s. lust caan-kwanten► rafael lazzini.

Si je devais parler de moi, raconter mon histoire sans doute commencerai-je par l’évènement qui a eu un impact sans précédent dans mon existence. Non, ce n’est pas la mort de mon père, ni celle de ma mère comme il est coutume dans la plupart des histoires mais celle de ma petite-amie. Remarque, ce n’est pas si différent de ce qui arrive à la plupart des gens. Je ne suis pas exceptionnel. Je ne suis pas un flocon de neige merveilleux et unique. Je suis fait de la même substance organique pourrissante que tout le reste. Oui, c’est vrai je n’ai rien de particulier, si ce n’est cette fortune qui me fait obtenir tout ce que je désire. Mais encore une fois toute cette opulence n’est pas la mienne, elle appartient à mes parents et je ne fais qu’en profiter. Un peu trop par moment peut-être. Puisqu’elle est là autant s’en servir non ? De toute manière c’est tout ce dont je suis capable.

Bref, je m’éloigne de mon sujet initial. Je te parlais de Rebekah. Ma douce et tendre Rebekah qui bouffe désormais les pissenlits par la racine, lieu où nous nous étions rendez-vous, de toute façon ce n’est pas comme si j’avais le choix. Je me souviens clairement de cette nuit. Un peu trop à mon goût. Certainement une manière pour ma mémoire de me torturer plus encore. Nous devions nous rendre à une soirée étudiant et ce fut tout naturellement que je lui avais proposé, à elle. Néanmoins tout cela tourna au vinaigre. Tout d’abord la fête fut écourtée car en colère par le fait que je me fasse coller par une blonde pulpeuse aux attributs plus qu’affriolants et surtout que je réponde aux avances de celle-ci, Rebekah m’avait ordonnée de la raccompagner. S’en suivit une violente dispute à laquelle je ne participais pas qu’à moitié, en effet j’étais déjà bien éméché et sa réaction me paraissait disproportionnée. Nous avions toujours été comme ça, se prendre la tête pour finalement se réconcilier au lit. Souvent même nous provoquions ces altercations pour ce qui suivait. Malheureusement ce ne fut pas comme les autres fois. Je ne m’étais pas concentré sur la route, préférant répondre aux reproches que me lançait ma copine et puis reconnaissons-le, un esprit ivre ne fait pas assez preuve de concentration pour prendre le volant. « Lust, devant toi… » Trop tard. Bien trop tard. J’évitais de justesse la voiture qui venait dans notre direction mais ne pus en faire de même avec le côté droit qui m’appelait inexorablement. La collision fut d’une puissance ahurissante. Je perdis connaissance, préférant largement me terrer dans mes songes fantasmagoriques. L’obscurité. Je m’y glissai avec délice. La douleur qui m’avait précédemment envahi a disparu. En un claquement de doigt. Comme par magie. Abracadabra. Plus rien. Anesthésie des sens. Mieux. Nettement mieux.

Je me réveillai quelques heures plus tard à l’hôpital. Le verdict tomba, implacable. Morte. Rebekah était morte. Et je l’avais tué. Mon cerveau ne voulut pas tout de suite accepté la nouvelle et pendant quelques jours, je me repliai sur moi-même, préférant de loin la froide noirceur de ma chambre. Je nourrissais mon âme de vaines illusions auquel je m’accrochais désespérément mais elle n’était pas là. Elle n’était plus là. Elle ne l'avait jamais été. Tout était fini. Ah, dieu que j’ai mis énormément de temps à accepter ce fait et je crois d’ailleurs que je ne l’ai toujours pas fait mais quelle importance ? Plus rien n’en a désormais. Les regrets m’assaillent de toute part, me dévorent avec une douloureuse lenteur. Je n’ai pas assez souffert. Il en faut plus. Encore et toujours plus. De toute manière, rien ne peut pardonner l’ignominie dont je me suis fait coupable. Même s’il y avait eu un moyen, jamais je ne l’aurais autorisé. Je méritais d’être torturé de la sorte.

Les parents de ma défunte copine ne voulurent plus rien savoir de moi, qui aurait pu leur en blâmer ? Je leur avais ravi leur fille. Mes parents réagirent d’une manière semblable, ils considéraient qu’ils n’avaient plus de second fils mais continuaient cependant à subvenir à mes besoins financiers. Ce qui en soi ne changeait pas de la façon dont ils me traitaient habituellement. En effet, seuls les aveugles ou les idiots congénitales ou bien les deux ne seraient pas rendus pour leur préférence pour mon grand-frère plus connu sous le sobriquet du « mister perfection ». Je ne pouvais rivaliser, enfin fut un temps où j’ai bien entendu essayé, avide d’attirer l’attention de mes géniteurs mais cela fut peine perdue. Je pris alors conscience que jamais je ne pourrais l’éclipser, ni ne pouvais atteindre son niveau alors j’adoptais le mode de vie qui était toujours mien aujourd’hui. Rétrospectivement, c’était un encore un autre moyen désespéré de m’attirer leur faveurs mais cela ne fit qu’avoir l’effet l’inverse. Je devins celui que l’on devait dissimuler aux yeux des autres, lorsqu’ils présentaient la famille, ils affirmaient n’avoir qu’un seul fils. Mon grand-frère. Celui avait une excellente carrière, des très bonnes notes, un comportement irréprochable et j’en passais. Cette fois encore j’étais source de déception mais je supposais que cela ne les surprenaient même plus, ils avaient finir par s’habituer à la caractéristique principale du vilain petit canard, décevoir ses proches ainsi que détruire tout ce qu’il avait de bien dans sa vie. Je secoue la lentement la tête afin de revenir à l’instant présent. Nos relations demeurent identiques soit une indifférence à toute preuve, moins l’on se voit, mieux nous nous portons. Tant que moi j’ai leur fric, je m’en fiche pas mal du reste, enfin c’est le cas avec le plein de coke et d'héro. La vie est plus belle vue d'en haut, il parait. Il faudra que je pense à demander confirmation à Rebekah.