’ombre à la lumière en un après-midi, ce n’est pas tout le monde qui y arrive. Et brusquement, le prénom Davi me faisait frémir à chaque fois que je l’entendais. « Fourbe, manipulateur, orgueilleux, capricieux, égoïste, sans coeur » était devenu les mots qui me représentèrent au fil des mois suivant. Je me suis mis à dire à qui voulait l’entendre, qu’il fallait mieux m’avoir de son côté que contre moi. Et sans le comprendre, sans m’en apercevoir, j’étais en train d’effacer, ce petit garçon timide et effacé que j’étais pour me démarquer devenant une personne narcissique, capricieuse et cacher tout ce qui avait de bon en moi.
À partir de ce moment, je me suis construit une nouvelle identité. Terminé le temps où je restais sagement dans ma chambre à attendre que les minutes passent en étudiant. Certes, je restais encore assidu à l’école, mais je me suis mis à sortir et fumer, à boire et à draguer. Avec l’adolescence, viennent les premières expériences. Une nouvelle démarche, plus hautaine, plus froide. Toujours plus "d'amis" collés au train, des filles par dizaines et des hommes qui m'envient. Ce qui ne faisait pas du tout plaisir à mes parents. J’ai donc dû m’assagir en leur présence, devenant une personne loyale et bien élevée, mais dès que je n’étais plus dans leur ligne de mire, je redevenais ce petit con sans coeur. Je me sentais invulnérable et enfin aimé, ne faisait plus qu’attention qu’à mon image et mon physique. Intelligent, mais snob, c’était ce que je suis devenu… Après l’adolescence, vient la vie d’adulte. Un ami de mes pères m’a aidé pour faire toutes les démarches nécessairement pour que je puisse aller m’installer aux États-Unis et aller étudier à Brown ou bien Harvard, mais à une seule condition… Que je redevienne ce petit garçon charmant que j’étais autrefois. Je lui ai fait cette promesse, mais je me suis rapidement décidé à tout mettre en œuvre pour y entrer, dans cette prestigieuse université qu’est Harvard. Voilà quel était mon choix. Avec mes notes spectaculaires tout le long de ma vie, je me suis bien rapidement fait ma place. Je me voyais déjà au sommet et adulé, ayant tout le monde à mes pieds.
À présent, tu le reconnais ce garçon ? Oui, un garçon qui manque de repères et qui se laisse emporter par une fougue incontrôlable et instable. Tu le reconnais ? Ce garçon qui marchait le long des murs et qui aujourd'hui semble être le maître du monde ? Il marche, la tête haute, l'air hautain et snob, ne te calcule pas puisque toi, tu ne le calculais pas à l'époque. Sa revanche, il la savoure tous les jours et il jouit de sa nouvelle vie… Il en abuse peut-être même un peu trop, mais qui est-ce que ça dérange réellement ?