Finalement elle n'avait plus la patience d'être gentille alors elle abordait le sujet sans détour. Elle semble avoir à faire à une forte tête. Dommage pour lui, Asia n'est pas mal dans le genre et toujours prête à avoir le dernier mot. Ce n'est pas aujourd'hui qu'elle va changer ses habitudes même face à un inconnu qu'elle a prit en grappe. Il balayait son argument d'un revers de la main. De quoi faire vriller la ténébreuse. Et en plus il lui tient tête." Ca veut faire le malin, en utilisant mes arguments contre moi. Puéril. " Il la déçoit de plus en plus. Et la réaction de la demoiselle ne se fait pas attendre. Découvrant le whisky dont il semble avoir bien du mal à se séparer, vu comment il lui reprend des mains." Dommage pour vous, je ne reçoit d'ordres de personne. " Elle défie l'autorité, les règles comme bon il lui semble et ce sans le moindre remords. Rire qui s'échappe de ses lèvres à l'entendre dire qu'elle se trompe sur toute la ligne, qu'il n'a pas franchi la ligne." Oh je vois vous êtes dans le déni. " La pire des phases qui soient. Celle où l'on se sent supérieur." On ne boit pas tous les jours par envie. On boit tous les jours pour panser ses plaies. Alors dites moi, c'est quoi ? Le travail ? La santé ? L'argent ? Une femme ? " Appuyer là où ça fait mal qui à déclencher une tempête dans ce bar qui n'a rien demandé.
La soirée continuait et elle devenait de plus en plus étrange et interminable. La conversation avec cette demoiselle n'avait rien d'intéressant, bien au contraire. Je me sentais jugé à chaque parole que je disais et cela devenait bien agaçant. Rapidement, il se rendit compte qu'elle était susceptible, ce qui lui fit lâcher un petit sourire amusé. Le fait qu'elle prenne sa flasque pour découvrir son contenu l'avait pas dérangé, c'est plutôt le fait qu'elle le prenne sans même demander l'autorisation. Je sais pas qui elle était et à vrai dire je m'en foutais complètement, mais elle se prenait pour la maître du monde et j'aimais pas ça. " Ça tombe bien... moi non plus. " dis-je un sourire aux lèvres. Techniquement, oui, je recevais des ordres de mon patron, mais en général je m'en fous complètement de ce qu'il me dit.
Quand elle me cita des raisons possibles pour mon "alcoolisme", elle mentionna une femme, ce qui me fit tilter. Je la regardais sérieusement sans dire un mot. Tout ce qui me passait par la tête sont les images, répétitives et douloureuses de ce jour où j'ai découvert ma femme morte. Peu importe ce que je fasse, cette image restera gravée dans ma mémoire à tout jamais. Après une bonne minute à regarder la jeune brune droit dans les yeux sans rien dire, j'esquissa un léger rictus. " Je n'ai rien à vous dire... " dis-je sèchement. On peut me titiller, mais pas n'importe quel jour. Et aujourd'hui, c'est pas le bon moment.
Elle l'agaçait et pourtant Asia lui tenait tête. Hors de question de tourner les talons avant d'avoir obtenu ce qu'elle souhaite, à savoir la vérité de la part de cet homme. Qu'elle agisse de manière totalement déplacé lui passe au dessus de la tête. Personne ne lui dictera son comportement. Elle est comme ça point et tant pis si ça emmerde la terre entière y compris l'homme à qui elle essaye de faire sortir les vers du nez. Monsieur a les épaules solides mais pas pour longtemps parce que l'italienne n'a pas dit son dernier mot, elle ne fait que commencer la partie, prenant même le taureau par les cornes si l'on peut dire ainsi. Elle le met au pied du mur une bonne fois pour toute. Seule solution qui s'offre à la demoiselle pour obtenir une réponse et c'est dans son regard qu'elle le trouve. Au mot femme, elle a bien repéré le changement dans ses yeux. Elle aurait pu arboré un sourire victorieux mais au contraire Asia se veut peinée pour avoir mis enfin le doigt sur ce qui semble faire mal. Evidemment il se referme comme une huître." Pourtant parler vous ferez le plus grand bien. Garder cette peine à l'intérieur de vous risque de vous détruire, plus que vous ne l'êtes déjà. " C'est l'experte en auto destruction qui parle." Je suis tombée dans l'alcool quand j'ai perdu mon petit ami il y a 5 ans. " se dévoile t-elle pour le pousser à faire de même." Je me bat encore. Surtout contre les bouteilles de vodka qui me font de l'oeil. " Elle n'a aucune honte à en parler si ça peut le mettre en confiance, comme quoi elle peut faire les choses bien parfois.
Le fait qu'elle veuille absolument savoir pourquoi je me retrouvais dans cet état, était un peu énervant pour ma part, car je n'avais pas du tout envie de m'ouvrir à une étrangère, ni à personne en général. Je savais pertinemment qu'en réagissant ne serais-ce que légèrement au mot femme, je m'étais mis à découvert et elle pouvait lancer son assaut sur moi. " Peut-être que vous avez raison, mais c'est pas avec vous que je veux m'ouvrir. " Je m'attendais à recevoir des critiques ou des tentatives de conseils que je n'aurais, de toute façon, pas appliqué, mais pas à ce qu'elle s'ouvre à moi. Elle me raconta qu'elle avait perdu son petit ami il y a cinq ans et qu'elle aussi s'était plongé dans la boisson depuis. Elle me dit qu'elle se battait encore contre ses démons, ce qui me fit sourire. Je levais légèrement la tête pour la regarder droit dans les yeux. " 5 ans vous dites ? Et vous vous battez encore ? " demandais-je en rigolant.
Si après 5 ans elle se bat encore contre ses démons, c'est pas en moins de 3 ans que je vais me battre contre les miens. La plaie est encore bien ouverte et je n'ai pas encore trouvé quelque chose ou quelqu'un pour la refermer. " Peut-être que vous devez mettre plus d'efforts dans votre lutte personnelle plutôt que de vous mêler dans la lutte des autres. " dis-je. Si elle se donnait autant d'efforts à battre ses démons qu'elle a mis pour essayait de me tirer les vers du nez, elle se serait guérie très rapidement.
Elle en cauchemarde encore de ce jour où elle a perdu Connor, un homme bien, un homme qui ne méritait pas de quitter ce monde si tôt. C'est à partir de ce jour que la brune a commencé à totalement divaguer, à se saouler jusqu'à ce que son estomac ne puisse plus. Elle a laissé les ténèbres imprégner son corps tout entier et surtout son âme. Elle a fini par se soigner, par ne plus toucher à une seule goute du moindre alcool mais elle n'est plus la même depuis cette tragédie. D'autant plus que les ténèbres ont continué à la ronger. Elle ne s'est pourtant pas noyer dans l'alcool. La violence et l'autodestruction ayant pris la relève. Pas mieux quand on y pense mais ça lui permet de survivre du mieux que possible. Bien sûr qu'il n'a pas envie de lui adresser un mot. Qui aurait envie de tenir une conversation avec le siable en personne. " Pourtant je suis sans doute la mieux placée pour vous comprendre. " Il n'y a pas mieux qu'elle pour évoquer sans retenur la souffrance qui l'agite et qu'il refoule dans le whisky. Asia se laisse aller à de précieuses confidences espérant que ça l'aiderait à parler mais ce qu'elle obtient en retour, c'est un rire empli de sarcasme." Moquez vous tant que vous voulez mais en attendant c'est pas moi qui ait l'air d'une loque humaine à picoler dans un bar. " Elle n'y va pas par le dos de la cuillère. A quoi bon ? Campant sur ses positions, il lui répète une fois de plus de s'occuper de ses affaires." Petit un: je vous apprend qu'on ne guérit jamais totalement de l'alcoolisme. Mais si vous continuez sur ce chemin, je vous donne maximum dix ans avant de vous découvrir une cirrhose. Petit deux: je pense que cette personne que vous avez sans doute perdu doit être bien déçu de vous désormais. Maintenant essayez de vivre avec cette idée. Bonne soirée. " Vidant son verre de soda, et attrapant son sac à la volée, elle s'apprête à quitter ce bar. Quitte à parler à un mur autant qu'elle le fasse chez elle.
Elle avait beau avoir découvert que c'était à cause de ma femme que je me suis retrouvé comme ça. Mais elle ne sait rien du tout sur ce qui m'est arrivé dans le passé. Depuis mon adolescence, ma vie n'a pratiquement eu que des mauvaises nouvelles. Je me souviens pas de la dernière fois où on m'a donné une bonne nouvelle. J'essayais de ne pas m'énerver en la voyant m'attaquer indirectement. Rien qu'à ma tête, elle pouvait voir que ce qu'elle me disait me touchait et que la rage commençait à monter en moi. Quand elle se leva et commença à partir, des tas de pensées se sont mélangées dans ma tête jusqu'au moment où je me suis levé et d'un pas décidé, je suis allé courir derrière elle. Étant déjà à l'extérieur, j'ai du me dépêcher pour la rattraper. " Hey ! " criais-je avant de l'attraper par le bras pour la retourner. " Vous voulez vraiment savoir pourquoi je suis comme ça ? Pourquoi j'ai l'impression que ma vie est un véritable cauchemar ? " demandais-je avec un regard intimidant. " Partout où je vais, la mort semble me suivre... sauf que la mort ne m'enlève pas. Elle m'enlève tous ceux que j'ai jamais aimé. "
Lâchant finalement son bras... je me passais une main sur mes cheveux tout en essayant de contrôler ma respiration, devenue de plus intense. " Vous, je sais pas qui vous-êtes, mais je suis sûr que vous n'avez jamais vécu tout ce que j'ai vécu et surtout... vu ! " dis-je. " J'avais 15 ans quand j'ai reçu un appel m'annonçant que mes parents étaient morts. À ce moment-là, je n'ai pas craqué car je devais prendre soin de mon petit frère. Puis, mon "frère" a eu la bonne idée de prendre tout l'héritage de nos parents et de partir, je ne sais où. Ça fait plus de 10 ans que j'ai pas parlé avec lui, merde, je sais même pas s'il est vivant ou s'il a rejoint nos parents dans l'au-delà. "
Je m'éloignais légèrement d'elle pour essayer de reprendre mon calme. " J'avais 18 ans... je n'avais plus de parents, plus de grand-parents, et plus de frère. Là encore, je n'ai pas craqué car j'avais quelqu'un qui m'aimait plus que tout. Ce quelqu'un, je l'ai épousée une semaine avant de partir faire la guerre en Afghanistan. C'était elle, la raison de me battre chaque jour pendant 3 longues années pour revenir auprès d'elle. " Les images de ma période en Afghanistan me hantaient encore parfois. " Pendant 3 ans, j'ai vu des gens se faire tuer devant mes yeux sans que je puisse rien y faire. Des hommes, des femmes, des jeunes enfants, même des bébés. C'était un cauchemar et après tant de temps là-bas, on a l'impression que ce cauchemar ne s'arrêtera jamais. " Je ne lui mentionne pas toutes les visions d'horreur que je vois encore pendant que je dors. Il n'y a que ceux qui y sont allés qui peuvent comprendre ce que je ressens en ce moment. " Elle m'a attendu comme elle me l'avais promis. Mais il y a trois ans, elle m'annonce qu'elle attend un bébé. C'était le plus beau jour de ma vie. J'avais l'impression que tout allait changer. Ce bébé, je voulais le protéger tout autant que sa mère. Mais encore une fois, la mort m'a suivi. " dis-je en lâchant une petite larme de rage. " En tant que flic, être en patrouille et écouter la centrale qui nous dit qu'il y a un accident avec victimes mortelles était presque une routine. Mais cette fois-ci, rien n'était normal. Car il y avait deux victimes... ma femme et le bébé qu'elle portait dans son ventre. "
Je lui portais un regard noir avant d'enchaîner. " Je bois, c'est vrai. J'essaye d'oublier, de passer à autre chose, mais à chaque fois, toutes ces images des instants que j'ai vécu, reviennent sans cesse. Alors, peut-être que l'alcool va finir avec moi. " dis-je avant de commencer à rigoler, presque sadiquement. " La mort m'a toujours évité jusqu'à maintenant, mais j'espère que la prochaine fois, elle fera son boulot et me prendra car j'ai plus rien dans ce monde. " Je m'approchais de son visage pour la regarder droit dans les yeux. " Maintenant vous voulez vous barrer ? Barrez-vous, mais ne portez jamais un jugement sur quelqu'un que vous ne connaissez pas. " lui dis-je avant de lui tourner le dos et commencer à marcher le long de la rue, essayant de calmer mes esprits. C'était bien la première que quelqu'un me poussait à bout comme ça et j'espère qu'elle a compris la leçon.
Elle avait tenté en vain de lui faire entendre raison mais il faisait la sourde oreille, se contrefichant de ses conseils. Les nerfs de l'italienne furent mis à lourdes épreuves lorsqu'il osa rire de son passé. Asia a beau n'avoir que faire de ce qu'on pense d'elle, mais à cet instant la pilule était difficile à avaler. Le pire dans tout ça c'est que la jeune femme avait un jour eu le même comportement que lui, envoyant valser toute personne qui lui tendait la main. La ténébreuse préférait en finir ici aujourd'hui, le laisser se morfondre dans l'alcool pensant que cela pourrait guérir ses blessures. Elle reviendrait à la charge un jour ou l'autre, parce que c'était son devoir. C'est agacé qu'elle prenait le chemin du retour vers chez elle. Hélas elle fut stoppait violemment dans sa course. Si seulement il n'avait pas eu les traits ravagés par l'alcool, il pourrait paraître imposant. Loin d'être impressionnée, elle soutenait son regard. A ses mots, une vague de compassion envahit son âme. Elle aussi avait pensé bon nombre de fois que la mort faisait mal son boulot. Cette pensée envahissait encore son esprit aujourd'hui. Toujours aussi muette, elle se retrouvait projeter dans la vie tragique de cet homme. Sa famille, la guerre, son épouse, son enfant. Des tragédies à vous glacer le sang. Asia pensait être la personne la plus maudite en ce monde mais il semblerait qu'elle ait trouvé quelqu'un qui l'égale dans ce domaine, voir la dépasse." Je suis navrée que la vie soit aussi dure avec vous. " des mots empreints de sincérité dont il devait complètement se moquer. Cette culpabilité qu'il évoquait n'était que la suite logique des choses. Ses menaces ne l'effrayait nullement car tout comme lui, elle avait vécu bien pire qu'un alcoolique qui pensait l'intimider. S'il pensait qu'elle en avait finit avec lui, alors il a tort sur toute la ligne. Asia ou l'adepte des causes perdues. Ainsi elle le rattrapait, venant se poster devant lui." Jamais je ne vous ai jugé. Je ne suis pas l'hôpital qui se fout de la charité. Vous en voulez à la terre entière, c'est normal. Vous avez dit vouloir que la mort vous emporte alors pourquoi est ce que vous ne vous avez pas déjà tiré une balle en pleine tête ? " C'est cru, mais surtout c'est la réalité." Vous tenez encore à la vie. Ce qu'il vous manque c'est un but. Mais je pense que vous pouvez le trouver. " Elle sort un bout de papier de son sac y griffonnant une adresse. " Il y a des réunions tous les soirs. J'espère vous voir là-bas un jour plutôt que dans un bar parce que je crois que votre existence a encore de la valeur. " Elle lui offrait un dernier regard riche d'espoir avant de le laisser continuer sa triste vie. Seul l'avenir lui dira s'il a fait le bon choix. HJ: Si tu veux clôturer là dessus
Cette situation m'avait mis en colère à un tel point que je n'ai pas réussi à contenir tout ce que j'avais à l'intérieur. Elle a sans doute eu ce qu'elle voulait, mais moi je n'arrivais plus à faire quoi que ce soit sans réussir à contenir ma colère. Du coup, je restais là devant elle, respirant bruyamment. " Navré, si vous saviez à quel point on m'a dit "Navré"... " disais-je en sentant la rage monter en moi. Ce mot-là, je l'avais entendu des centaines et des centaines de fois, à tel point que je me disais que ça ne voulait rien dire. " Ne soyez pas navrée... je ne vous croirais pas. "
La regardant parler sans vraiment y porter très attention, je la laissais finir en essayant de me calmer. J'ai juste entendu qu'elle croyait que je tenais encore à la vie car je ne m'étais pas encore tiré une balle dans la tête. Pourtant c'était pas faute d'essayer... mais elle avait peut-être raison, je n'avais pas la force de le faire. " C'est elle qui me laisse pas faire. " dis-je en parlant de ma femme. J'avais toujours une pensée pour elle quand j'essayais de le faire et elle m'en empêchait à chaque fois. C'est mon ange gardien... Alors que j'avais les yeux fermés, la femme me mis un papier dans ma main en me disant qu'elle espérait m'y voir avant de me laisser là et de partir. Je la regardais s'éloigner avant de prendre le papier dans mes mains et de l'ouvrir pour voir ce qui y était écrit. " Ouais, compte sur moi... " murmurais-je avant de faire une petite boule avec le papier et de le jeter par terre.
Je finis par rentrer dans le bar terminer ma bière, payer l'addition et reprendre le chemin pour rentrer à la maison, encore affecté par ce qui venait de se passer.