Déborah Jons Delepsy ► LilithVampiriozah

Salt Lake City. Ville principalement mormone et axée études. J'ai vécu dans un univers comme celui-là depuis que je suis née, entourée de parents dont la principale préoccupation n'était pas l'argent, ni même les besoins vitaux, mais... la famille. Famille, amis, voilà tout ce qui les intéressaient, c'est pourquoi leurs études se sont arrêtées à dentiste pour ma mère, et employé de bureau pour mon père. Pas très classe comme avenir quand on habite dans une grande ville comme Salt Lake City. Classe moyenne au milieu de tous ces soi-disant riches au cul bien trop haut pour péter droit, je me suis forgée une idée très claire de ce que je voulais devenir assez tôt. Vers l'âge de douze ans. Je serai connue, moi. Je serai droite et intelligente, j'attacherai un avenir tout tracé pour moi : celui des études et de la connaissance. Qu'importe le domaine, il me fallait être beaucoup plus haute que l'avaient été mes parents. J'irai à Harvard. C'était la seule chose possible pour arriver à mes fins.

La vie, cependant, à Salt Lake City est bien morne quand on adhère nullement aux préceptes religieux, quand on ne va pas à la messe tous les dimanches mais qu'on passe son temps dans des bouquins, dans des bibliothèques ou devant un ordinateur. C'est peu dire à quel point on s'ennuie, surtout que la vie sociale ne se construit pas sur ces principes-là. Voir des gens est une clé bien trop importante pour qu'on puisse la laisser de côté.

Alors, arrivée vers les années de lycée, je me suis enfouie, la première fois, une nuit, sur un scooter volé chez la voisine, le porte-feuille de mon père dans la poche, et je me suis égarée quelque part dans les limbes de la fête. Pour la première fois. Je ne connaissais rien à ce domaine, mais je voulais apprendre ici aussi. Il m'était indispensable d'élargir ma connaissance à ce que je ne connais pas encore pour appréhender le monde un peu mieux. Manque de chance, je tomba directement sur la seule boîte sur laquelle je n'aurais certainement jamais dû tomber : une boîte de gothiques, fétichistes et métalleux à la bouche pleine de joints et aux cheveux virevoltant sur une musique un peu trop hard pour moi. J'affichais un sourire : là serait l'avenir, tous ces gens si ouverts à la conversation seraient mes amis. Des amis du soir, des amis d'avenir sociale. Ma jupe noire moulante que j'avais mise dans l'espoir de pêcher un homme, ma frimousse blonde et mes yeux noirs me permirent d'entrer sans problème. Je me sentis à l'étroit dans cette boîte trop grande et infectée de monde, mais rapidement, je compris pour que réussir dans ce domaine, il ne fallait que peu de chose : sourire, parler, rigoler, et se laisser aller.
Là, je fumai mon premier joint. Là, je couchai avec le premier homme. Quel âge avais-je ? Seize ans, je crois. Tout au plus. Et tous les soirs, alors, je revins dans cette boîte dans laquelle à chaque fois, je me fis un ou plusieurs autres amis. Ce fut bientôt l'alcool à pleine gorgée, les mal de crâne et gueule de bois, la baise sur les tables, parfois même devant public, la jouissance, et l'accomplissement total de ce que je voulais. Mes parents n'en savaient rien. Ils ne savaient pas ce que je faisais de leur argent la nuit. Je m'achetai de la drogue et des hommes. Je m'envoyais en l'air par divers moyens, et surement, m'amusais plus qu'eux, dans leur pyjama en laine.

Jamais mes notes n'en pâtirent à tel point que personne ne se douta de ce qui se trafiquait la nuit. Je vendais mon corps pour récupérer l'argent perdu et le remettais illico dans le porte-monnaie. Pas de doute, pas de surprise. Le mensonge devint le principal pêcher que j'entretins régulièrement.

Passèrent les années lycée, et enfin, le summum de mon élévation : mon entrée à Harvard. Naturellement intelligente, douée, et sans scrupule, je pus entrer sans trop de difficulté, bien que la tension était palpable. C'était toute ma vie, passée comme future, qui était en jeu : soit je réussissais et j'entrais officiellement dans cette vie que je voulais, soit je foirais et reniais tout ce pourquoi j'avais cru jusqu'à présent.
Heureusement, il n'en fut rien de dramatique, et ma place fut encaissée. J'étais à Harvard. Quelle spécialisation, maintenant ? C'était simple. Le droit me tentait largement, mais faire du droit dans ma position n'était pas simple. Par contre, tous ces belliqueux sans langue propre qui ne savaient absolument pas s'exprimer me révoltait à m'en arracher les cheveux de rage. Je leur apprendrai à s'exprimer. Je leur apprendrai le mot d'ordre : communication impeccable, et sociabilisation !

Femme blonde, ronde et belle, je savais que je ferais mouche ici. Cela dit, pour le bien de mon avenir, personne ne devait se douter que le soir, je troquais mes vêtements moulants et provocants pour des piercings, de la drogue et écartait les pattes devant qui voulait. Mes parents me renverraient de suite là d'où je venais, et mes vivres seraient coupées sans merci ni au revoir. Il me fallait jouer le jeu, et cacher tous les indices possibles. La journée, je serai une étudiante modèle au corps trop beau pour être vrai, et le soir, j'élargirais mes connaissances sociales en allant m'envoyer en l'air dans un look hard punk ravageur. Quelle maison pour moi ? Celle des filles modèles me scierait mieux. Une protection en béton pour un secret en béton. Chaque choix est mortel quand on cache une double vie, n'est-ce pas ?