SHELDON JUDAS REDMAYNE ► aaron chalmers

Quand je suis né, mon père disait que j'avais une tête de petit diable, et lors de l'élaboration de mon acte de naissance auprès du personnel de l'hôpital et sans l'aval de ma mère pour le deuxième, il m'a prénommé Sheldon Judas. Imaginez à quel point c'est handicapant dans la vie d'un jeune garçon, et à quel point c'était devenu invivable à cause de Lady GaGa. J'en ai chié, et j'en chie encore. Heureusement, j'ai pu garder ce second prénom au maximum pour moi. Il n'est indiqué que sur mes papiers d'identité, et c'est suffisant. Ainsi débuta ma vie.

«  Et que le monde entier soit plongé dans le noir
Peu m'importe, encore une scène, encore un soir » Temps Mort • SCH

Une famille aimante, des frères et soeurs, le portrait de famille annuel à l'occasion de Noël. Les conventions familiales, les grandes tablées d'anniversaires, Thanksgiving et trucs du genre. Un équilibre pour fixer les bases de l'éducation, les principes de bienséance. Un équilibre précaire, car tout n'est pas aussi simple dans les faits. Papa travaille beaucoup, et maman le soupçonne de choses dont elle n'est pas sûre. Après quelques années, le couple parental se sépare, se divisant la garde des enfants. Et moi, tout gamin que j'étais, je ne voulais pas être de ces gosses qu'on envoie un week-end sur deux chez l'un d'eux. Je voulais continuer ma vie de jeune ado comme j'avais toujours vécue ma vie d'enfant. Finalement, ma mère ne prit que Piper, divisant cette famille de la pire des façons. J'étais mal de ne plus avoir tous les membres de ma famille près de moi, et j'ai commencé à devenir parfois violent, au bord du suicide ou encore euphorique. Mon père ne comprenait pas ces revirements de situation, au point qu'il a décidé un jour de m'emmener voir un spécialiste. Le verdict est tombé : Bipolarité.
Selon les explications de ce médecin, cette pathologie s'est vivement déclarée suite à un évènement traumatisant : le divorce et la coupure nette des relations matriarcales. Mon père se sentait coupable de ma maladie, et tentait tant bien que mal de me soutenir.  

« Je te mens, je me mens, tu veux que je rentre mais j'suis bien dans le froid. J'suis ingrat et tu le sens que je merde et que de toute pièce je créé la joie, je mets mon masque, j'm'achète un flash et j'me noie dans un faux moi. » Je ne te mérite pas • Mohand Baha

Les déboires de l'adolescence, la période la plus critique de ma vie. Entre ma bipolarité et la crise liée à cette période de mon existence, mon père en a gravement chié. J'essayais de canaliser mes nerfs dans des sports de combats, mais même ça ne fonctionnait pas. Je me battais en dehors du lycée, j'étais vu un peu comme le caïd. J'ai commencé à traîner avec des gars pas trop fréquentables, j'ai commencé à boire, à payer des faux papiers pour mentir sur mon âge dans le but de me faire tatouer. Et j'ai aimé ça, le tatouage. La preuve aujourd'hui. Seules mes jambes ont encore de la place.  Mais j'ai rencontré cette petite nana qui a su m'assagir un peu. Elle m'a prouvé que je n'avais pas besoin d'être violent, de traîner avec ces mecs là pour aller mieux et déverser ma colère. Je suis resté près de trois ans avec elle, j'en étais fou amoureux. Elle était belle, grande, brune au départ, puis blonde avant qu'on se sépare. Elle était douce, et elle m'aimait assez pour tout me pardonner. Et elle m'a pardonné beaucoup de choses. Mes crises de colère, les insultes infondées, ma jalousie. Puis sur la fin, j'ai complètement merdé et repris mes mauvaises habitudes. Quand je devais aller la voir, souvent, je ne le faisais pas. Trop occupé à boire avec mes potes dans un bar, trop occupé à la tromper quelques fois. Et quand j'ai compris que je faisais de la merde, j'ai préféré tout lui avouer. Et cette fois là, elle ne m'a pas pardonné. Depuis, j'essaye de devenir quelqu'un de bien.

« Maman m'a dit : "Ne trahis pas ton éducation. Être là pour la famille dans la vie, c'est une obligation, je ne comprends pas pourquoi tu agis comme un mauvais garçon.
" » Mauvaise graine • Nekfeu

Après une année passée à l'université de Vancouver, j'ai retrouvé la trace de Piper, ma seconde soeur. Elle était à Harvard, avec Julia. J'ai donc demandé à changer de fac, et la requête fut acceptée aux vues de mes bons résultats. J'ai alors quitté mon Canada natal pour gagner les Etats-Unis, Boston plus précisément. J'ai entamé un cursus d'anthropologie et de sport. Quand on me demande pourquoi l'anthropologie, je dis que c'est pour faire comme la meuf dans Bones et que j'aime les os. On me prend un peu pour un dingue, alors ça m'amuse. Alors qu'en réalité, je me passionne pour les différentes cultures de l'humanité. J'ai dégoté également un job de tatoueur au Redemption il y a deux ans. J'avais posé mon book de dessins, et les artistes présents m'ont formé à la dermographie.
Il y a peu, j'ai appris que mes frères ne parlaient plus à mon père. Ils ont appris qu'il voulait changer de sexe. Je ne comprends pas leur point de vue. Pourquoi ils ne voudraient pas voir le paternel heureux, dans le corps qu'il veut ? C'est sa vie, après tout. Honnêtement, si les Kardashian ont accepté que Bruce devienne Caitlyn Jenner, pourquoi je n'accepterais pas pareil pour le bien mental de celui qui m'a permis d'être sur cette terre ? Pourquoi ont-ils des valeurs aussi étriquées alors qu'on est en 2017, bordel ?