Histoire
Ma mère m'a souvent expliqué mon histoire car elle a toujours voulu que je sache qui j'étais. Je connais d'ailleurs pas mal d'anecdotes entre elle et mon père, mais je n'aurais pas assez de ma fiche pour vous les raconter. Et puis, nous sommes ici pour parler de moi, non? Même si avant, je dois tout de même vous parler de son histoire et de son couple au moins un peu.
D'origine américaine, elle a été adoptée vers l'âge de deux ans par une famille française qui lui a permis de vivre une enfance paisible, à l'abri du besoin. Il est vrai que ses parents adoptifs gagnaient plutôt bien leur vie, mais incapables d'avoir des enfants malgré beaucoup d'amour à donner, ils s'étaient naturellement tournés vers l'adoption. Ma mère a toujours sû qu'elle avait été adoptée, et n'a jamais vraiment cherché à rencontrer ses vrais parents. Elle savait qu'ils étaient jeunes et encore aux études quand elle était arrivée dans leur vie, et ils n'avaient pas eu le coeur d'avorter, sachant que tant de couples sont prêt à accueillir un enfant sous leur toit et leur apporter tout ce dont ils ont besoin pour s'épanouir. Et elle leur en est reconnaissante pour ce geste, même si dans son coeur, ses vrais parents sont ceux qui l'ont élevés. Connaissant sa ville d'origine, Cambridge, vers l'âge de dix-sept ans, elle a décidé de s'y rendre pour un échange inter-famille : voulant plus que tout apprendre l'anglais, elle a été placée dans une famille américaine résidant dans cette ville, alors qu'un de leur fils, Nolan, lui, partait pour Paris, ville où résidait la jeune femme. Pendant un an où elle vécu au sein de cette famille, elle lia quelques affinités avec Julian, le frère jumeau de Nolan. Et au fur et à mesure du temps qui passait, bien qu'elle avait tenté d'y renoncer plus d'une fois, ils avaient finis par se mettre en couple. Un an plus tard, à l'âge de dix-huit ans, deux semaines avant son retour en France, elle apprends qu'elle est enceinte. Désemparée, elle hésite d'en parler à Julian, de peur qu'il la délaisse en apprenant la nouvelle. Mais d'un autre coté, se sachant enceinte, elle n'a pas vraiment envie de rentrer en France. Elle voulait aussi que son enfant connaisse son père. Prise entre deux feux, elle décide de rester, et annoncera la nouvelle à son compagnon. Ce dernier, désemparé au départ, fini par accepter la nouvelle et commence à créer avec elle des projets d'avenir. Il sait que, du haut de ses dix-neuf ans, élever un enfant ne sera pas simple, mais il n'est pas du genre de ceux qui laissent tomber leur compagne en apprenant qu'elle porte leur enfant. Lui veux l'assumer, même si au départ, il n'était pas prévu. Eh oui, je suis ce qu'on appelle, un accident. Et ça aussi, maman me l'a expliqué. En rajoutant que j'étais sans doute le meilleur accident qui lui soit jamais arrivé.
Dans sa jeunesse, elle avait pour habitude d'écrire un journal intime, dans lequel elle rédigeait tout ce qu'elle avait sur le coeur. Et c'est tout naturellement qu'elle avait écrit quelques lignes sur l'annonce de sa grossesse et sur les craintes qu'elle avait éprouvées de l'annoncer à Julian, et sur son soulagement de ses promesses d'élever ensemble leur enfant. Malheureusement, le destin en avait décidé autrement, à croire qu'une vie parfaite telle qu'on se l'imagine ne peut pas exister. Elle était tout juste enceinte de trois semaines quand Julian fut victime d'un accident de la route qui lui coûta la vie. L'annonce de la nouvelle l'avait immanquablement effondrée, elle et Nolan qui lui aussi perdait une partie de lui-même. Pendant un mois entier, ma mère resta en dépression, Nolan lui, essaya de remonter la pente plus rapidement et de l'aider elle aussi, dès lors, ils se rapprochèrent beaucoup. Nolan était le portrait craché de Julian, et immanquablement, lorsqu'elle le voyait, elle repensait à mon père. Et Nolan, lui, n'était pas insensible à elle. Si bien que de fil en aiguilles, ils passèrent à l'acte tout les deux. Ma mère était très mal de tromper mon père avec son propre frère, mais pourtant, elle resta en couple avec lui. Et lui fit croire, dès que son ventre commença à s'arrondir, qu'elle était enceinte de lui. Nolan était aux anges.
Le jour de ma naissance, il était donc présent aux cotés de ma mère pour m'accueillir. Bien que j'étais né à terme, elle lui avait fait croire que j'avais été pressé de pointer le bout de mon nez et que j'étais né en avance. Mais il n'a jamais posé de questions à ce sujet, trop content de pouvoir m'avoir dans les bras.
J'ai passé une enfance paisible, à Cambridge, entouré de Nolan et de maman. Et je n'ai jamais manqué de rien, et encore moins d'amour. Maman m'a toujours appris que dans la vie, on ne peut pas tout avoir... Même si on veux vraiment quelque chose. D'ailleurs, elle me refusait de temps à autre un jouet qui me faisait particulièrement envie, en veillant à ce que je ne devienne pas un enfant capricieux. Elle aurait détesté cela, bien qu'au début, j'ai souvent tenté pour la faire craquer, mais elle n'a jamais cédé. Bien que souvent je recevais l'objet convoité par Saint Nicolas ou le Père Noël. Très vite, j'ai montré aux personnes de mon entourage que je savais ce que je voulais. Et ce que je ne voulais pas. Très autonome aussi, j'ai toujours aimé me débrouiller seul.
Quand j'avais une idée derrière la tête, je ne l'avais pas ailleurs, et tout comme mon père, il parait, j'ai toujours été très têtu. C'est vrai que je n'en fais qu'à ma tête, et si je me rends compte que je me suis trompé ou que je n'aurais pas du agir d'une certaine façon, pour que je l'admette ouvertement, il faut un miracle . A coté de ça, j'avais pleins d'amis à l'école que je fréquentais, et bien que je n'aimais pas vraiment l'école, je me débrouillais pour que maman soit fière de moi. Et Nolan aussi. C'est peu après mes quatre ans que maman m'a expliqué que Nolan n'était pas mon vrai papa. Nous étions seuls tout les deux et maman venait de me raconter la traditionnelle histoire pour me permettre de m'endormir. Ce soir là, j'ai eu droit à celle de mon père en plus. Elle m'a expliqué son choix de rester avec Nolan envers et contre tout pour me permettre d'avoir un père. Et j'ai continué de l'appeler papa, même en sachant la vérité, car il était tout ce qu'est un père à mes yeux. C'était notre secret à tout les deux, je ne devais jamais lui en parler. Ca ferait trop de mal à Nolan, maman le savait.
Malheureusement, les secrets ne peuvent jamais rester secrets très longtemps dans bien des cas. Peu après mon cinquième anniversaire, ma mère est elle aussi victime d'un accident de la route. Je me souviendrais toujours de ce jour là. J'étais avec elle, installé sur la banquette arrière alors qu'elle conduisait pour nous ramener à la maison. On discutait tout les deux, et je lui racontais l'après midi que j'avais passé chez mon meilleur ami à l'occasion de son anniversaire. J'avais passé l'après midi à me régaler de bonbons et de gâteaux, et l'entendre m'enthousiasmer de la sorte l'avait fait sourire. Machinalement, elle avait jeté un coup d'oeil dans son rétroviseur pour me regarder à travers le miroir avant de tourner la tête dans ma direction pour me dire quelque chose. Et tout avait été très vite : un chauffard ivre avait déboulé en contre sens, cherchant à doubler une voiture malgré une ligne blanche, et en le voyant débouler vers nous, je me cachais le visage dans mes mains. Alertée par le klaxon de la voiture d'en face, elle reporta son attention sur la route, mais le choc fut inévitable. Et n'ayant pas mis sa ceinture de sécurité, elle n'avait pas eu la moindre chance de s'en sortir. Du haut de mes cinq ans, j'avais vu ma mère mourir sous mes yeux. Et ces images reviennent encore très souvent me hanter. Il n'est pas rare que je me dise que c'est de ma faute, que ça ne serait pas arrivé si je ne l'avais pas distraite... Immanquablement, je m'en veux énormément.
Un témoin de l'accident était venu se rendre compte des dégats, appelant l'ambulance qui m'emmena vers l'hôpital le plus proche après avoir constaté que pour ma mère, il n'y avait plus rien à faire. Je ne sais pas comment il a su, mais Nolan est rapidement venu me rejoindre. Pendant un certain temps, j'ai refusé de parler à quiconque, même à lui. Mon traumatisme étant trop grand. Et comme si ce n'était pas suffisant, peu après l'enterrement de maman, il a mis la main sur son journal, apprenant la vérité sur moi et sur le manège de ma mère. Frustré d'avoir été berné pendant toutes ces années, et bien que je n'y pouvait rien, il est devenu un autre homme. Si autrefois j'étais très complice avec lui, suite à sa découverte, il me faisait peur. Il a commencé à boire et à devenir violent, pour un oui ou pour un non, même pour rien, il en venait aux mains. Et bien que la vie à la maison n'était pas facile, je m'efforçais de rester un garçon comme les autres à l'école et auprès de mes camarades. Avec eux, j'oubliais tout pour un petit moment, et j'étais content de les retrouver, pour les récréations. Là je pouvais m'amuser.
Avec Nolan, Je pensais que tout ça allait s'arrêter, ou comme il le disait, que je méritais tout ça. C'était aussi pour ça que je ne me plaignais pas. Les surveillantes à l'école n'avaient jamais rien deviné d'anormal, ni même dans mon comportement. Mon institutrice non plus. Et pourtant, cette situation a duré de mes cinq ans jusqu'à mes six ans. C'est lors d'une visite médicale organisée par l'école que la nouvelle est tombée. Devant les marques de coups dissimulées sous mes vêtements, et malgré mes mensonges en affirmant que chez moi tout allait bien et que ce n'était pas mon père qui était responsable de tout ça, la directrice décida d'avoir une entrevue avec lui, et face aux preuves qu'elle détenait, il ne pu qu'avouer la vérité. Il dû régler ses problèmes d'alcool au plus vite et ma garde lui fut enlevée. Peu de temps après, j'ai appris qu'il s'était suicidé. Et pourtant, j'aurais aimé qu'il puisse de nouveau s'occuper de moi après avoir réglé ses problèmes. Quand on m'a annoncé qu'il était lui aussi parti au ciel rejoindre maman, j'en ai voulu aux adultes qui nous avaient séparés, en me disant que si ça ne s'était pas passé comme ça, s'il aurait pu rester avec moi, il serait peut-être encore là. Et moi, je ne serais pas tout seul.
J'ai commencé alors à voyager de familles d'accueil en familles d'accueil, du haut de mes six ans. Deux mois chez l'une, un mois dans l'autre, ça ne tient jamais très longtemps. Je m'y suis fait, même si ce n'est pas toujours évident.
Immanquablement, suite à tout cela, j'ai beaucoup moins confiance aux adultes qu'avant, même si bon nombre sont assez sympathiques avec moi et tentent que je me sente au mieux auprès d'eux. A présent, j'ai sept ans et la situation n'a pas vraiment changée. J'ai pris l'habitude de ne pas trop m'attacher aux gens chez qui je vis, sachant très bien que ça ne dure pas... Je préfère comme ça, parce que quand je m'attachais à une famille et que je devais partir après pour l'une ou l'autre raison, c'était comme si mon monde s'écroulait de nouveau. Cependant, comme tout les enfants de mon age, j'ai gardé un petit coté facétieux, surtout avec mes petits camarades.
Depuis quelques semaines, on m'a appris que je pourrais peut-être avoir enfin une personne qui s'occuperait de moi définitivement. Mais je n'en sais pas plus... Est ce qu'elle fait partie de ma famille? Est ce qu'elle connaissait un de mes deux parents? Les deux? Ou bien est ce une personne tout à fait étrangère? Je n'en sais rien, et on a pas voulu m'en dire plus pour l'instant... Peut-être pour éviter que je ne me fasse des illusions. Ou que je sois déçu si une fois de plus ça ne marche pas. En attendant qu'elle vienne me chercher, on a arrêté de me placer en familles, à la place, je reste à l'orphelinat, et j'y ai pas mal de compagnons de jeux avec lesquels j'adore m'amuser. A l'orphelinat, constamment de nouveaux enfants arrivent et d'autres partent... J'aurais peut-être effectivement bientôt mon tour moi aussi. Et dès lors, je pourrais enfin donner une suite à mon histoire