Cesare Pariotti -> Lucas Bernardini

2 ans - Tu pleures, tu pleures à t'en faire péter les cordes vocales. T'as peur, parce qu'elle est venu se pencher au dessus de ton berceau, la mauvaise féé, elle est venue te chercher, Luisa. T'es terrorisé, parce qu'elle te tient par les pieds, et que ta tête effleure dangereusement le sol. Tu voudrais pouvoir lui échapper, te glisser n'importe où, mais elle a pas l'intention de te lâcher. Luisa te hurle dessus, paraît que tu lui casses les oreilles. Alors elle te secoue sans ménagement, ta sœur, avant de te sortir de la maison. Pendant tout le trajet, sa main reste crispée sur ton visage pour t'empêcher d'attirer la nourrice qui vous garde. Direction le garage, Luisa dépasse plusieurs rangées de voiture avant de s'immobiliser à côté d'une Mercedes. Le sang qui afflue à tes tempes commence à faire apparaître des points noirs dans ton champs de vision. Tu voudrais que ça s'arrête alors tu hurles de plus belle, mais elle est sourde Luisa elle s'en fout que t'ai peur, elle soulève la bâche, puis elle ouvre le coffre de la voiture à l'intérieur duquel elle te laisse tomber. « Je vais te donner une bonne raison de brailler moi, tu vas voir ! » Le coffre se referme, t'es plongé dans une obscurité totale et silencieuse. C'est la panique qui te prend aux trippes, qui te coupes la voix, tu te recroquevilles sur toi même en priant pour que la lumière revienne. Tu sanglotes pendant quatre heures dans la même position, articulant avec difficulté un « Lusaaa ! » de temps à autre, mais Luisa ne vient pas.

8 ans - « Et ça c'est mon p'tit frère. » y'a la porte de ta chambre qui s'ouvre sur ta sœur en robe de soirée Gucci, accompagné d'un grand type blond que tu connais pas. « Tu m'avais jamais dis que t'avais un frère. » « Oh c'est parce qu'il n'y a pas grand chose à dire sur lui, il parle qu'à son chien de toute façon. Et quand il s'adresse à moi c'est toujours en pleurant ! » leurs éclats de rire te donne la nausée, et une furieuse envie de casser quelque chose. Tu voudrais lui dire de dégager, mais t'arrive pas à dé-serrer les dents, t'arrive pas à bouger de ton bureau. Seule la veine qui se met à battre furieusement sur ta tempe témoigne de la rage qui enfle en toi. Ton chien, couché à tes pieds se met aussitôt à grogner en direction des deux intrus. Tu n'as pas un geste pour le faire taire. « Effectivement, il a l'air un peu autiste ce gamin.. » dit le blond en se rapprochant de toi. « Un vrai petit sauvage, qui fait honte à la famille, c'est tout ce que c'est. » soupire ta sœur en levant les yeux au ciel d'un air résigné. Tu détestes ce type, tu le connais pas mais ça se lit sur son visage, que c'est un abrutis. Et t'en as la confirmation quand il se permet d'attraper tes dessins pour les porter à hauteur de ses yeux. « Rends-moi ça !» ércutes-tu en sautant sur tes pieds pour lui arracher les papiers. « Du calme le pitbull, j'ai pas finit de regarder ! Putain mais c'est quoi ce truc ? » « Fais voir ? » ta sœur s'est rapprochée de lui avec un sourire de requin. « Il me laisse jamais regarder ! » Trop. Trop c'est trop. Détonation à l'intérieur du crâne, sifflement dans les deux oreilles, tu te jettes dans les jambes du blond pour le plaquer au sol. Le choc ne t'arrête pas, ta respiration bloquée non plus, t'es fou furieux, et bien décidé à effacer ce foutu sourire de son visage de con. T'arraches les feuilles de ses mains, avant de te précipiter sur son visage, toutes griffes dehors. T'es hors de toi, tu vois rouge, et t'écrase tes phalanges sur son nez, sur sa bouche, tu cherches même à lui crever les yeux. Tu voudrais le tuer, tu voudrais les tuer tous les deux.

15 ans - « Cesare, met un maillot de bain et vas faire un tour dans la piscine, j'en peux plus de ta pâleur de cadavre. » « Non. » C'est plus un grognement qu'un mot, tu refuses de croiser le regard de ta mère. « Tu veux pas être un peu normal, juste une fois de temps en temps ? Pour me faire plaisir ? » tu laisses couler, pseudo-concentré sur ton livre, dont tu relis la même phrase pour la quatrième fois. « Luisa elle sait comment s'amuser, tu devrais prendre exemple sur ta sœur, elle a des amis, elle. » Cette fois tu ne peux pas retenir un regard noir pour ta mère, qui répond en te soufflant sa fumée de cigarette dans les yeux. « Et puis comment tu t'es habillé encore ? Il fait beau, il fait chaud, pourquoi tu t'obstines à porter des t-shirt à manches longues ?! » Sans le vouloir tu croises le regard de Luisa, accoudée au rebord de la piscine, elle a l'audace de t'adresser un clin d’œil et un frisson te parcours l'échine. « T'as raison j'ai trop chaud. Je vais prendre une douche. » craches-tu en t'éloignant, ton livre à la main. « Mais qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi ? C'est pour me contrarier hein ? T'adorais ça avant, nager dans la piscine ! » Oui. Mais ça c'était avant. Avant que Luisa ne décide de te briser, de te marquer à vie en écrasant ses cigarettes sur ta peau. « Comme ça j'aurais la piscine pour moi seule pas vrai ? »

17 ans – T'appelles ton chien, ça doit bien faire trois quart d'heure. Tu comprends pas, t'as fais tout le tours de la propriété mais pas trace de ton molosse. C'est pourtant pas un fugueur, ce serait plutôt le genre à rappliquer ventre à terre au premier sifflement. Alors quoi ? Tu marches à vive allure en direction du hall, et ce que tu vois en haut des marches te coupes les jambes. Le corps du chien est lacéré au niveau des flancs, une écume blanche bave de sa gueule, et les touffes de poils entre ses crocs suggèrent que c'est l'animal lui même qui s'est infligé les blessures qui l'ont tué. « Non... non, non, non, NON ! » t'es hystérique, t'agrippe la tête du chien et tu plaques ton front contre le sien. « C'est pas possible... c'est pas possible... » des larmes brulantes coulent sur tes joues sans que tu t'en aperçoive. Tu sais pas combien de temps tu restes à bercer la dépouille de ton meilleur ami. Probablement jusqu'à ce que t'ai plus de larme à verser. Quand tu te relèves enfin, ce n'est plus de la tristesse qui brille dans tes yeux injectés de sang. C'est la haine, de la rage, tu t'élances dans le vestibule, traverse les couloirs, tu cours jusqu'à la salle à manger où sont en train de dîner ta mère et ta sœur. « Luisa... ESPÈCE DE SALOPE ! » l'interpelée n'a pas le temps de poser sa fourchette ou même d'articuler un mot pour se défendre, t'es déjà sur elle. T'agrippe ses cheveux et tu la jette par terre, t'entends pas ses hurlements, ni les menaces de ta mère. « Pourquoi t'as fais ça ? Pourquoi tu t'obstines à me pourrir la vie ?! » y'a tes mains qui trouvent naturellement leur chemin jusqu'à son cou, et tu serres, tu serres le plus fort que tu peux. « POURQUOI TU L'AS TUE ? IL T'AVAIT RIEN FAIT ! » ça fait tellement longtemps que t'attends ce moment, tellement longtemps que tu rumines la colère que t'as pour elle. « TU MÉRITES PAS DE VIVRE ! TU MÉRITES RIEN ! J'VOUDRAIS POUVOIR TE TUER EN BOUCLE T'ENTENDS ? HEIN, TU M'ENTENDS CONNASSE DE MERDE ? » oui elle entend mais elle a plus assez d'air pour articuler quoi que ce soit, elle vire au bleu, ses yeux semblent saillir de leurs orbites comme s'ils cherchaient à fuir de son visage, sa langue se tend, comme pour inspirer de l'air, on dirait un poisson hors de l'eau. Luisa meurt et tu jubiles. Tu l'aurais tué, si ta mère ne t'avait pas brisé une chaise sur le crâne pour te faire lâcher prise.

18 ans - « Tu fais honte à cette famille. Tu es nocif pour notre réputation, tu effraies ta mère et ta sœur, quel genre d'homme s'en prend ainsi à une femme ? Certainement pas mon fils. Il faut que tu partes, que tu quittes Florence, je ne veux plus te voir. » ton père n'est jamais à la villa, il a mieux à faire que de s'occuper de vous, il s'assure que le nom des Pariotti sera toujours adulé dans le monde de la jet-set, c'est à cela qu'il s'est engagé auprès de ta mère. Et nullement à vous aimer. De fait tu n'as jamais rien attendu de lui. « Je veux aller étudier à Harvard. » « Et tu vas y aller. J'arrange ça dès demain, mais en échange je veux que tu me fasses la promesse de ne plus jamais revenir ici. » « Avec plaisir, Papa »